On m'avait dit : n'y va pas, c'est l'antre du diable, la bouche de l'enfer, plus incompétents tu meurs.
Mais j'y suis allée, car, je cherche mon premier emploi et qu'en attendant, j'ai besoin d'une sécurité sociale en cas de coup dur.
Revenons sur mon profil vite fait : Bac +5 après des études dans l'information-communication et les métiers du livre, je me suis spécialisée dans l'édition. Fin de mon stage de fin d'études en octobre, inscription au Pôle emploi en décembre, on me dit qu'on va me recevoir à l'autre adresse sous 3 semaines. Mi-janvier je reçois un courrier avec le nom de ma conseillère, mi-février un autre courrier me convoquant ce matin, à 9h. Je dois prendre mon CV et des justificatifs de ma recherche d'emploi.
Je me prépare donc un dossier avec les lettres de refus reçues, CV, lettre de motivation et un speech me situant entre deux entretiens et je me lève avec courage.
Arrivée devant le Pôle 10 minutes en avance, je vois d'autres convoqués arriver, puis, 10 à 15 minutes après, les conseillers, qui rentrent, sortent, pas un regard, pas un bonjour, ils se mettent à fumer et boire leur café, il est 9h10, on nous ouvre enfin. Salle d'attente.
On suite un homme qui ne se présente pas et qui nous emmène dans une salle commune, sa première phrase : "On se laisse combien de temps pour attendre les retardataires ? Une heure ?"
Regard atterré de tous les gens présents à l'heure. Pour ajouter à l'image d'épinal : le monsieur est Antillais, à l'accent prononcé, et dès la première question qui lui est posée il devient agressif et nous explique "Les assédics c'est la carotte et nous on est le bâton", si on est pas content on ne vient pas et on est radié, tout le monde est plus content comme ça. Moi, je n'ai même pas de carotte (je n'ai pas le droit aux allocations, car si j'ai plus de 18 mois de stage à mon actif, je n'ai pas le droit aux allocations).
Finalement, le titulaire arrive, bien en retard, nous salue, et nous dit "Signez la feuille de présence et après vous pouvez y aller."
Sur la convocation il y avait bien écrit : "prévoir la matinée".
Le conseiller a l'air désabusé, et sans vouloir m'avancer, passablement stone et/ou saoul, devant nos questions répond "Qu'est-ce que vous voulez faire ? Un tour de table ? Ca sert à quoi ? Vous n'avez pas les mêmes profils -(certes, une femme ne sait pas ce que sont les charges sociales, un autre parle à peine français, mon voisin est entrain de fonder sa propre entreprise et moi, vous savez)-. Chaque conseiller a 500 personnes à gérer avec le nouveau redécoupage, on va pas vous voir tous un par un."
On m'avait présenté ça comme un suivi personnalisé, mensuel. Ce que je mentionne au monsieur. Il me répond, sur la défensive : "mais pourquoi vous vous en prenez à moi ?". Je le rassure, ce n'est pas lui, c'est seulement mon seul interlocuteur. Il me dit que tout lui retombe toujours dessus. Que c'est pas juste.
All right. Aucune discussion n'est possible.
Il enchaîne :
"De quoi vous vous plaignez ? Vous avez l'accueil, il est à votre disposition toute la journée si vous avez des questions et pour vous entretenir avec un conseiller."
L'accueil. Souvent 3 à 4 personnes qui patientent, on a accès à une personne qui doit gérer son temps au mieux, debout, à la vue de tout le monde. Pas facile pour parler de sa situation.
Une femme dit "si je comprends bien, on peut s'en aller ?"
Il répond : "Bah oui, qu'est-ce que vous voulez que je fasse pour vous ?"
Elle se lève, remercie sèchement le bonhomme. Je profite du mouvement et j'y vais.
Elle me confirme qu'il était complétement à côté de ses pompes "bourré", selon elle.
Je ne pensais pas que le cliché était si en deçà de la réalité.
Pincez moi, je rêve.