vendredi 28 juin 2013

There was a time when men were kind


Ses grands yeux de biche ont dû le sortir de pas mal de situations, ou l'y plonger.
Sa tchatche lui faire décrocher de nombreux jobs, comme moi mes sourires entendus.

Je n'ai rien à dire, il est très fort - tellement fort qu'il est parti loin, trop persuadé d'avoir raison. D'avoir raison toujours, d'avoir raison tout le temps.

D'avoir raison à ma place, sur plein de sujets, quand il devrait avoir raison avec moi.
Mais ça, non, décidément, il ne peut pas l'admettre.

Parce que je suis jeune, très jeune, trop jeune, selon lui, pour le poste que j'occupe.
Parce que je suis une femme.
Parce que je ne suis "que" éditrice.

Ce que j'entrevois de sa vision du monde me fait peur. Et c'est plus pour ça que je tremble que pour les couteaux qu'il aligne dans mon thorax, à chaque reproche formulé. 

Il répète des mots qu'on lui a dit sur moi, mais, ça ne produit pas l'effet escompté, quand je lui retourne comme un miroir. 

Je ne m'en rends pas encore compte, mais c'est une véritable entreprise de démolition qu'il a mise en place, yeux dans les yeux, une campagne de déstabilisation. 

Depuis qu'il a compris que son charme n'avait pas opéré. Qu'il allait devoir me considérer comme une égale ou pas du tout. Que je ne tolérerai rien d'autre. Ni condescendance, ni totale confiance. 

Il y a quelque chose de pourri au royaume de ce mec.

Je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Misogynie, pour sûr. Complexe de supériorité peut-être.

Je m'en fiche. Je me blinde. Je le laisse voir qu'il m'énerve, car il m'énerve toujours, et avec son énervement, ça s'annule de toute façon.

Par contre. Même quand il me regarde de toute sa hauteur, debout devant moi, trop proche pour que je le jauge, d'égal à égal, avec ma nuque presque perpendiculaire, je ne montre rien de ce qu'il a causé en moi. Les torrents de larmes ont trouvé le lit d'une rivière souterraine depuis bien des mois, dans les tréfonds de mon moi. 

Qu'est-ce qu'il pourrait déclencher de plus dans ma vie que ce que j'ai déjà vécu ? 

Not much. 

Je n'ai rien à perdre, mais je peux, juste, m'évertuer à ne pas le faire gagner.

Il n'a pas vu, ou choisi de ne pas voir, ma main tendue tant qu'il était encore temps de s'allier. 

Je suis stupéfaite de la façon dont tout son corps, tout son choix de mot, tout ses gestes expriment l'exact opposé du message qu'il cherche à me faire passer.

Il ne réussit, en somme, qu'à me renvoyer dans les cordes, contre lesquelles j'ai récupéré assez pour tenir les 10 rounds à venir. 

Il apprendra à ses dépends qu'il n'y a pas plus tenace qu'une Johnson à qui il reste une porte de sortie, une Johnson armée jusqu'aux dents d'un dossier sur lui si épais qu'elle ne peut que s'impatienter de s'en délester, une Johnson à qui il a donné toute la motivation dont elle avait besoin pour le mener à sa perte. Piece by piece.





The bridge is crossed

So stand and watch it burn 

We've passed the point of no return. 

lundi 24 juin 2013

How could I have missed that one?


Une bonne bouteille de vin et une nuit de juin.

De quoi se sentir moins toute seule.

L'alcool a toujours appuyé sur mes cordes, sensibles, fortes, graves, aigües.

On s'entend bien, lui et moi.

On se fait des choses.

Je lui ai laissé prendre la main, prendre les décisions. Me faire rire, me taper contre des murs. Embrasser un garçon, puis deux, puis trois.

L'alcool et moi.

Il a le courage que je n'ai pas et c'est sans doute pour ça que je respecte tout l'effet qu'il me fait.

Je ne serai jamais seule tant que j'aurai de quoi encaisser ça.
1 gramme, 2 grammes, 3 grammes.

Oublier pourquoi on n'oublie jamais rien. Pourquoi tout fait trop grincer des dents. Réapprendre ce qui est simple.

Les épaules qui s'affaissent, les yeux qui regardent un plafond sans rien de particulier.

L'envie de réécouter la même chanson une millième fois, avec mille fois plus de plaisir.

Anywhere you go let me go too, that's all I ask of you

mercredi 19 juin 2013

Got to learn to stand on my own two feet


C'est quand même une satanée sale manie de centrer systématiquement ma vie sur des trucs éphémères. 
En ce moment, je ne vis que pour un boulot qui repose entre les mains d'un étranger qui n'est pas encore au courant qu'il a droit de vie ou de mort sur mon avenir pro. 

On sait ce qui s'est passé la dernière fois que j'avais une chose positive dans ma vie.

Quelque part, ça ne m'ennuierait pas trop d'être foutue à la porte. Ca me forcerait à me sortir les doigts du... et à entreprendre quelque chose. 

Car je suis devenue quelqu'un sans valeur ajoutée. 

Des amis que je vois tous les 36 du mois et pour qui je suis une étrangère qu'on voit entre deux portes et entre deux pintes. Une famille pour laquelle je suis trop excentrée et sans doute trop excentrique. Une passion en plein blocage. 
Et des proches, plus proches, qui relèvent la tête et me voient entrer chez eux, presque étonnés que je sois là en chair et en os, et qui déclarent "bah t'es en France ?"

Oui, apparemment, je fuis beaucoup et ce que retiennent les gens de ma vie ce sont mes photos de vacances.

Ces moult départs ont servi aussi à tasser New York et les sanglots irrépressibles qui secouaient mes épaules à chaque "alors c'était bien ?"

La seule chose rassurante c'est que le feu est toujours là, et que si on marche trop sur la comfort zone de Johnson, Johnson mord. Fort.

Ce que je préfère dans la confrontation, c'est m'apercevoir que c'est la violence qui gagne toujours. On a beau faire tous les efforts du monde pour se contorsionner et faire avancer quelque chose, aller à la rencontre de quelqu'un, rien ne passe. Mais guetter l'instant de faiblesse de l'autre et lui mettre le nez dedans en lui ressortant tout son ressenti accumulé, c'est généralement une libération totale. 

Autrefois on m'appelait Pain comme "Pain in the ass", et je suis contente de voir qu'elle n'a pas tout à fait disparu. 

Mais il y a quand même de fortes chances pour que mon entreprise ne me laisse pas m'enfuir moi et toutes mes jolies compétences pour un si jeune âge - où on peut encore me sous-payer. Et que cette jolie prison dorée, seule chose que je connaisse et qui me connait pourtant si mal, soit un couloir de la mort pour la Johnson que j'aimais bien.

Moi qui ne suis déjà plus qu'une carcasse à mi-temps.



jeudi 6 juin 2013

You may never know why

[Je sais pas ce qui m'a possédé, l'espace d'un instant, pour que je réussisse à prendre une photo où Antinoüs a l'air d'être grumpy cat]

Le calme est tel que j'en ai oublié la terreur que j'avais de rentrer chez moi le soir, pendant longtemps. Quand ma vie était dirigée par si mes voisins allaient bien vouloir me laisser vivre, oui ou merde.

Je pourrais profiter de ce calme pour écrire. Parce que j'en ai besoin. Mais, forcément, rien. Pourtant j'ai plus ou moins compris quelle forme devait prendre mon grand-oeuvre, à force de le trouver pour les autres.

Bizarrement, je ne développe pas de jalousie pour mes auteurs qui, eux, produisent en masse et dont je suis le filet de sécurité luxueux. 

Parce que c'était ça mon vrai but dans la vie. Et je ne supportais pas l'idée de ne plus écrire un jour, de ne jamais rien finir, de ne pas réussir la seule chose que je sais faire, en somme.

J'ai réussi en mode à peu près, j'ai shadow-réussi. 

Je ne pense pas que ça soit un manque de talent. Seulement un manque de timing et une configuration bancale. Un manque de mental. 

Je me suis fait la réflexion, il y a quelques jours en lisant un commentaire sur mon écriture, en mode "mais c'est évident que tu écris bien", que ça faisait peut-être des années que je n'avais plus rien lu de tel.

Je suis lue donc ça va de soit => non, je suis lue parce que j'ai étalé ici ma vie très très privée, par besoin, et par projet - par continuité & nécessité.

J'ai toujours été lue au blog et très peu à la fiction. Je crois que j'ai été incomprise à chaque fois, mais qu'on ne comprenne pas ma vie, que je ne comprends sans doute pas moi même, me vexe tellement moins que lorsque l'on sort circonspect de mes histoires.

Je n'ai été que très peu poussée, par des gens qui croyaient globalement en moi et qui étaient trop occupés à colmater mes brèches sur tout un tas d'autres sujets. 

J'ai toujours tout réussi toute seule, et je crois que je fais l'unique caprice de ma vie. Celui de vouloir être accompagnée, applaudie, aimée, reconnue, pour quelque chose que je sais de qualité - ou potentiellement bon. 

Je fournis du contenu à des yeux acérés qui apprécient parfois la forme autant que le fond, mais qui donnent très peu en retour. Des gens que j'ai lu pendant longtemps, sur leur chez eux, et qui m'encourageaient et m'enthousiasmaient magnifiquement - mais qui ont baissé les bras sur ce support, rendant leur prose inaccessible à mes tentatives de collaboration passive.

Mais l'âme soeur littéraire va tout aussi sûrement m'échapper que l'amour tout court. 
Au final, ce sera peut-être moi la jolie chose en puissance transformée trop précocement en grumpyJohns'.

lundi 3 juin 2013

Drown into the throne that you sit on


Mes cinq cd ont trainé un peu trop longtemps chez une ancienne amie qui en faisait n'importe quoi.
Ca m'a presque plus brisé le coeur de voir leur état en les récupérant, ce jour-là, qu'en prenant la décision définitive de la jeter hors de ma vie.

Je les ai toujours, ces cinq disques. Plus un maintenant. Et j'ai tenu à les enregistrer sur mon ordinateur du bureau.

Pourquoi cela ?
Pour les avoir à disposition. Toujours.
Parce que, il y a longtemps, alors que je n'avais ni internet, ni vie qui en vaille la peine, j'ai pris un avion et, dans cet avion où j'étais seule, à 11 ans, j'ai branché des écouteurs dans l'accoudoir.



They say an end can be a start

Feels like I've been buried yet I'm still alive

Après un sourire irrépressible, j'ai compris que la chanson passait en boucle au bout de 10 chansons. J'avais fini par calculer à quelle heure me brancher pour l'écouter une prochaine fois - c'était un vol transatlantique.

J'ai donc décollé grâce à eux. 

A cette époque, pour m'aider à porter le fardeau de l'adolescence, il y avait quand même beaucoup de french touch. D'étés passés devant les clips où je prenais peu à peu conscience du pouvoir de la musique.

Il y a eu mes économies mises bout à bout pour obtenir un cd, puis deux, puis trois. Ecoutés sur une petite chaîne qui a duré le temps de mon enfance et que des gens malveillants ont noyée le jour de ma crémaillère à Paris.

Le 4e, je m'en souviendrai toute ma vie. Je suis allée le chercher le jour de sa sortie. Au Havre. J'avais une bande de garçons avec moi et je tentais de leur expliquer avec des mots cette passion sans frontière pour ces quelques accords et paroles. Je crois que le fond de mon message n'est jamais passé mais que sur la forme j'étais assez persuasive.

Je n'ai aucune idée de comment j'ai acheté le 5e. Mais c'est à ce moment-là que je les ai vus pour la première fois en live.

Paris permettait ça.

Le concert le plus stressant de toute ma vie. Cette peur ignoble de m'être trompée. Qu'ils soient mauvais. Quelque chose comme ça. 

Une peur d'avoir trop aimé quelque chose par défaut, parce que je n'avais pas accès à autre chose. Parce que je me suis focalisée, entêtée.

Et puis la baffe monumentale. Non seulement je ne m'étais pas trompée, mais je continuais à ne pas me tromper et, après ce zénith, je savais que je pouvais continuer à faire confiance.

Alors bien sûr, il y a toujours un tressaillement. Le 6e, comme une coïncidence, a été introduit par un single et j'étais sur la bonne radio anglaise au bon moment pour le capter. Tremblante. Adolescente. 

La respiration. Le soulagement. J'aime toujours.

Et puis les places pour leur concert parties en quelques heures mais pour lequel je suis encore tombée à pique. Il y a des détails qui ne trompent pas.

Alors quand j'ai enregistré les disques sur mon ordi du boulot, les réécoutant pour les labelliser (j'ai un vieux pc), les larmes ont coulé toutes seules. Celles qui n'ont pas été là quand elles auraient dû cette année. 

C'est ma jeunesse et mon adolescence qui sortaient de chacun de mes yeux.
De la reconnaissance aussi.

C'est un îlot de ressenti dans un monde devenu sans aspérités. 

Les 5 cd alignés comme des anneaux olympiques, comme autant d'années survécues jusqu'ici, tant d'années qui valaient le coup d'être vécues même juste pour ça.

Alors bien sûr, il n'y a pas toute l'histoire, et à cette dévotion ascète s'ajoute une petite rougeur sur mes joues parfois, maintenant, mais je secoue la tête très vite et ça s'en va presque toujours comme c'est venu.

Je ne pensais plus pouvoir être touchée et puis The Real thing est arrivée. 
Et la dithyrambie dans laquelle je semble avoir planté ma tente n'est pas seulement due à l'hommage Wildien. 
C'est complètement à nouveau les 5 disques de mon adolescence. En 3:22.

C'est un peu ça aussi mon utilité. Réécouter béatement ces disques à l'aune d'un nouveau monde. Une décennie plus tard. Me dire que s'ils n'ont rien perdu, peut-être que... moi non plus ?