lundi 25 août 2014

[Summer Music Memories - Part 3] Knocked up



J'étais dans le Zara de la cinquième avenue. Perdue dans des kilomètres de robes, persuadée par mes proches que nouveau look = nouvelle vie.

Je venais de me faire passer dessus par le 36 tonnes de la rupture. Étalée, rétamée à l'autre bout du monde, je tenais à peine sur mes frêles bottines. Lost in Manhattan.

Elles auraient dû être les vacances de ma vie. J'en rêvais tant. J'avais économisé si fort. Et même pris la décision d'y rester seule. Seule. Je me pensais invincible. Et j'étais persuadée que tout allait forcément bien se passer, puisque c'était New York.
J'étais à cet endroit, et dans cet état d'esprit, quand une voix familière a retenti. Ce ne sont pas mes oreilles qui m'ont alerté, mais le reste de mon corps. Le son m'a traversé. Il était fort, c'est vrai. Mais la vague m'a emportée.

Comme si une voix que je connaissais m'ôtait un poids assourdissant. J'ai eu le souffle coupé et j'ai respiré à plein poumons en même temps. J'ai failli défaillir. C'était les Kings of Leon. 

Les grands garçons qui ont accompagné plus d'une de mes descentes aux enfers. Et ils ont été là, pour moi, sur 5th Avenue, alors que j'avais des fringues plein les bras et l'âme vide. Ils ont été là pendant plus de 7 minutes. 

Je n'étais plus seule pendant 7 minutes. 
Je sais que c'est dur de se représenter ça. 7 minutes c'est le temps de passer un coup de fil, de prendre un café à la machine avec un collègue. Pour moi... ça a été le carburant pour redémarrer et me donner le courage de passer une journée pas si morbide.

Là-bas, au comble du désespoir, je me suis souvent demandé à quel point ce serait le bordel si je commettais l'irréparable. Si jamais je survivais, ce serait pire encore.
J'ai alors décidé bien calmement d'aller jusqu'au bout de ce voyage. De revenir en France. De laisser une chance à mon entourage. De ne pas les quitter comme ça.

Et puis, François Hollande venait d'être élu, c'était la promesse de jours radieux (!!!!). 

Le fait est que j'ai perdu tous mes amis nouvellement acquis (parce que je ne me remettais pas assez vite) en rentrant en France. Et que je n'ai plus jamais parlé de New York que par bribes. Ma voix se brise encore maintenant, dès lors qu'on gratte plus loin que mon "New York ? C'était... loin.".

Les américains ont un jeu adolescent appelé 7 minutes in Heaven - et bien moi, j'y ai joué avec les Followill.


jeudi 21 août 2014

[Summer Music Memories - Part 2] Zombies, Zombies, Zombies (...)




C'est de la triche. Je ne vais pas parler d'une chanson. Car c'est impossible. Odessey&Oracle est un album obsessionnel aux chansons qui se sont succédées à chaque virage de ma vie. 

Les Zombies m'ont été prescrits. Par un type formidablement bien qui signait un autographe à une amie, un soir de juillet, dans les jardins de l'hôtel de ville de Rouen. Cette soirée fût déterminante à bien des points dans ma petite existence. 

Il y parlait d'A Rose for Emily, qui pourrait être dans le top 3 des chansons les plus badantes de la Terre si tout le monde écoutait/comprenait les paroles. Dans ma mythologie personnelle, qu'un type que j'admire me dise d'écouter cette chanson, c'était prophétique à foison. Non seulement j'ai découvert l'album, et le groupe grâce à lui, mais plus tard, en DUT, alors que je m'arrachais les cheveux sur un exposé de deux heures sur Sanctuaire de l'ami Bill Faulkner, je me suis dit que j'allais chercher s'il avait écrit des textes moins relous et plus compréhensibles à jeun. Je suis tombée sur le recueil Une rose pour Emily et ma mâchoire basse est tombée sur un trottoir du Havre.

Mais revenons aux douces années lycées, où l'emo en moi a accroché au dark et saisissant Butcher's Tale, une chanson que même moi je chante plus juste que la version enregistrée. Une chanson terrible et terriblement pacifiste sur l'horreur de la guerre, brute et un peu naïve. Tout comme mon état d'esprit de l'époque. Elle n'a plus jamais quitté mon lecteur MP3.

J'ai eu mon bac, et ma passe romantico-rebelle avec Care of Cell 44. De l'epistolaire en chanson, s'il vous plait. Je crois que vous commencez à cerner à quel point les Zombies sont un groupe littéraire et à quel point j'aurais aimé qu'ils composent les musiques de ma comédie musicale sur Oscar Wilde.
Mais je digresse. 
Cette chanson raconte de façon guillerette une romance à distance, entre la prison et le dehors. C'est toujours très poignant, parce que c'est toujours très primesautier et qu'on nous fait passer un drame de malade comme si c'était une page de pub pour la dernière lessive odeur printanière.

Le DUT passé, ça a été le tour de mes années carcérales dans mon 10m² de banlieue ouest où j'écoutais, pour m'évader, Time of the Season en boucle. C'était mes années relou, je dois bien en convenir. C'est sûrement un peu pour ça que la seule amie rescapée de l'époque est devenue la meilleure. Cette chanson est merveilleusement relou.

Les retours à la maison familiale sont toujours, TOUJOURS, TOUJOURS très douloureux. Je bade. Je me renfrogne. Je rase les murs et je ronchonne. Oh, et j'écoute Beechwood park. Tous les ans. A noël. En boucle. A fond. Soeur #2 a fini par me demander "ce que c'était cette chanson" au bout du deuxième noël et de la 25ème écoute.

Brief Candles est la prochaine sur la playlist et aussi dans mon coeur. C'est du Zweig, pur et simple. De la dentelle. Starcrossed lovers et compagnie. Une histoire de grand et de temps qui passe et qui affadi/apaise tout. Une chanson bourdon, nostalgie, soupir. La moi d'il y a 3 ans s'identifiait grave (et elle avait pas tort).

She's not there, finalement, ne devrait pas être là. Pas même CD, pas même sensibilité. C'est celle qu'on entend partout, des supermarchés aux pubs du coin. Sophistiquée et easy. C'est un tube. Je n'ai pas d'histoire particulière avec cette chanson qui m'a toujours un peu parue du sous Doors. Même si ça se débat grave. C'est juste la chanson qui me renvoie les Zombies en pleine poire dès que je les oublie un peu sur le côté de mes playlists.
Quand j'entends She's not there, mes pupilles se dilatent comme deux soucoupes et ma vie défile devant mes yeux. Je perds connaissance le temps qu'elle passe et je reviens vers vous ensuite, mais j'étais loin pendant un moment. 

C'est presque la B.O de ma vie. Qui ponctue mes moments de leisure plus que ma vie au jour le jour. J'ai des souvenirs très précis, à chaque recoin, avec ces titres et chacun tiraillent tellement un passé pas si proche que je ne peux les écouter impunément.

Tout comme un album des Doors, qui m'impliquera toujours trop émotionnellement pour que je puisse l'écouter à la légère. D'une oreille distraite.





mardi 19 août 2014

[Summer Music Memories - Part 1] Ask her if she wants to stay awhile



J'avais sixteen, et pas eighteen, et j'étais loin d'être une beauty queen
Malgré cela, j'avais une autre chance, et phénoménale avec ça : celle d'être les deux baskets à San Francisco. 

Je jonglais, à l'époque, avec 5 disques, achetés avec mes faibles économies. Je venais d'avoir internet à la maison, mais je n'avais aucune idée de comment télécharger illégalement et le streaming, à l'époque, c'était radioblog et basta. (oui.)(je suis un fossile.)

Autant vous dire que quand mon papa a sorti ses dollars dans le virgin megastore de 4 étages et m'a dit "il y a une offre à 20 dollars les 5 cd, vazy", j'ai cru que c'était un miracle et que Dieu, Bouddha et Bob l'éponge avaient uni leurs forces pour venir m'adoucir la vie. 

La condition c'était d'acheter des cd introuvables en France. J'ai donc foncé. 

1.22.03.Acoustic de Maroon 5 était justement sorti un mois avant. Je l'ai agrippé de mes petits doigts adolescents et l'ai pressé contre mon coeur.

J'aimais beaucoup, mais beaucoup Songs about Jane, et je pressentais un avenir radieux pour ce petit groupe pop plutôt anodin. Etait-ce le sourire d'Adam ? La solidité de tous leurs singles ? Cette normalité relative à chacune de leurs apparitions sur MTV (Cribs and so on) ? 

Je ne sais pas. Mais avant de repartir en road trip vers L.A, puis San Diego, il me fallait ce disque.

Le soir de son acquisition, je me suis réfugiée contre la fenêtre de ma chambre d'hôtel, cachée entre le rideau et la vitre et j'ai regardé les femmes de ménage dans les tours voisines. Il était plus de 22h. J'étais en peignoir siglé de cette grand chaîne, les cheveux humides et les yeux dans le vague. Persuadée d'être un petite chose incomprise, partagée entre ses illusions de futur prometteur et son savoir profond que rien ne changera jamais vraiment. 

She will be loved était l'hymne parfait de cette sensation. Elle l'est toujours. Je dois bien vous avouer que rien n'a changé. Et que la partie "verre à moitié vide" de mon cerveau, a eu raison sur toute la ligne.

J'ai traversé des déserts cet été-là, au propre comme au figuré. J'ai lu un des livres fondateurs pour moi, celui que j'achète à toutes mes amies qui partent loin, longtemps. J'ai zoné dans des motels, vu des couchers de soleil avec des cowboys, pique-niqué sous des rochers suspendus avec des natifs américains. Pour autant, ça n'est qu'à S.F que j'ai trouvé la couronne musicale à tout ce flot de sentiments mélangés.

Ce n'est qu'avec la version acoustique de cette chanson que j'ai vraiment senti le réconfort déferler. La proximité de sa voix, la chaleur du son, les souffles et les respirations. Les maladresses. Les paroles, enfin, avec la puissance insistante des accentuations très personnelles d'Adam. C'est ce qui m'a donné les armes pour écrire, une semaine plus tard, fasse aux déferlantes de La Jolla. 

Je n'ai jamais été aussi seule que lors de mes voyages répétés aux USA.

Avec cette chanson, je l'ai toujours été un peu moins.

mardi 12 août 2014

There’s life after work and it can be such fun




I quite liked myself, all this year. But that's gone now.

Je pourrais continuer à écrire en anglais. J'écrirais mieux en anglais ce qui se passe actuellement dans ma tête. Parce que ma vie est, plus que jamais peut-être, en cette langue actuellement.
Je me suis surprise, il y a quelques semaines, à téléphoner à quelqu'un pour m'assurer de la langue à employer avec un autre. 

Ce serait tellement plus simple, si on pouvait tous se comprendre. Quelque soit la langue employée. Et si on pouvait adapter son langage à sa sensation et à son vécu du moment, et pas à l'autre. Je perds tellement de temps à essayer de comprendre comment me faire comprendre. A parler pour ne rien dire, juste pour tester les limites de ce que mon prochain peut entendre, peut accepter.

J'ai de la chance, beaucoup de chance, je suis entourée de gens à l'esprit élastique, capables d'engranger un flot impressionnant de mes palabres, qu'elles soient auto-mutilantes, perspicaces ou bienveillantes. 

J'ai l'impression, en quittant ma confiance en moi rayonnante (à cause de pas mal de trucs vilains m'étant tombés sur la gueule en très peu de temps, au propre comme au figuré), j'ai l'impression de me retrouver. Du moins la "moi" confortable, celle que j'ai été la plus grande partie de ma vie.

J'ai troqué mes vêtements de grande fille pour mes vieilles frusques informes d'adolescente, mon sourire et mon port de tête digne pour mon tirage de gueule/regard rivé à mes pieds habituel. 

Pendant un an j'ai été forte, fière, conquérante, frondeuse parfois. Je me kiffais grave. Je prenais des décisions sans faillir, je persistais, j'essayais de tout arranger, et parfois j'y parvenais. 

Je suis redevenue la Johnson craintive, asociale et angoissée. Celle qui accueille avec un sourire en coin le fait de n'avoir rien de prévu du tout pour la semaine, car elle va pouvoir se recroqueviller sur le canapé pour lire toute la soirée. Sauf que maintenant, il y a un chat pour réchauffer ses longues soirées du mois d'août. 

Je ne comprends décidément personne, et moi pas plus que les autres.
Mais j'ai quand même eu une révélation. 

Une seule.
Alors que ma vue s'est couverte d'un rideau rouge sang, que ma tête a grondé et que mon arcade a cédé. Après m'être maintenue au lavabo en grognant entre mes dents pour ne pas tomber sur le carrelage en plus du reste. Ne pas s'éteindre. Ne pas fermer les yeux. La tête lourde, un bandage fait à la va vite. Je me suis assise, sous le regard apeuré du chat qui ne comprenait pas trop ce qui venait de se passer, ce qu'il venait de faire. Je me suis assise, la tête en sang, et j'ai réalisé que ma vie était profondément débile.

Je cohabite avec quelqu'un que je ne connais pas et qui pourrait sortir de ma vie aussi vite qu'il y est entré, ça ne m'arrive jamais, d'avoir autour de moi des gens qui ne comptent pas et réciproquement, je m'attache à tout le monde, alors me dire qu'avec ou sans lui, ce serait pareil, en réalisant qu'en me voyant pisser le sang, il est incapable de me proposer 5 minutes de son temps histoire d'aller me chercher de quoi ne pas être défigurée pour la fin des temps à la pharmacie, c'est un peu déstabilisant.
Et ce n'est pas tout : je vis avec un chat suicidaire qui pourrait disparaître en un claquement de fenêtre, je m'apprête à m'appauvrir toute seule et durablement, en bossant plus que jamais pour un salaire de stagiaire, j'avais enfin vaincu ma phobie sociale et gagné une confiance en moi auprès de la gent masculine qui a volé en éclats, si bien que je suis à nouveau convaincu d'être un monstre. Le fait d'avoir une cicatrice me barrant le côté droit n'aide pas, et le fait que l'unique phrase de mon père à mon égard ce week-end ait été "T'as pris du poids toi, non ?" me pousse un peu plus loin la tête sous l'eau. 
Je suis dans une phase "à quoi bon". Où les regards plein de pitiés de mes gens sont mieux que rien, mais me font quand même mal partout. 
Où, quand on me pose la question de savoir si je vais bien et que je réponds franchement et qu'on jette un regard sur le côté en baillant et en enchaînant sur son nombril et sa relation "qui va trop trop bien et qu'il est formidable" sans même prendre la peine de me dire "That's too bad Johnson" alors que je viens de subir le revers le plus cuisant enterrant et annihilant toute tentative de vie amoureuse pour les douze prochaines années : j'ai envie de virer la personne de ma vie.

J'ai développé une allergie à l'humain. A l'égo. A l'égocentrisme. Je ne sais pas trop. J'ai envie de vomir à cause du comportement de beaucoup autour de moi. De gens proches. Et je me fais gerber moi-même quand je m'impose à la vie d'autrui en mode "C'est re-moi, je suis à nouveau malheureuse ! Je vous avais pas manqué hein ? Et bah tant pis.".

Donc il vaut mieux que je reste sous verrou. Que je dispense mes sourires-répondeurs "je ne suis pas là pour le moment, repassez en 2018 avec votre bonheur/vos malheurs/vos leçons de vie pour que j'aille mieux". Que je continue de ne voir que les quelques uns qui comptent vraiment. Qui comprennent un peu, ou en tout cas qui essayent. 

Avec tout ça, j'ai perdu 10 ans et revoilà la Johnson de seize ans.