mardi 29 mars 2016

More than just a dream

 
[All the wonders that remain become a simple fact]

Je pense toujours à lui, le dernier en date. Le dernier jusqu'à preuve du contraire. 
Parce que si mon coeur a redémarré, c'est pour beaucoup de choses mais pas les garçons. 
Et surtout pas un garçon. 

Je me demande si le fait que je lui associe pour l'éternité cette chanson est une punition karmique assez cuisante. 

Je pense que oui.

Je repense à lui parce que j'ai croisé, il n'y a pas si longtemps, un nouvel exemple de garçon trop beau pour être vrai qui, quand il se révèle profond et multidimensionnel, envoie votre cerveau faire des loopings.

Lui était drôle, intelligent, bon cuisinier, attentionné et il sentait super bon. On ne va pas revenir là-dessus, promis. Mais savoir que ça existait pour de vrai a bien ruiné tout mon travail de déconstruction de l'image mentale du rockeur charmant. 

Bref, j'ai croisé cet autre donc. Magnifique métissage du nord de l'Afrique et de l'Irlande (si), un air de folie dangereuse dans les yeux, des yeux noirs évidemment. Des cheveux comme une crinière. Une expression mi-démoniaque mi-innocente en permanence figée sur des lèvres sans âge vraisemblable. 

Comme je ne suis jamais là où on m'attend, c'est sur son frère que j'ai jeté mon dévolu (mais c'est une autre histoire). Je pouvais donc tout à loisir étudier l'énergumène de façon neutre. 

Dans Le Portrait de Dorian Gray, il est établi que c'est quand on prend conscience de sa beauté que celle-ci commence à ternir. 

Die Andere (ce sera son nom de code), lui, en est très conscient. Il se balade régulièrement dans les bars du quartier gay de sa ville pour se faire payer des verres par des esthètes. 
Die Andere est hétéro, et cache sous des phrases provocantes, un coeur en or. 
Il est salement pauvre, et je me console de son passe-temps farfelu en me disant qu'il vend du rêve.

Il a conscience de son physique donc, mais - j'ai parcouru ses archives FB, j'avoue - ça n'a en rien vicié sa façade.

J'ai eu d'office énormément de sympathie pour lui et ce dès que j'ai compris que mon cœur ne succomberait pas à ses yeux de biche. La beauté masculine m'obsède, ce n'est pas nouveau, mais là j'étais plus dans la curiosité bienveillante. Je me suis vite aperçue qu'il cachait toute cette perfection (qui, sans trop vous en dire, n'est pas franchement compatible avec son activité professionnelle) sous des chapeaux, des vêtements amples et, plus emmerdant pour mon côté ultrasensible : une odeur.

Pas un parfum. Sa putain d'odeur perso. De l'essence d'Andere qui pique les yeux. 

J'ai pigé que sa beauté était un putain de fardeau, comme souvent chez mes muses. Qu'il tenait à l'écart la populace comme il le pouvait. Et qu'il avait trouvé, par ce biais, un très bon moyen de les tenir loin, très loin. 

Si Die Andere avait été un joli coeur conscient de l'être de plus, je n'aurais jamais écrit à son propos. 

Je vous avoue qu'au début je n'ai pas bien compris sa démarche (car tout est une démarche chez lui, même s'il a l'air de glisser dans la vie comme une brise printanière)(mais sans en avoir l'odeur, du coup). J'ai eu mon réflexe de Johnson perfectionniste et j'ai voulu le foutre dans un bain plein de lavandin en lui criant "arrête de ruiner ton potentiel, gamin !" (on dit ça comment en allemand ?). 

Mais, en m'auto-censurant, j'ai compris : c'est pas son potentiel physique qu'il voulait exploiter, mais plutôt celui qu'il avait au bout des doigts. C'est là que j'ai remarqué ses mains. Le seul endroit (car oui, j'ai vu tout le reste)(ja, ALLE!)(sehr sehr schön!) vraiment très laid de son corps. Des tous petits doigts boudinés et rougeauds, des ongles rongés et mal foutus, des veines grossières et foutraques. 

Die Andere est entier et s'emporte facilement et a beaucoup de convictions et, si on n'en a jamais discuté ensemble, je pense vraiment qu'il fait le tri comme ça parmi les gens. Alors du coup, je ne sais pas de quel côté de la barrière me positionner. Parce qu'a priori j'aime bien ce qui se passe au-delà de son torse de marbre et de ses bras fins et musclés, mais je ne suis absolument pas compatible avec une hygiène déplorable. Même amicalement. Est-ce que ça fait de moi quelqu'un de superficiel ? (en plus d'un être totalement inintéressant) ?
Ca me ferait bien chier. Mais c'est indéniable. Die Andere en est la preuve incarnée (et en odorama).

Aujourd'hui, j'ai écouté cette chanson des Pigeon Detectives (oui) et j'ai ri aux éclats. Ca m'a fait repenser à Die Andere et je voulais lui dédier quelque chose. Alors voilà. 



She said that my chance has been and gone
(Going out with)
(Going out with)
Cos I've been in for the same clothes far too long
(Going out with)
(Yes you're Going out with)
I can't stand I'm just not fit for yooou oooh
I can't stand I'm just not fit for you, for you, for you ohhh

samedi 26 mars 2016

Our life will never end


[Gotta love your man, yeah]

Cet aprèm j'étais debout devant la tombe d'Oscar. Mal installée sur les racines de l'arbre qui me mettait à l'abri des gens. Mon casque a joué Riders on the storm pour l'occasion. J'ai salué son choix par un hochement de tête.

J'ai pas trop réussi à me concentrer sur ma relation immémoriale et psychique avec mon dead poet, j'ai d'abord accusé les gens, tous ces gens, qui venaient dans mon cimetière, le jour de mon anniversaire, se mettre entre moi et MON Oscar Wilde. Puis je me suis dit "bitch, t'as plus 18 ans, grow up!" et j'ai regardé à ma droite.

Et l'écorce semblait me dire "Pppppsssst JohnJohn, little human girl come here...", j'ai d'abord été étonnée que cet arbre parle anglais, puis que cet arbre parle, et j'ai fini par le regarder des pieds à la tête et par me souvenir de lui près de 10 ans plus tôt, au même endroit - forcément. 

Mais pas au même endroit vraiment. A l'époque, il n'y avait pas ce bocal autour du sphynx d'O., et surtout, il y avait un autre arbre juste devant lui. Et à côté, aussi. L'un est scié à la base, et a deux paires de fesses de touristes posées sur sa souche et l'autre a tout bonnement disparu. Arraché.

Alors j'ai regardé mon compagnon d'infortune et j'ai posé ma main sur lui. Pour lui dire que moi aussi je me souvenais de lui. Qu'une fois je m'étais saoulée au rosé le cul posé sur ses racines mais que là il devrait se contenter du fait que je le piétine. J'ai rajouté, "De toute façon je fais ce que je veux, c'est mon anniversaire".

Mais lui et moi on savait bien que c'était faux.
Je suis bien née il y a 28 ans, presque exactement. Oui. Mais c'est pas vraiment un anniversaire. C'est un samedi. Un samedi d'un grand week-end que les vrais gens ont empoigné pour en profiter et partir en vacances avec ceux qui comptent vraiment, ou rejoindre leur famille ou... Donc je suis seule, avec mon casque, de la musique sans pub sponsorisée par une amie chère dedans, et je dialogue mentalement avec un arbre qui me connait presque mieux que tous les gens qui ont oublié de penser à moi. 

Parce que, spoiler alert, il a pas beaucoup sonné mon téléphone cette année.
Il faut dire qu'en bonne vermine, j'avais pris soin d'ôter le partage de ma date de naissance sur les réseaux sociaux.


Je regarde Oscar, puis l'arbre, et je me demande quelle est sa date de naissance, et s'il se sent seul, depuis qu'on a massacré ses compagnons. Une pensée m'assaille : celle qu'on protège comme Toutankhamon des morceaux d'os rabougris mais qu'on n'a pas hésité à abattre la réincarnation au sens propre du grand Homme. Je veux dire, c'est quand même de l'engrais d'Homme de lettre Irlandais de première main qui a nourri ces putains de...
Est-ce poli(tiquement correct) de demander sa race à un arbre ?

J'y connais rien en arbres, c'est pourquoi j'ai choisi une BFF nymphe des bois à qui je peux tirer sur la manche régulièrement pour lui dire "et ça c'est quoiiii ?". Mais elle est pas là. Paraît qu'elle avait une soeur à marier. Mouais ok. Mais j'accepterai pas cette excuse deux fois (et j'ai le pape avec moi).

Je suis en plein câlin avec l'arbre, et c'est hyper bizarre. (Oui, poser la main volontairement sur quelque chose est un hug gigantesque sur l'échelle de l'affection que je suis capable de déployer). J'ai pas grand-chose à foutre du regard des gens, non, ce qui est étrange, c'est que je sens comme un truc. Une vraie communication entre lui et moi.


J'ai envie de lui dire de pas s'en faire, que s'il est encore debout c'est que c'est lui le plus badass.
Et puis je me rends compte que je me parle à moi-même.


Au sens propre comme au figuré.

La tempête des Doors s'est calmée dans mes oreilles. Je salue l'arbre, je salue Oscar. Je prends mes bottes à mon cou et je vais m'enfoncer entre les tombes anonymes.

Je suis sur le chemin du retour. L'aller m'a fait découvrir des parcelles inconnues. Je n'y croyais plus. En 14 ans d'arpentage, je pensais avoir couvert les 44 hectares. J'ai vu des choses glauques, des choses franchement drôles, d'autres réjouissantes, touchantes. En 1h de marche, j'ai vu un résumé de la vie. 

Ma première étape a été Jim. Même si sa tombe m'insupporte. Les gens. Ce réverbère qui n'éclairera jamais rien (c'est une caméra cachée, Big Brother Lachaise is watching you). Ces chewing-gum collés (What-the-fucking-fuck?). Ces guides qui parlent sans honte du fantôme de Jim, qui traduisent à la truelle son épitaphe et vlatipa qu'il devient lui-même un démon ("vous savez 666 et tout ça..." #truestory).
Mais voilà. J'ai eu 28 ans. Et Jim, il a jamais eu 28 ans.

(TSSS ! Je veux pas entendre de théorie du complot maintenant, c'est MON ANNIVERSAIRE).


J'ai surtout décidé de pas fêter cet anniversaire parce que je comprends pas comment moi j'ai survécu si longtemps et pas lui, pas eux. 
Alors j'ai décidé que j'aurai ni 28, ni 29, ni rien d'autre. Mais comme mourir est un truc que j'arrive toujours pas à caler dans mon emploi du temps d'éditrice sooo busy, je me suis dit que j'allais me vautrer dans le symbolisme. 

Tous les ans, j'organisais des fêtes orgiaques avec plus d'invités que de mètres carrés. Je claquais des sommes monumentales pour couvrir l'assemblée d'alcool et de victuailles. Je courrais toute la soirée pour satisfaire les petits besoins de tout le monde. Je recevais des poneys en échange. Je me disais que c'était bien. 

Et puis j'ai fini par comprendre que je voyais la plupart de ces gens à cette occasion là, et cette occasion là seulement.
Là, j'ai réfléchi à ce qu'aurait fait Mémé-the-Great et je me suis souvenue qu'à un moment donné de sa vie, quand la coquetterie l'a emporté sur la crédibilité, elle est partie à l'envers quand on lui demandait son âge. Elle a fini par croiser tous ses petits enfants et je crois qu'à la fin, elle considérait qu'elle avait un âge négatif. 


Moi qui suis restée bloquée à 17 ans, je me suis dit que je célébrerai plus jamais rien après 27. (C'est faux, j'ai fêté mon 10 000e jour sur Terre l'été dernier, parce que c'est hyper badass).

J'ai donc fêté mon 26 mars comme j'ai passé mon noël 2015 et (presque) mon 31 décembre. Seule avec moi-même, de la comfort food et un chat peu obséquieux. 




Le 25 à minuit, j'étais pleine de bulles et je bavais devant leurs live. Best birthday night evah.

Depuis que j'ai trouvé mon âme sœur en matière de "dire les pires choses au monde avec la voix la plus innocente de l'univers", je suis en cure intensive.
Damnit, ils vont même me faire retourner de mon plein gré en NORMANDIE.

Je vous en dirai (forcément) plus sur FWF dans les temps à venir. Si je suis toujours dans le coin. Quand j'aurai digéré un peu la révélation totale qu'ils sont. (Moi, quand on met des mots bien tournés sur des trucs que je ressens depuis 100 ans, ça me rend toute et complètement chose).


Donc à tous ceux qui m'ont oubliée aujourd'hui, imaginez-vous moi comme ça :


Et sentez-vous assez coupables pour me payer au moins un verre (au plus un resto)((au plus du plus un vrai poney, parce que j'ai assez de figurines MyLittlePony, ça va merci)).

Oh et :


jeudi 24 mars 2016

I never look good cause it's so hard to do



Récemment, j'ai eu l'occasion de passer plusieurs heures non sexuelles avec un membre du genre masculin.
Le contexte était tout à fait informel et platonique, et la personne avait la valeur ajoutée d'être le dernier mec de ma connaissance à me redonner un peu la foi. 
Le mètre étalon des chromosomes Y, quoi. 

Ma confiance sociale en moi n'étant pas tiptop, j'étais déjà ravie de pouvoir passer un peu de temps avec une personne de qualité, à la discussion chamarrée, à l'humour pétillant et aux convictions sans risque d'arrière-goût rance. 

Je me suis dit que c'tait l'occasion de sourire à la vie, alors j'ai commencé à parler en mode Johnson détendue. En mode full on moi. 

Après une dizaine de minutes, un étrange événement s'est produit. Le regard du garçon s'est fait fuyant, sa répartie s'est résumée à des hochements de tête et je me suis aperçue qu'il se mordillait les joues pour ne pas bailler. 

Damn.
Je le faisais chier.

J'étais comme deux ronds de flan. Je ne m'étais jamais imaginé cette situation, même dans mes pires cauchemars sociaux. Je n'aurais jamais pensé un jour être... boring. 

Comprenez moi, j'ai toujours été la fille over the top, drama queen, qui tombe dans la tragédie dès qu'elle fait un pas... Pour compenser, j'ai développé un sens de l'humour à toute épreuve m'aidant à relativiser le fait que j'avais décidément pas trop trop de chance. En plus, je fais un métier que j'estime plutôt intéressant, dans la culture. Je me tiens au courant de plein de sujets et je peux aisément passer d'une discussion sur le punk rock à une sur les tribulations de Byron tout en sautillant vers les derniers youtubeurs à la mode. 
Voilà. J'en suis à me justifier et à tenter de me prouver que je ne suis pas chiante comme la pluie. 

Comme je ne suis pas plus du genre à me remettre en question à cause d'un seul garçon, j'ai commencé à tenter de repérer les signes de désenchantement chez les rares personnes qui me fréquentent encore.
Autant vous dire que j'en ai trouvé. 
Plein.
Ca m'a fait regarder à travers un nouveau filtre mes relations de ces dernières années.
Effectivement, les gens me trouvent de moins en moins drôle.
Effectivement, je parle beaucoup de mon chat.
Effectivement, le nombre de mes abonnés twitter stagne. 

Alors ouais, avoir basculé du côté ennuyeux de la vie expliquerait pourquoi les gens me désertent. 
Avant, je pensais que c'était parce que je me plaignais tout le temps, mais je n'ai jamais été aussi peu sollicitée socialement que depuis que j'ai arrêté de chouiner à tout bout de champ...

Donc voilà. Je suis à deux pas d'avoir 28 ans. De pas mourir en rockstar. Et de continuer à mener une vie morne et sans attrait.

Heureusement que le contexte international est à l'embellie et qu'il me redonne foi en le futur et le genre humain en général, hein.
Heureusement.

jeudi 10 mars 2016

All the worries that you never said

[Wrote in fireworks]

Tandis que personne - ou presque - ne regarde dans ma direction, je fais des livres.
La plupart des gens qui les lisent n'ont aucune idée de mon degré d'implication. Et tant mieux.

C'est bien les métiers de l'ombre. Ca me va. Je disais plus tôt que je n'étais pas assez géniale, je crois qu'il me manque aussi l'envie. 

Mes livres s'alignent dans ma bibliothèque. Mes proches - la plupart - n'ont aucune idée de ce qu'il y a dedans. 
J'ai essayé de les intéresser mais j'ai reçu un très maladroit "je vais les cacher parce que j'assume pas trop ce genre de littérature" en pleine face.
Ca m'étonne toujours autant que les gens rejettent des livres gratuits. Mieux que ça : que je leur offre.
On est dans une société pourrie gâtée faut croire. 

Je me souviens très bien de la valeur que représentait un livre à mes yeux d'adolescente. Quand je ne regardais même pas les rayons grand format parce que je les savais financièrement inaccessibles. 

Dans mon job, les livres se ramassent littéralement par terre. On en a trop. Je suis obligée d'en donner. 
Tu crois faire des heureux et tu te retrouves avec des soupirs de lassitude, des "oh non pas encore". 
Ok, then

Pourtant je fais des livres bien. Avec des gens biens. 
Alors c'est pas du Oscar Wilde, mais c'est pas non plus ce qu'on a écrit sur l'étiquette. 

Un jeune homme m'a regardé dans les yeux en me demandant en public comment j'arrivais à dormir en publiant des trucs pareils. "Bien", j'ai répondu.
Ce qui est faux. Pas parce que j'ai des états d'âmes rapport à ma production, mais parce que je suis une insomniaque notoire et que ça s'est pas arrangé depuis que j'ai un chat qui joue au trampoline sur mes abdos à 5h du mat'. 

J'ai fait ce job à 80% parce que je ne me voyais pas faire autre chose. Mais aussi, j'avoue à 10% pour avoir une certaine forme de reconnaissance sociale, pour m'extirper de la misère intellectuelle crasse dans laquelle j'ai grandi. Celle qui m'a pété le nez et le bras au collège.

Les 10% restant c'est parce qu'on a bien voulu de moi et que quelques personnes ont vu au-delà de mon non-sourire perpétuel. Un cerveau qui marche et des doigts qui pianotent vite. 

C'est un monde plein de bitches qui tentent de régner en faisant le vide autour de vous. 
Le vide autour de moi a toujours été là, dommage pour elles. 

Je me suis aperçue que la misère intellectuelle crasse était toujours là, derrière des cheveux blonds décolorés et des talons hauts, bien dissimulés dans les "commeeeent çaaaa vaaaa ? Ca fait siii longteeeemps !". Pire que la misère intellectuelle. La régression. La noirceur. 
J'ai vu la délation, comme en 40. J'en ai été victime. 
J'ai vu des petites gamines se croire fortes et utiliser contre moi leur pouvoir just because. 

Je me suis donc postée en retrait de tout ça. Je fais des livres, dans mon coin, avec des gens que j'ai choisi. Des gens qui n'auraient jamais vendus des juifs pendant la guerre, des gens qui n'auraient pas renié leur propre genre et tant d'années de lutte pour l'égalité homme-femme juste parce qu'elles avaient, à ce moment là, le pouvoir de balancer quelqu'un - moi - sous les roues d'un camion.
Je vous parle de ça parce qu'on est à l'aube d'un nouveau salon du livre. Où les sourires de façade cachent des gros cafards qui courent partout dans l'âme des gens. 

Je ne me souviens plus trop quand j'ai réalisé que les gens qui faisaient des livres n'étaient pas des gens biens - pour la plupart. 
Les gens biens dans cette industrie sont des pokemon shiny.

Donc, ouais, je fais mes livres. Même si j'ai pas le droit de le dire comme ça, parce qu'il faut être corporate. Et comme ceci. Et comme cela. Et surtout pas Johnson, en définitive. Tant qu'on me laisse les faire.
Ils sont à mon image : ils divertissent pas mal d'inconnus mais indifférent totalement les autres.
La plupart des autres.

mardi 8 mars 2016

It started with a whimper and then there came a bang



J'étais un peu déséquilibrée par la bière, sur les marches de la Maro, quand j'ai réalisé que la personne à qui j'avais commandé la dite bière était la première à qui je parlais depuis des jours. 

Et encore, on était loin de la substance hein : Bonjour. Au revoir. Merci. Salut.

Je suis une personne introvertie. Ca veut pas dire que je suis timide, ça veut dire que les autres m'épuisent littéralement. Que j'ai besoin d'être seule pour recharger les batteries.

Pour autant, je suis un animal social comme les autres, et au bout de quatre jours sans parler à un être humain, sans avoir d'échange véritable, je me mets à dépérir. 

Introvertie, ça veut dire aussi que tout ce qui est facile, limpide, inné pour vous, c'est une tannée pour moi.

Voici une liste non exhaustive des trucs qui sont faciles pour (la plupart d'entre) vous mais infaisables/une torture pour moi :
  • Adresser la parole à un inconnu tout en étant sobre.
  • Regarder qui que ce soit dans les yeux.
  • Me souvenir avec précision de ce que je faisais une heure, un jour, une semaine avant. 
  • Raconter une histoire factuellement, sans me baser sur mon ressenti.
  • Éluder vos micro expressions (ou quand vous matez mes nichons tout en me parlant).
  • Respirer correctement dans une foule (+10 points dans le métro en heure de pointe).
  • Demander quelque chose à quelqu'un.
Donc bien sûr j'ai dû développer des parades, m'apposer des masques et composer pour survivre.
Et apparemment je compense super bien, vu que j'arrive à duper même mes amis les plus proches. 
Ils sont introvertis aussi (parce que les extravertis restent généralement entre eux, même si moi c'est généralement d'eux dont je tombe amoureuse), mais à un degré bien moindre qui leur permet de prendre des postes dans les RP, la communication et tous ces trucs qui me donnent envie de partir en courant dormir dans une forêt. Parler à des arbres. 
Leur degré léger d'introversion leur permet aussi d'avoir une vie de famille pas trop merdique, un mec solide, généralement. Du coup, ça leur arrive jamais d'être 4 jours d'affilée sans parler à quelqu'un.

De décrocher le téléphone et de pas être capable de parler avant deux, trois essais, parce que ton appareil ORL a plus l'habitude.

Du coup, ils peuvent pas imaginer une seconde que c'est mon quotidien. Même quand je leur dis. 

Je m'énerve pas, je respire, je laisse les gens dériver loin de moi "parce que bon, on est des adultes maintenant, c'est normal de moins se voir." (pas pour moi, mais then again on m'a pas demandé mon avis.) 

L'injustice leur passe au-dessus. Ce serait facile pour moi de leur répondre "Désolée de trop t'appeler, la prochaine fois j'appellerai mon mec ou ma famille soudée et aimante, ou tiens, toute ma ribambelle d'autres amis ! ...oh wait.". Alors je les regarde en attendant qu'ils fassent le chemin tous seuls. Qu'ils réalisent enfin que je brasse pas de l'air inutilement. Que ouais, ils me laissent seule. 

Il y a ceux que j'ai soutenu à bout de bras quand ils allaient mal, très mal, et qui ont littéralement claqué la porte le lendemain de la nuit où il m'est arrivé ce qu'il m'est arrivé. Mais à la limite, avec eux on sait à quoi s'en tenir. 

Ce qui est terrible c'est cette incompréhension de ceux qui tiennent à rester dans ma vie. Comme si le fait qu'ils ne veulent pas entendre ma souffrance rendait cette souffrance inexistante (une création de mon esprit malade ?). Ils sont d'accord pour dire que tout a changé mais pas pour accepter le fait que ça me fait souffrir. Que ma vie est moins bien qu'avant maintenant qu'ils sont moins là (pourtant, c'est plutôt honorifique pour eux). 

J'ai arrêté de relancer les gens parce qu'à force de se voir tous les deux, trois mois, ils n'ont plus aucune idée de qui je suis, déjà que c'était pas simple de s'en faire une, à la base. 

Quand on a une piètre opinion de soi-même comme moi, le fait de devoir constamment relancer les gens, le fait de devoir être à l'origine de tout événement social, de ne recevoir aucune invitation, aucune inclusion, enfonce un peu plus loin dans mon cerveau l'idée que je gêne. Que c'est une bonne action que d'accepter une de mes requêtes (sur cinq) pour passer 2h ensemble. 
Vous savez cette idée qu'on est "de trop", qu'on ne manque(rait) à personne et qu'il suffirait d'un bang
C'est là qu'intervient le "mais tu sais que je serai toujours là." auquel j'ai envie de répondre "bah toi tu sais que jamais au grand jamais je viendrai risquer de t'emmerder, de te pomper l'air, de gêner - donc du coup il est bien confortable ce status quo".
Sans compter que le fait de ne pas m'inclure renforce un isolement, vu que je ne rencontre personne de nouveau, dans cette société où il faut passer par la validation de quelqu'un pour toucher quelqu'un d'autre, ils me repoussent dans un cul-de-sac social. 

Donc ouais, quand j'ai la corde au cou, au fond de la piscine, ils sont là. Et c'est cool. Parce que la non assistance à personne en danger ça pardonne pas, et que quand je suis dans le précipice, c'est difficile de m'ignorer. Mais ils sont là, et il faut bien leur reconnaître ça. Et je leur reconnais ça. Généralement à 4h du mat', avec 4 grammes et une voix croassante, mais je le fais.

Mais personne pour se demander si je serais arrivée dans le précipice, la corde au cou et la nuque brisée, s'ils avaient été un peu plus là, plus tôt. Je ne demande même pas à ce qu'ils le fassent, mais qu'ils se le disent simplement. Parce que ce qui m'écoeure par dessus tout, ce sont les réunions d'esprits bien pensants disant que j'exagère. 
De quel droit ? 
Même mes amis les plus proches n'ont pas le droit de juger mon ressenti et de le nier. Ca remet en question la notion même d'amis.

C'est cette extrême solitude qui me fait me propulser dans des situations extrêmes, tenter coûte que coûte de créer du lien et me ramasser, chaque fois. Car, encore une fois, il faut être coopté pour exister dans notre société.

Alors bien sûr, tout ça, j'ai pas le droit de le dire, d'ailleurs vous feriez mieux de faire comme si je l'avais pas écrit, parce que ces gens, mes gens, étant incapables de se représenter, même de loin, même vite fait, ce que c'est parce qu'ils ne l'ont jamais connu, parce qu'ils n'en ont pas envie, parce qu'ils partent de leur cas pour faire des généralités, choisissez votre poison, sont incapables d'intégrer le fait qu'ils me font souffrir. Parce qu'ils sont entrés dans ma vie, m'ont fait me sentir importante pour eux et maintenant en sortent petit à petit, en se convaincant eux-mêmes que c'est normal, que ça n'a aucune conséquence.

Ca en a. Je n'ai pas forcément envie que ça change, d'ailleurs. Je ne fais pas de caprice pour que tout redevienne comme avant. Ca n'est pas ce que je souhaite. Parce qu'ils sont plus heureux comme ça, et que l'amitié et l'amour, c'est faire passer l'autre d'abord. Mais c'est juste insupportable de se voir niée.
Ce que je réclame, c'est le droit de dire que putain ça fait chier. Et le droit de dire que je souffre. Et le droit de dire je suis toute seule. Et de dire que j'ai pas d'amis, même si oui, si on compte je dois en avoir 5, genre. Ce que j'ai envie d'hurler c'est qu'ils n'ont simplement pas le droit de remettre ça en question. Parce que c'est ce que je vis. Et que l'exprimer me soulage un peu, et que c'est tout sauf cool de m'enlever ça aussi.
 
Tellement insupportable d'être niée dans son ressenti que je tangue un peu partout, en ce moment, et pas qu'à la Maro. 

Qu'en cette soirée là, sur ma marche, j'ai regardé les grands yeux noirs du type à moitié nu, sur scène, et que je me suis sentie plus proche de lui que de quiconque dans ma vie à cet instant T.

J'ai frissonné et j'ai regardé ma bière vide. Puis j'ai croisé à nouveau les yeux noirs du type à moitié nu et mon cœur a redémarré.

Pat on my back, and a swig on my brew, you're still my friend, it's impossible to hate you. /
Cradle to the grave, I know we always misbehave, people latch down and then they rain on our parade. /
Girls we love leave when we want them to stay, like today, remember, what shall we say?