lundi 24 octobre 2011

Twentieth Century Boy

Il y a peu de chances que ça arrive - puisqu'il n'y a pas plus provincial que lui - mais j'aimerais le croiser au détour d'une soirée. Et je dis "provincial" sans arrière-pensée. C'est le genre de garçon que tu rencontres en Province et que tu tentes d'oublier à Paris. Le type qui se flétrirait comme un concombre de mer hors de l'eau dans les rues de la Capitale.

Le genre de garçon que tu aimes quand tu as 18 ans.

J'aimerais le croiser parce que je suis certaine qu'il serait assez bien élevé pour me reconnaître et venir me parler si jamais cela arrivait. Bien sûr je dirais des trucs genre "je suis devenue éditeuse" "je vis dans le XXème et je ne pourrais pas vivre ailleurs qu'à Paris" "j'ai a-do-ré le dernier Gus van Sant", et dans sa tête je passerai pour l'obnoxious petite bitch qu'il a connu alors que je n'en étais qu'une esquisse.

Du temps où j'avais une bière dans chaque main, quand maintenant je ne me trimballe qu'avec une seule coupe de champagne. 

Il me dirait ce qu'il est devenu. Ce ne serait pas surprenant. Il aurait un sourire gêné - celui qu'il a toujours eu. 

On se dirait "bon bah... salut !" et je me sentirai obligée de rajouter comme une gourdasse : "de toute façon j'ai ton facebook, hein !". 

Et il partirait de son côté et moi du mien. Et je me dirais "putain c'que t'es con". Et j'abandonnerais la coupe de champagne dans un coin pour aller enfiler des shots de vodka dans un autre. Ca me rappellera cette soirée où j'ai bu mon premier shot de vodka - pour faire descendre les médicaments. Ca me rappellera la discussion que j'ai eue avec ce garçon, juste avant qu'il ne s'évanouisse dans les vapeurs d'alcool, sur ce que les médecins qualifient "d'appels à l'aide". 
Un moment plus tard dans la nuit, quand je ne serai plus maître de mon propre corps, je le verrai et l'alpaguerai comme la famine s'abat sur la Somalie. Pas pour le chopper. Je ne choppe jamais personne. Mais pour avoir cette conversation en haut des marches que je n'ai jamais eue avec lui. 

Cette conversation que je voulais avoir, à laquelle je tenais. Au moment où j'ai compris que j'avais des sentiments pour lui. Au moment où je ne savais pas encore que d'autres avaient des sentiments pour lui et à quel point la situation était un merdier monumental. Cette conversation où je lui aurais dit que voilà, c'est comme ça, t'en fais ce que tu veux, j'attends rien de toi, juste je voulais te dire... 

Cette conversation que j'avais prévue le soir où il n'est pas venu.

Cette non-conversation qu'il me reprochera plus tard, dans une conservation msn qui semblait dire "t'avais qu'à me le dire". Oui mais... 

Le timing. Voilà. J'accuserai le timing.
Et il me dirait que non. Ca aurait rien changé. Que j'étais une gamine. Que ça aurait pas pu marcher. Et il aurait raison, parce que même quand il a tord il parait avoir raison. 

Je l'aurais en face de moi et plus comme une pellicule dont la vie défile sous mes yeux sans que je ne veuille en prendre part. Parce que c'était trop dur. De le voir avec une autre. De pas avoir eu cette conversation alors que j'étais prête, décidée. Sur le point de. 

Que c'était trop injuste. Qu'après tout s'il est allé avec elle, il aurait pu être avec moi, hein. Bon.

Et je le détromperai "non j'ai plus envie d'être avec toi maintenant, ça rimerait à rien. Tu étais le copain que j'aurais dû avoir à ce moment là. Tu m'aurais appris avant que je le fasse moi même, beaucoup plus lentement, que parfois il fallait ne rien en avoir à foutre et parfois s'accrocher tripes et ongles à ce qu'on voulait - à ce qu'on croyait.". 

Parce qu'il est le seul, à l'époque, à avoir un temps soit peu fait attention à qui j'étais, ce que je faisais, ce que je lisais - il m'a même suivi dans une librairie alors qu'on se connaissait depuis un jour ou deux. Mais surtout à ce que j'écrivais.

Pour me débarrasser de son regard inquisiteur mais éminemment juste, je lui ai balancé un vieux fichier des années collèges. Ca l'a vacciné. 
J'ai coupé court à notre relation comme on ampute chirurgicalement. J'ai pas pris le temps de lui expliquer. Je suis partie du principe que de toute façon "on n'était pas amis". Que je ne lui devais rien.

Aujourd'hui, je sens, je sais qu'il a été important. Qu'il m'a rendu malheureuse sans le vouloir et que je n'ai pas le droit de lui reprocher. Pas plus que les conneries que j'ai faites pour l'oublier et qui ont fait que, même de loin, je ne le suivais plus. 

En écrivant cette note j'ai retrouvé les sensations, les odeurs, les images de cette époque. Beaucoup de rires, de naïveté ravie et de découvertes. Avant toutes choses, il m'a beaucoup appris et même si je ne l'ai pas compris tout de suite, ici git une trace d'une amitié loupée.

Glorious


Le 21 janvier 2004, je concluais mon premier mois de blog par ça :


j'ai envie d’être sur une place


blanche mais pas trop

à Stockholm

avec andreas johnson à la main

qu'il y ait un vent frais

et le soleil

le temps qui me fait


des petits picotis

et qui me rend euphorique

j'ai envie qu'il y ait des gens autour de nous

qui lui demandent des autographes

et qu’après ils s'en aillent



j'ai envie qu'il me regarde gentiment avec un sourire en coin

j'ai envie qu'il fasse plus que jamais frais

que le ciel et l'air soient bleus


et que la fontaine ne glace jamais

et qu'on ne bouge plus de cet endroit

jamais...


J'avais 16 ans. Ca n'excuse rien mais c'est du pur vintage. 
Well, j'en aurais mis du temps, mais dans moins d'une semaine cette
rêverie sera réalisée.

Ou presque.

mercredi 19 octobre 2011

I beg to dream and differ from the hollow lies

Certains d'entre vous m'ont connue dans une soirée post-it. Ce genre de soirée où ma monomanie s'attache à un bloc de paginettes fluorescentes et où je nomme les gens.

Tout a commencé lorsque j'étais Dieu. 

C'était il y a 5 ans, à une soirée déguisée où je n'avais pas de déguisement, j'ai piqué une idée à Oz dans Buffy, je me suis collée dessus un post-it avec écrit "Dieu". 

J'ai créé mon Olympe en nommant des dieux divers et variés parmi mes amis - et mes ennemis. 

Façon pour moi, l'handicapée communicationnelle qui ne sait rien dire d'autre que sa vérité pure et entière, de mettre des mots sur les gens. 
Sous couvert d'humour, dans mes soirées post-it, je n'ai pas ce moment de flottement erratique où je me demande "mais qui il est en fait ?". L'erreur 404. Le blue screen of death de mon cerveau. Ce moment qui me fait souvent partir en courant et qui gâche la soirée de la personne qui aura couru après moi. 

Oui, les filles, les gars, se faire courir après est largement overrated.  
Enfin, si vous êtes aussi angoissée que moi à l'idée de rendre la vie des autres moins bien par votre unique présence.

Et oui, quand je bloque sur vous, ce n'est pas parce que je veux votre corps/votre âme/votre bouteille (enfin si, peut-être), c'est parce que je me demande : "qui es-tu pour moi ? que seras-tu pour moi ? pourquoi es-tu dans ma vie ?". 

La réponse se limite souvent à un prénom, une vague occupation professionnelle, quant au "quand", c'est souvent "plus rien dans 3 mois" et enfin "pourquoi ?" : un hasard pur et simple.

Non, la question qui reste le plus en suspend est "...pourquoi es-tu resté ?". 

Ceux qui me plaisent le plus sont ceux qui restent. C'est rare ceux qui restent.

Alors oui, passer à côté de quelqu'un et lui coller un post-it sur le poitrail l'air de rien est un moyen pour moi de trouver calmement des réponses à mes questions. A me forger ma propre vérité, vérité de consolation, mais vérité quand même. C'est surtout un moyen de vous dire ce que vous êtes pour moi sans tomber dans le larmoyant "mais tu sais biiien que je t'adoooore" que vous prenez toujours - si - comme un boulet que j'attache à votre cheville. 

Et puis un post-it ça n'est jamais assimilé à une tentative de drague. 
(A part dans Grey's anatomy mais passons.)

En ce moment, et depuis plus d'un an, j'aimerais coller un post-it sur le blog d'un garçon à qui je parle de temps en temps, un possesseur de vérité, une des rares personnes qui me fasse sourire à chaque fois qu'elle m'adresse la parole - d'un sourire qui vient du ventre, un être de lumière(s), de petits riens et de bonheur. Un garçon à qui je parle peu parce que j'aurais peur de perturber son monde avec mes tempêtes, mes trous noirs et mon néant. 
L'inverse de moi. 
J'aimerais coller un post-it sur son blog qui dirait "tu as du talent". Juste pour qu'il le sache. 

Même si c'est ma vérité, c'est une vérité quand même.

dimanche 9 octobre 2011

Volatile Times


Pendant mes années de solitude, quelques garçons m'ont beaucoup aidé.
Ces garçons écrivaient leurs chansons comme j'écrivais mon blog et, malgré les kilomètres, les années, les drogues et le rock&roll, vous vivions à peu près la même chose. 

Il y avait Beckett. 
William "Bill" Eugene Beckett. Frontman de The Academy is. Gentillet groupe de punk-rock de Chicago.
Littéraire averti. Amoureux fidèle. Joli gueule s'il en est.


J'ai rebattu les oreilles de tout le monde avec lui, j'ai même pris des ciseaux et me suis coupée les cheveux comme lui : Beckett a été ma dernière teenage idol. 

Aujourd'hui, il a annoncé sur son blog la séparation du groupe, - qui ne faisait plus rien de bon depuis Santi, petit bijou pop méconnu. 
Avec cette annonce me revient par vague mon premier appartement au Havre, sa bouille sur mes murs et sur un cahier violet. Sa musique dans mes oreilles en claudiquant dans mes Van's, avant et après mon opération. 

Beckett va continuer. Moi aussi. Mais nos chemins de vie se sépareront presque certainement.

Cette semaine, j'étais devant une autre de mes idoles. Une plus ancienne, que je chéris depuis le lycée et qui a été l'appui-tête de ma douleur adolescente. Le xanax de mon Dark Passenger. Mon maestro et mon führer à la fois : Chris Corner.


Les plus vieux le connaissent comme crevette décolorée leader des Sneaker Pimps (génialissime groupe Trip-hop à la production qualitative rollercoaster : plein de hauts, plein de bas, quelques tunnels), depuis le tout début des années 2000, Corner sévit sous le nom d'IamX, est devenu dandy-magicien, était le Lady Gaga au masculin avant même qu'elle ne se péroxyde pour la première fois. 



Génie de ma vie, il l'a impactée pour la première fois avec l'astéroïde Kiss&Swallow.

Cette semaine, donc, je suis partie du boulot pile à l'heure pour aller me glacer les fesses dans la file d'attente devant le Divan du Monde. Ironiquement, ma place dans la queue a fait que j'ai attendu en face de mon endroit préféré à Paris. Chris assurait deux dates à la suite et ce soir là, il s'agissait de la deuxième, je m'étais trouvée devant un dilemme au moment de commander les places, me disant que si j'en achetais pour la veille je pourrais revenir le lendemain. Pour éviter cette boulimie j'ai acheté des places pour la 2ème soirée. Cet atermoiement a son utilité, puisqu'il arrivera dans les bras de ses musiciens, fragile petite chose imprimant sur mes rétines une incarnation vivace de la descente de croix. Fragile petite chose que l'on pose sur une grande chaise. Je repère son plâtre au pied, tel une plateform shoe.

Autant vous dire que le Chris sautillant, diable en boîte et brindille roseau n'était que l'ombre de lui même. Mais cette fracture n'était qu'une signe extérieur de marasme intérieur. IamX est la noirceur. Le rose et le noir. A l'image du 1er album (le second était jaune et noir, comme ces bandes policières délimitant les scènes de crime)(coïncidence ?). A aucun moment Chris n'a fait battre mon coeur comme il l'avait fait de nombreuses fois avant, allant même jusqu'à me porter aux confins de l'extase un soir à la Loco. 

Chris était un repère dans ma vie, un jalon sur lequel je m'appuyais "Ca ne va pas en ce moment mais bientôt tu vas voir Chris Corner sur scène, tout ira mieux". Gourou much. 

Mais Chris a sorti après The Alternative (chef-d'oeuvre dark-électro s'il en est) un album en demi-teinte, avec des pépites (My secret friend - avec Imogen Heap - & The Great shipwreck of life, mainly) et déjà des signes de faiblesse, puis Volatile Times nouvel album insipide, après une merdouille compilant des remix inutiles. 
Chris Corner s'est éloigné de mon univers, je me suis éloignée de lui, et jeudi, nos retrouvailles avaient un goût de trop tard. J'ai failli partir avant la fin (tout n'était pas mauvais, bien sûr, mais tellement moins bon qu'avant que je ne pouvais pas être objective), et puis non. 

J'ai passé l'âge d'en vouloir à un chanteur qui me déçoit (you hear that little sisters ?).

J'ai l'âge de ne plus avoir d'idoles contemporaines. Car les autres, je les ai compromises en m'en approchant trop près, comme Icare du soleil, jusqu'à les voir au petit matin, jusqu'à pouvoir compter les traces de piqûre sur leurs bras.

Le temps a passé, mes soleils noirs ont vieilli. Je n'ai plus besoin d'eux pour les mêmes raisons. Bill pour m'aider avec les travers "normaux" de l'adolescence, Chris pour les maux un peu plus propres à ma personnalité. 

Je ne le remercierai jamais assez. Je ne les remercierai donc jamais.

lundi 3 octobre 2011

All my own stunts


Il est accroché à la baignoire, assis sur le rebord, les deux mains serrées de chaque côté de ses cuisses. 

Je ne me souviens plus de son visage (celui d'un type qui lui ressemble l'a depuis longtemps remplacé dans ma mémoire), je me souviens de ses yeux. Rouges. Mouillés.

Je me dis qu'il se passe beaucoup de trucs impliquant des garçons dans des salles de bain et des regards intenses dans ma vie. Mais j'ai trop bu pour baisser les yeux. On n'est même pas dans ma salle de bain. On n'est même pas maintenant. On est il y a 2 ans, déjà. 

J'ai des souvenirs diapositives de lui qui se succèdent, moi assise sur le canapé, lui sur l'accoudoir, moi allongée par terre, lui sur la chaise, et puis moi debout dans la salle de bain, contre la vasque, lui, en face, sur la fameuse baignoire.

J'ai dit quelque chose qui a fait fondre ce grand garçon en larmes. Me raconter les pires moments de sa vie de caméraman quand, pour manger, il a bossé sur des films pour adultes. Et là j'ai vu le traumatisme du gars. Le besoin d'en parler, et l'instant rêvé : une inconnue, une fille. Un truc qu'il pourrait pas dire devant ses potes ou à sa famille, là, il le pouvait. 

Je me souviens que plus tard on s'est endormis à même le plancher, il a vaguement essayé de coucher avec moi, mais je me suis endormie. Encore une de ces fois où j'aurais pu mais où j'ai rien fait.

Je me souviens de quand il m'a raccompagné en taxi, au petit matin, où j'ai insisté pour reprendre le métro, un peu désordonnée sur mes talons à 8h du mat', où il m'a rattrapée par le bras et m'a fourré dans la première voiture venue, sans me demander mon avis. Moi qui déteste ça d'habitude j'ai trouvé ça follement galant. Je ne me l'explique pas. 

Quand une fois de plus il m'a fait comprendre qu'il voulait monter chez moi je lui ai sorti l'excuse la plus bidon du monde : non les exterminateurs doivent passer me débarrasser des cafards qui aiment à se nourrir chez la vieille d'en dessous et se balader chez moi pour digérer.

Je me suis souvenue de son meltdown, de son attitude chevaleresque trop rare et je lui ai laissé mon numéro sur un morceau de page de cahier.

Il m'a lancé le même regard que dans la salle de bain, les larmes et le rouge en moins - le rouge c'est moi qui l'avait sur les joues, et il a dit "tu sais que je te rappellerai pas".

J'ai dit "Je sais". J'ai glissé le papier dans sa poche, je l'ai remercié, embrassé sur la joue, et j'ai couru me réfugier dans mon immeuble, juste à temps pour croiser les exterminateurs dans les escaliers et les forcer à remonter jusqu'à chez moi.