jeudi 28 avril 2016

I got a lump in my throat


 ['Cause you're gonna sing the words wrong]

Aujourd'hui, j'aurais pu brûler.
Non mais vraiment.
Je venais de rendre le test que je passais pour un nouveau job (qui serait le 4ème cumulé, si vous avez peine à suivre) et de remercier la dame, quand je me suis aventurée dans le dédale de couloirs à la recherche du très vieil ascenseur qui m'avait menée au 6ème étage.

Et puis j'ai compris pourquoi j'arrêtais pas d'éternuer depuis une demi-heure. 
L'odeur, d'abord, et la fumée ensuite, de plus en plus âcre, et visible, et presque palpable.

J'ai alors réagi comme Marlowe devant toute chose dépassant son entendement (c'est à dire, presque toute chose) : je me suis figée et j'ai écarquillé les yeux. J'ai entendu deux trois "Non non c'est pas l'immeuble d'à côté, c'est bien celui-là" et la sirène des pompiers. 
Ca m'a (légèrement) rassurée et j'ai commencé à bouger.

J'ai attendu nerveusement l'ascenseur tout en me disant que c'était la pire idée en cas d'incendie. 

Il faut dire que j'avais la tête dans le cul jusqu'aux épaules, si vous me passez l'expression. 

Si le feu m'a couru après ce matin, c'est la glace qui m'a enveloppée, cette nuit, quand j'ai parcouru toute la rue Nationale après un périple en Tramway pas piqué des hannetons (qui incluait un accident de la route). 

Je crois que j'ai chantonné du Tom Odell (mon déjà tube de l'été) pour m'accompagner pendant deux kilomètres à pied nocturnes et glaciaux. 

Je n'ai jamais autant marché que depuis 6 mois. Jamais autant vu de concerts, aussi. 
Marcher avec la musique à fond, sans lunettes, pour le flou artistique, et m'abstraire de la foule tout en la parcourant. 

Bon, là, c'était pas voulu. C'est que je revenais de BANLIEUE. 
Vous me connaissez, je n'y vais qu'en cas de force majeure ou de mort imminente de l'être aimé. 
Parce que je sais bien qu'en revenir n'est pas aisé. Et rien ne peut me retenir loin de Paris très longtemps.
Il se trouve que mon cas de force majeure était en l’occurrence ma plus vieille amie des Internets qui prend très à cœur sa mission d'infiltration de notre duo pop de commères éclairées sur tous les plateaux de télévision qui comportent 1) de la musique 2) de jolis gens 3) de quoi commérer de manière éclairée. 

C'est pourquoi nous nous sommes rendues DANS LA NATURE, sous un CHAPITEAU, assister à une émission de LA TNT. 

Aka Nouvelle Star, dernier programme que je suis scrupuleusement, plus par vieille habitude et attachement au jury que par amour de l'art.

Il en faut beaucoup pour impressionner météorologiquement une Bretonne et une Normande... Et beh des flocons de neige de la taille de mon œil qui te tombent en rafales sur la gueule à travers les branches pleines de bourgeons un 26 avril, ça déstabiliserait même un viking.  

Mais ce n'était que le premier test du destin qui semblait vouloir s'assurer que nous étions véritablement motivées par le fait de passer toute une soirée en proximité maximale avec Dédé Manoukian. 

Ensuite, il y a eu l'épiphanie brutale de la soirée sans alcool que nous allions passer... mais ce n'était rien à côté du choc... du drame ultime... la confiscation de nos smartphones. L'outil de bitching suprême. Le capteur d'âmes et de preuves qu'on y était. Stupeur, tremblements : on allait devoir s'adresser la parole et ce pendant une bonne heure et demi d'attente, debout, avant le prime.

En fait, c'est passé assez vite, et j'étais très curieuse de tout l'envers du décor. Ma dernière expérience télévisuelle s'étant faite chez Mimi Field quand il officiait sur la une et qui s'était si bien passée qu'on m'avait coupée au montage (mais maintenant je sais me servir d'un micro !)

J'étais surprise de me rendre compte qu'au bout d'une heure à subir les assauts du chauffeur de salle, je claquais des mains en rythme toute seule, au bon moment, et mon sourire se déclenchait sur commande et s'évanouissait à chaque coupure pub. 

Pavlovien. 

Depuis quelques mois, j'ai décidé de saisir toutes les opportunités et de tester tout ce qui me passe à portée de main. Alors pourquoi pas traverser l'écran. Ca fait 8 ans que je suis à Paris, et ça ne m'était jamais venu à l'idée, et au final, j'ai bien fait d'attendre d'avoir la compadre idéale. 

Ce que j'en retiendrai, c'est la putain de difficulté de l'exercice pour les artistes. On était vraiment le nez sur eux, et ce qui se passe en off dans ce fatras rugissant de lumières, d'ordres lancés à tout va par les techniciens et de musique dans tous les sens, c'est juste l'enfer sur Terre pour se concentrer.
Je retiendrai donc le regard contrit des candidats forcés d'entendre et de voir un magnéto d'eux entrain de chanter juste avant de passer et de devoir délivrer toute autre chose, quelques instants après. 
La putain de concentration que ça nécessite force le respect.

Le côté télé-réalité change beaucoup de choses et notamment le fait qu'on a de véritables humains, semblables à nous, devant nos yeux. D'une part parce qu'il font coucou à leurs proches - juste derrière nous - dès qu'ils ont cinq minutes, et de l'autre parce qu'on sent bien qu'ils sont dépassés par un système implacable, bien huilé, qui était là avant eux et qui le sera encore quand on les aura oubliés.

Ma curiosité me poussera très certainement à revoir ces chanteurs dans un contexte qui leur est propre, pour bien cerner où se délimite l'émission et où commence leur personnalité.
(Pour ceux que ça intéresse, je mets une pièce sur Patrick, le suisse qui chante les Belges, et qui arrive tant bien que mal à se démerder du rôle de sex-symbol que la prod lui a collé, avec un charme fou qui arrive, en se débattant fort, à percer à travers une gestion approximative de son corps) 

Je réfléchissais à tout ça en remontant la rue Nationale, en écoutant mes groupes indie punk rock découverts dans des caves d'où tu ressors couverte de l'ADN d'au moins 5 personnes dont 2 mortes, à 1h du matin, par moins 1, à Paris, à la fin du mois d'avril, et je me disais que je me lèverai dans moins de 6h, pour aller relever un autre défi. 

Infiltrer un quartier qui ne me ressemble que de loin, pour faire genre je suis compatible et tenter de plaire à une entreprise qui, sur un malentendu, pourrait bien me proposer le plus gros salaire que j'ai jamais connu. Sur un malentendu et contre 47,5h hebdo de mon temps. 
Dans la 14, captant bon an mal an Jamie T entre deux stations, je me dis que le sacrifice n'en vaut pas la chandelle, mais que je suis comme Oscar, je ne supporte pas les regrets.

Alors je m'engage dans cet immeuble. Je me fais intercepter par celle avec qui j'ai rendez-vous, il va falloir meubler pendant 6 étages alors que je n'ai qu'un vingtième de ma dose de caféine quotidienne nécessaire. Je ne regrette pas du tout d'être allée me perdre sur D8 la veille. Les choses s'enchaînent pour une raison, et je ferai ce test fatiguée ou je ne le ferai pas. 

C'est pourquoi, quand je plie bagage et que j'entre à nouveau dans l'ascenseur, et avec moi une brassée de fumée odieuse, dont tu te demandes ce que tu respires : de la chaise consumée ? De la braise de table ? ...Quelqu'un ? 
Je me dis alea jacta est
C'est la pire idée du monde de prendre cet ascenseur en plein incendie, mais hey, vu ton passif avec les descentes d'escalier en vol plané et ton sens de l'orientation, c'était relativement pas un choix si con. 
Le temps est long. Long. Mais je reste calme. Je suis toujours calme au cœur des tempêtes.

Je croise quelqu'un entrain d'évacuer qui me regarde en souriant, comme pour me réconforter. 
J'ai envie de lui répondre que je n'ai rien à perdre, moi, mais je garde la bouche fermée, et je couvre mon nez de mon écharpe. 

Le gros camion des pompiers m'accueille sur le trottoir, où beaucoup, beaucoup de gens, s'amoncellent. 

Je me faufile jusque dans le métro, entre le feu et la glace, retrouver un semblant d'anonymat, mon casque, mon indie punk rock, et, enfin, les bras chaleureux d'un fauteuil du MK2 Bibliothèque, les seuls à bien vouloir me distribuer des hugs, en ce moment. 

vendredi 15 avril 2016

I still need you, but I don't want you now



Je sens un peu le sol flotter sous moi. J'essaye de me raccrocher à des éléments stables de mon environnement. N'importe quoi de tangible. 

L'homme qui me sert a les mains noires, calleuses, mais précises. Il fait de grands gestes comme un chef d'orchestre en emballant la fleur. Il semble accepter mon silence pataud, ne l'interrompant que pour poser des questions primordiales.

"C'est pour une occasion particulière ?"

Je lui adresse ma moue dubitative/craintive, celle qui fait se lever ma lèvre supérieure en haut à droite et dévoile une partie de mes dents. 

Oui, parce que je suis une ivrogne qui pense avec sa bite et tente désespérément de créer du lien par tous les moyens.

"Euh... non."

Il a fini de préparer l'orchidée. Elle est blanche et droite et resplendissante. Je trouve qu'elle incarne parfaitement les excuses que j'ai à présenter. 

Je la serre contre moi pendant tout le trajet en me demandant si elle va être acceptée.
Je me dis que son sort est lié au mien. Que je l'ai attirée dans cette combine et qu'elle est ma responsabilité maintenant. 

La solitude, quand elle devient trop étouffante, me transforme en Amy Winehouse (sans le talent). Je suis une boule de feu inarrêtable qui se consume en cramant tout sur son passage. 
Même les gens, parfois. 

Ca faisait longtemps que je n'avais pas ressenti de culpabilité. Parce que je vis de telle sorte à n'être jamais amenée à faire des coups de pute pour parvenir à mes fins.

Mais parfois, mon inner Bad Gremlin prend le dessus et il y a des dommages collatéraux.

Personne ne s'inquiète vraiment pour moi. J'en ai parlé. J'ai pris la température. Pour savoir si je suis allée trop loin ou pas cette fois. Mais personne ne s'inquiète. Alors je vais faire pareil. 

Quelque part, je me demande comment ils réagiraient tous, si je m'immolais en place publique. 
Je pense sincèrement qu'ils feraient griller des marshmallows en riant : "Ohlala Johnson, t'es impayable !"

J'ai un peu l'impression d'être un divertissement pour mes ami(e)s bien casés dans leurs routines. Ceux qui vivent leur vie par procuration quand je leur raconte mes folles nuits et leurs conséquences.

J'ai cette utilité là me direz-vous. 
J'aime bien faire le clown. Mais ça ne me suffit pas. 
Surtout, ça enfonce dans ma tête la certitude de n'avoir jamais été prise au sérieux. Aussi bien dans mes malheurs que dans mes aspirations.
Mon entourage se rassure en se disant que ce n'est pas possible de vivre vraiment les choses comme ça. J'exagère forcément. 
Mais non.

J'aimerais bien échanger ma place avec eux ne serait-ce que 5 minutes. Qu'ils se rendent compte du bordel et qu'on ait une vraie discussion, d'égaux à égaux, où enfin on me considérerait comme crédible.

Donc, en attendant, je cherche du lien. N'importe quel lien. Dans les pires endroits et de la pire des façons, mais, personne ne pourra dire que je n'ai pas essayé.

vendredi 1 avril 2016

She said I'd been romanticizing heroin



Un été, il y a presque 3 ans, j'ai entendu la voix désabusée, rocailleuse et acoustique d'un garçon maltraitant ses cheveux. Un garçon au physique un peu ingrat. Aux oreilles de simplet. Aux vêtements noirs gris délavés et à la tronche sans cesse en biais. Emo jusqu'au bout des ongles. Désabusé et désabusant, mais follement doué.

Ce soir, j'ai été électrisée et revivifiée par un garçon qui se tord comme une liane, dont l'élasticité peine à remplir un pantalon en cuir pourtant fort appréciable. Le cheveu soyeux, bouclé et souple, dans lequel il passe une main nonchalante mais calculée. Chaque geste est millimétré et il sait quand faire décoller son public. Ce garçon envoie de l'amour, des brouettes d'amour. Il est sexy sage. Sexy family friendly. C'est coquin reposant et pas sale. L'Olympia est rempli d'oestrogènes et, pour une fois, ça n'est pas pour me déplaire. C'est libérateur. Il y a une communion. C'est visuellement parfait.

Derrière le micro, entre ses poses assurément répétées, je discerne le sourire triomphant de celui qui a décroché tout ce qu'il espérait.

Ce garçon, dans les deux cas, c'est Matthew "Matty" Healy.


Cet été là, il y a trois ans, c'est son Sex qui m'a mise K.O :

 

J'ai poussé mes premiers "Ooooh Matty..."
J'ai tout de suite fondu pour son style émo ouin-ouin qui me correspond tellement.

Ses paroles sont simples, honnêtes, un peu racoleuses "hanlala elle veut faire que du sexe avec moi alors que moi je l'aime bien +++ #sadpuppy".

J'ai suivi Matty de loin en loin, avec un regard bienveillant qui n'en a plus fini de s'écarquiller quand j'ai assisté à sa métamorphose.


Le petit canard boiteux (qui n'était pas si vilain) est devenu un sex symbol tout en acceptation de sa féminité.


A coup de mini-scandales, de provocations gentillettes et de frotti-frotta avec de la popstar globale, il a déboîté les frontières pour débarquer un peu partout dans le monde, dans les oreilles de jeunes filles qui ne demandaient que ça.

Je suis fidèle. Très (trop) fidèle. Et même si Matty est un sacré boulet pour ma streetcred, j'aurai toujours un soft spot pour lui.
Les gens se rengorgent quand je balance son nom ou que j'ai des billets pour The 1975 (qui n'est un groupe qu'en apparence, les autres membres n'existent tellement pas que Matty ne prend pas la peine de les présenter sur scène).

Car Matty et sa tête à claque sont les nouveaux chouchous du NME et les anciens, qui sont mes chouchous à moi, ne peuvent pas voir The 1975 en peinture.

Matty a percé en même temps que les Palma Violets et a dit beaucoup de bien d'eux à leurs débuts, ascenseur qui n'a - bien sûr - jamais été renvoyé. Ce qui a donné un fameux épisode qui m'a fait rire aux éclats mais rire jaune beaucoup d'amies à moi.

Plus violents (toujours plus violents) mes Fat White Family, chient un peu sur la tronche de Matty dès qu'ils en ont l'occasion.


Ici en faisant référence au titre à rallonge du second album : I like it when you sleep for you are so beautiful yet so unaware of it. (Ok, y a de quoi, et les Fat White sont géniaux, surtout quand ils font du mauvais esprit)

Oui l'enfant spirituel de simplet et grognon s'est transformé en progéniture géniale de Lana Del Rey et Michael Hutchence (INXS)



Il est devenu l'insupportable Matty, à qui on pardonne tout, qui s'en sort avec les louanges de la critique et du public, qui valide même ses choix de tatouage torsaux un peu discutables.


Haters gonna hate. Forcément. Indubitablement. 
Moi j'ai jubilé. La réussite trajectoire en flèche de celui qui joue au petit morveux en se laissant griser par son personnage. Qui en tire des chansons émo ouin-ouin mais dansantes, et sculpturales, cette fois. Et rebelote. 
Il n'a pas que le talent, et le look, et l'attitude, il a tout compris à cette industrie.
Et moi je ne comprends rien à ces brassées de purin qu'on lui envoie à la figure car, pourquoi mes chouchous du rock, vous comparez-vous à celui qui n'a jamais prétendu à rien d'autre que de la pop ? 

Je comprends que ça soit agaçant : le mec a réussi en grand ce que vous faites en tout petit, péniblement, avec les moyens du bord et pas beaucoup d'aide extérieure. Avec Matty tout a l'air facile, et c'est énervant. Comme si lui et ses trois potes d'enfance avaient vu de la lumière et étaient entrés... Sauf qu'ils bossent depuis 2002. Que le mec a eu une vision, certes individualiste et vouée à établir un culte de sa personne à peine dissimulé, mais il est allé jusqu'au bout du truc. Avec le succès que vous connaissez maintenant.


Alors oui, ce soir, j'ai eu l'impression que Matty faisait partie de la famille quand je l'ai vu jouer au bonhomme en flottant dans ses fringues trop grandes qu'on aurait dit sorties de ma garde robe. J'ai aussi eu l'impression que je faisais partie de sa famille. Il couvait du regard ses ouailles, avait un petit signe pour chacune. Le mec se fout pas de la gueule de son public avec son show. Visuellement, musicalement, tout est au cordeau. Le son est impeccable et sa voix aussi. Il a même bossé ses "r" français, tu vois le jusque-boutisme du type... 

Je suis sortie de cette communion bienveillante avec l'impression d'avoir assisté à la remise de diplôme du petit dernier. Les oreilles sourdes des cris stridents de gamines à qui il a fait découvrir tout un univers des possibles masculin, j'en suis sûre. Prête à défendre bec et ongle ce petit bougre à qui osera tirer sur celui qui n'attend que ça. 

"We've just come to represent 
A decline in the standards of what we accept!"
Yeah... 
Yeah... 
Yeah?! 
No!