jeudi 26 octobre 2017

All live to die, and rise to fall



Marlowe's, Canterbury
 8 octobre 2017


A mon chat noir,

Il y a un an et une semaine, je te cérémoniais d'adieu en te réunissant avec ton illustre aïeul. Pour mes quatre jours de vacances d'été, cette année, je n'ai pu me résoudre à te rendre visite là-bas, à Deptford. Chaque chose en son temps, je ne suis pas prête. Et en ce moment, je m'écoute. 

A la place, comme toi et l'autre Marlowe occupez quand même encore vachement mes pensées, j'ai décidé d'entreprendre un petit pèlerinage. Me voilà donc à Canterbury, ville de naissance de Kit Marlowe – dont il s'est vite évadé – où je déambule presque heurtée par tant de joliesse.


Chaque rue est accompagnée d'exclamations admiratives, de frétillements et d'amour universel. Avec mes flâneries, j'ai failli louper la possibilité de visiter la cathédrale parce qu'on est dimanche et qu'à  Canterbury à 14h, la cathédrale c'est comme le McMorning à midi : c'est fini. 
L'honneur touristique est sauf, j'ai pu y entrer. En route, j'ai croisé pas mal de choses époustouflantes. Les anciennes geôles pour commencer, transformées en Escape Game. Puis, première à gauche, le Marlowe Theatre, hommage très (trop ?) moderne à l'ancien. Heureusement une statue fort chamarrée se dresse à son entrée. Enumérant les pièces les plus fameuses du Marlowe-qui-écrit.
Sur le parvis, j'ai pu me pâmer devant une rivière, des sculptures et la maison de Chaucer. Est-ce le moment de préciser que c'était le métier du papa de Marlowe, chausseur ?


Je suis entrée par effraction dans l'ancien campus de Marlowe-who-writes. J'ai trespassé comme on dit ici. Et le garde m'a réprimandée, mais je lui ai lancé mon meilleur sourire en gribouillant à l'oral quelque chose comme "je suis là pour la plaque, juste pour la plaque". Le gentleman l'a emporté sur le garde qui n'a pas grand-chose à garder et j'ai pu prendre mes photos et repartir en courant.
Et maintenant je déjeune chez Marlowe's au son d'une Eurodance putassière mais hey, tout ce qui est Euro au UK mérite bien que je le supporte.
J'ai mangé trop de fromage, trop gras, arrosé d'un prosecco étonnement fin.

Les tables affichent des scènes de rue de New York. Les murs des portraits de Monroe ou Gable. Pas un seul dramaturge gay flamboyant tuteur d'enfant caché héritier de la couronne d'Angleterre et espion de la Reine. Je ne suis ici que pour le nom. What's in a name? 
Marlowe-the-writer a été officiellement reconnu il y a plus d'un an comme l'un des auteurs de Shakespeare. Mon chat, toi et tes deux années sur Terre, ne vivez plus que dans mon esprit. Alors allier vos deux existences est une manière de pallier cette idée angoissante.
Je regarde une mouchette taper contre la vitre du Marlowe's et me dis qu'elle plairait bien à Molly Brown. Ta successeure dans mon cœur. 
Je la verrai demain. Elle a un mental d'acier et je ne la retrouverai pas dans le même état que toi, qui te prostrait contre moi en tremblant, en te serrant fort, terrorisé sûrement que je vienne à de nouveau disparaître. Et puis c'est toi qui m'a fait cette mauvaise blague. 
Chez Waterstone's, quatre livres de Marlowe. 
J'ai pris cette vilaine habitude, de les compter, chaque fois que j'ai du temps à tuer. On est dans une ville qui utilise ton nom pour ses arcades de shopping de luxe, pour son théâtre de variétés flambant neuf, mais qui (re)connait très peu ton Art. Bon, moi la première, je n'ai pas ouvert un bouquin du week-end et j'ai donc laissé tes œuvres poétiques complètes de côté. 


Ici, je suis super-coy - non je n'ai pas été mordue par une carpe radioactive - mais la différence entre l'Angleterre et la France est qu'en Albion mes bonnes manières mélangées à ma maladresse sociale me rendent charmante. J'ai pu voguer pendant quatre jours sans qu'on m'emmerde - à part au resto où on  te demande quinze fois si tout se passe bien et où tu dois sortir toute ta gamme de formules de politesse la bouche pleine. Je devrais porter un badge "The less you speak, the more I tip."
 Jean-Michel Blague, mon psy, aime bien appuyer là où ça fait mal. Pourtant il est freudien, pas sadique, mais il aime à me parler de toi Marlowe-chat. Alors deux larmes coulent sans que je sanglote. Comme par habitude.
Je tente de raccommoder ton existence avec des souvenirs joyeux, même s'ils sont post-mortem. La micro-cellule familiale que je tentais de recréer avec toi a éclaté, mais je n'ai pas appris ma leçon pour autant. Ca aurait fait moins mal si tu avais été moins symbolique. Si tu avais eu moins la pression, celle de m'apprendre à aimer et être aimée, moi qui n'ai jamais connu.
Alors à Canterbury, je me vautre dans le symbole, je me roule dans une couverture patchwork de l'auteur et du poilu, aux images bientôt confondues.Maintenant, lui comme toi ne bougerez plus. Vous êtes fiables, fermes, ancrés, je peux compter sur vous et nos souvenirs communs. Rien ne pourra causer de souffrances supplémentaires, alors j'enrobe celles passées de clichés de maisons en briques. Ou bien de clichés tout court.

mardi 3 octobre 2017

First the mic, then a half cigarette



Qui va garder Elliott Smith ?
C’est la question apparemment absurde qui m’est apparue après ma première vraie rupture.
Je connaissais l’œuvre d’Elliott mais c’est mon mec de l’époque qui m’avait poussé à l’explorer plus avant. Clairement, il était à l’origine plus fan que moi. Mais à l’arrivée ?
Que se passe-t-il dans un divorce mental ?

Question absurde, j’ai fait mieux. Avec Celui-avec-qui-il-ne-s’est-rien-passé, nous avons eu une réelle discussion portant sur « Qui va garder la péniche ? »
Fin du suspens : ce fut lui.

Je vois beaucoup de couples hésiter à se séparer « à cause des enfants ».
J’ai des problèmes de ce genre, à mon petit niveau.
Hors de question de partager le bail d’un appart. J’ai bien trop peur d’être condamnée un jour à retourner vivre chez mes parents.
Hors de question de donner un droit de visite à ma chatte à quiconque. Pun absolutely NOT intended.

Il y a eu des « qui va garder le blog ? »

Des « qui va garder le chocolat fondu qu’on se refilait à chaque soirée après 4 pintes ? »

Des plus sérieux « Rends moi les clefs de chez moi bougre d’âne. »

Des « Fais chier, j’aimais ce bar et désormais je peux plus y aller  » qui sont peut-être partagés, on ne le saura jamais.

Il y a ceux qui veulent absolument que tu les oublies, ceux qui se rappellent à toi, juste pour s’assurer qu’ils sont mémorables.
Ceux qui voudraient te garder toi, pour la vie, juste pour que tu ne sois à personne d’autre, même s’il n’en ont plus l’usage.

Parfois, je laisse un pays entier à l’autre. Alors qu’il n’y a même jamais foutu les pieds. Parce que ça a fini quand j’étais là-bas et que tout est entaché.
C’est pourquoi je grimace fort quand parfois vous me racontez vos vacances.
Ca et parce que je n’ai jamais de vacances, of course.

Une chose est sûre. J’ai peut-être perdu la péniche, mais rien ne m’enlèvera, jamais, Elliott Smith.