jeudi 23 juillet 2015

My reasons for everything are lost with you



Une poignée de garçons ont réussi à me faire perdre la raison. A momentanément me couper de tout ce qui fait que je suis moi.
Damien Rice est la dernière personne à avoir abordé ce sujet en ma présence, cette folie passagère, où tu es sûr de ton fait mais que tu te noies en fait dans le faux, cette sensation de toute puissance erronée qui ne dure que le temps de ta relation.

L'opium qu'est l'autre.

J'écoutais Damien palabrer dans un franglais savoureux, j'observais le ciel faussement étoilé, et je repensais au fait qu'il était la personne la mieux placée pour me parler de tout ça. 

A chaque moment épique, il s'est incrusté dans la bande-son de ma vie. 
Je n'écoute pas Damien en prenant ma douche, un bol de céréales ou en lisant un livre. Je l'écoute quand mon coeur est sur le point de se briser, quand il est entrain de l'être, et quand il est émietté. 

Devant lui, au Grand Rex, j'ai vu mon existence défiler.

Moi assise au bord de la fenêtre de l'appartement du XXème dans lequel je venais d'emménager. J'avais mis O, tout bas, et je resserrais autour de moi la serviette de bain qui me protégeait des regards inquisiteurs de mon nouveau vis-à-vis.
Derrière moi, sur le lit, il y avait un garçon à moitié nu, qui respirait faiblement, accablé par la chaleur, l'effort et le fait de ne pas trop savoir quoi faire de moi.
On a vécu, cohabité, dormi, quelques mois comme ça. Sans mettre de mots dessus.
Sans mettre d'autres mots que ceux de Damien.
Quand est venu le moment de la séparation, les forces en présence ont protesté que, manifestement, mon désarroi était déplacé, car il n'y avait jamais rien eu d'officiel.

Jamais rien eu d'autre qu'un rapprochement inédit pour les deux partis. Un silence omniprésent mais confortable. Deux gens amochés qui ne se demandent rien d'autre qu'un morceau de peau contre lequel se serrer. Qui se font taire à grand coup de corps qui se couchent sur vous pour étouffer les paroles dures.
Deux êtres drastiquement différents qui s'attiraient jusqu'à ne plus passer une nuit l'un sans l'autre.
Mais jamais de sexe. 
Une confiance totale, naturelle et irradiante, mais sans valeur aux yeux des autres. Et dieu sait que dans notre monde, on ne peut pas être deux sans les autres.

Puis Damien est venu se greffer à la grosse rupture d'avec le Premier, un garçon sans coeur et sans reproche, puisqu'il est sorti de ma vie sans discussion, sans sommation, sans véritable raison. La colère suprême d'un Rootless Tree dans les rues de New York, où j'étais seule et dans les limbes de ma vie. Comment faire pour revenir et reprendre le cours de tout quand rien n'a de sens ? Quand on peut vous déserter aussi vite que cela ? Quand, pour la personne que vous aviez tant attendue, vous n'étiez en fin de compte qu'une erreur de casting ?

Alors oui les gens sont là, même s'il sont dans l'incapacité totale de comprendre la profondeur du ressenti, de la trahison que la vie même commet à votre encontre. Quand on s'ouvre, le coeur vaillant, à un autre et que l'espoir est invariablement broyé. 
Dans ces cas-là, qui sont réguliers chez moi, seuls des gens aussi rares qu'un irlandais à guitare et sa voix peuvent faire sens.
Damien est un des hommes de ma vie, parce qu'il est là, et qu'il parle ma langue, avec des fautes de grammaire, mais dans la compréhension la plus totale.

Ce n'est pas la musique qui transcende, mais la personnalité de l'autre qui s'impose à travers elle, alors qu'on n'était pas sensés se croiser.

Parfois, je me dis que j'aurais moins compris l'Art si la vie ne m'avait pas autant meurtrie.

dimanche 19 juillet 2015

I don't need to sell my soul



[He's already in me]

Les longues marches dans un Paris déserté restent le seul avantage de cette fournaise quotidienne.
Avoir le temps, c'est aussi explorer. Prendre une route jamais envisagée avant parce que biscornue ou rallongeant le chemin, pas assez efficace en somme.

Se réfugier au cinéma jusqu'à ce que les éléments daignent redevenir vivables, laisser tout l'air et l'espace au chat mourant de chaud dans son manteau perpétuel. 

Rêver d'échappées, planifier du tangible, du plaisant. J'essaye de donner un sens, de paver ma vie de buts.
Depuis 10 ans que je vis (enfin) seule, ça a toujours été ainsi : vivre pour le voyage, le concert, le festival qui va pointer son nez et justifier d'endurer le reste.

Mes amis gobent un peu trop vite ma comédie de la fille arrivée qui a des social skills, au moins le minimum. Mais c'est une torture extrême que d'avoir à fréquenter des gens, beaucoup de gens, dont je n'ai pas choisi la présence dans ma vie. 

C'est pour ça qu'au final, renoncer à cette quête Don Quichottesque d'un autre spécial est sans doute la décision la plus sensée que j'ai pu avoir.

Je ne renonce pas à la fréquentation des autres, j'aime l'humain par dessus tout, c'est ce qui me fascine : le vivant, en opposition au reste, que j'aime tout autant. C'est juste plus simple, pour moi, d'être entourée de morts, leur mode de communication est plus adapté à mes skills. Je réfléchis toujours à me reconvertir en gardienne de cimetière.

Les vivants répètent inlassablement des schémas et n'apprennent jamais. Ils bougent beaucoup mais n'avancent pas. Ils détruisent mais oublient bien souvent de reconstruire.

Je n'ai jamais joué avec les mêmes règles du jeu que mes contemporains, d'où l'exclusion tacite dont je fais l'objet et la fascination extrême que je peux provoquer en même temps. 

Ce n'est pas que je n'aime pas être en compagnie de quelqu'un, c'est juste que l'humain me fatigue, que les intérêts de chacun ne s'accordent jamais assez bien pour mon perfectionnisme mental. Qu'il y a toujours quelqu'un pour crier, exiger, imposer, prendre à un autre. 

Ma vie sauvage me va bien. Surtout depuis que je ne suis plus vraiment une jouvencelle et que les regards ne s'attardent plus trop sur moi. Personne ne vient plus trop me faire chier, et j'ai développé des techniques particulièrement efficaces pour semer ceux qui s'aventureraient dans ma bulle. 

Je n'ai pas grand chose à faire sur votre Terre, puisque tout ce pourquoi je suis douée m'est rendu inaccessible par d'autres humains. J'ai un énorme potentiel gâché et une fatigue qui, désormais, me fait renoncer à batailler ferme et à me prendre des murs.
Je les rase en attendant que ça passe.

En attendant que Damon, Damien, Carl ou le Phantom viennent raviver le peu de flamme qu'il me reste. Je me sens très vieille à 27 ans, et je ne vois pas pourquoi vous insistez autant pour que je resigne pour autant.
Il n'y a pas de place pour tous dans ce monde moderne, il serait temps de l'accepter.

jeudi 9 juillet 2015

I say run little monster, before you know who I am




Ca faisait longtemps que je n'avais pas eu de crise existentielle. De jours qui se succèdent où j'ai très envie de répondre "Non, pas trop" aux "Ca va ?" qui n'en pensent rien de mes accointances. 

Un petit vieux - j'adore les petits vieux - sur un banc du lac de Daumesnil m'a demandé ce que faisait mon bien-aimé, je lui ai dit que je l'ignorais, il m'a alors désigné des joggeurs en essayant de me les vendre et je lui ai répondu "Ceux-là il faut déjà les rattraper, c'est pas gagné...". 
On a conclu tous les deux qu'avec l'augmentation des divorces et séparations, il valait encore mieux attendre avant de se décider. Il m'a dit que le plus important c'était qu'il ait une bonne situation, il m'a conseillé de déménager dans un endroit où il y a une caserne de militaires, parce que c'est une bonne situation militaire, et qu'ils cherchent souvent, même si on a déjà eu un mariage avant.

J'ai laissé le pépé et son écharpe, malgré les 28°, je lui ai souhaité une bonne journée, et je suis allée voir les animaux de Vincennes, qui, eux, n'avaient pas d'avis sur la question. 

Il faut se méfier des certitudes. Par exemple, moi, j'étais persuadée que si je bloquais dans tous les sens, dans ma vie, c'est parce que je n'avais pas de significant other. Et que si je n'en avais pas, c'est parce que je n'en rencontrais pas. 

J'en ai rencontré pas moins de quatre, ces dernières semaines.
Alors oui, il y a eu le classique "il me plait bien, mais pas moi", que je connais par coeur, mais, plus flippant, il y a eu un "oh putain, je passe un super moment, mais il y a rien du tout, aucune attirance, absolument pas l'ombre d'une aile de papillon dans mon ventre", un "tu pourrais être si séduisant si tu arrêtais de dire que tu n'y connais rien à rien alors que manifestement SI." et finalement un "OHMYGOD il vient de qualifier son patron de juif grippe-sous qui en fout pas une et s'envole pour Israel dès qu'il peut, de défendre la pédophilie et de me confier l'euthanasie de sa mère-grand lors de notre premier rencard".

J'ai compris que je perdais trop d'énergie pour pas grand-chose. Mon coeur, mon corps et mon cerveau savent en un quart de seconde quand ils veulent quelqu'un. 
Tout est un peu trop clair, d'ailleurs. Comme une série de mini coups de foudre qui ont ponctué ma vie. Un instinct implacable qui te tombe dessus et ne te laisse pas penser à autre chose.

Les casées autour de moi froncent les sourcils et se disent que je devrais persévérer. Ce n'est juste pas moi de me forcer à. De faire de la place dans ma vie pour accueillir quelqu'un qui n'est pas évident. 

Parfois je me dis que je suis allée trop loin dans ma course à la dépendance, que je suis en auto-suffisance, et que ce qui me manque, c'est un rêve inatteignable, un fantasme en rien comparable avec les vraies relations autour de moi qui ne sont que déceptions quotidiennes, compromis, crispations, trahisons et mensonges. 

Pour supporter tout ça, il me faut l'évidence, il me faut la transcendance, le frisson gigantesque dès le départ. Après lui, je suis prête à tout, capable d'énormément. Sans lui, je rentre sans scrupules forcer mon chat à me faire un câlin et continuer ma vie d'amazone des temps modernes.