jeudi 16 février 2012

The devil's on your back but I know you can shake him off


Depuis septembre dernier, depuis que j'ai ce job, j'ai commencé à compter les mendiants et autres SDF que je croisais tous les matins.

Mon itinéraire habituel est simple : 25 minutes, deux lignes de métro, une rue à traverser pour le prendre, à peine deux mètres pour atteindre mon bureau à sa sortie. 

Au départ, il y avait la vieille folle de ma bouche de métro de départ. La meuf qui est là qu'il neige, qu'il vente, et qui dit des trucs incompréhensibles, toujours debout, le teint rougeot à héler les passants en souriant bêtement. Elle ne réclame pas d'argent. Est plus ou moins propre sur elle. N'est là que le matin. Je m'étais dit que quelqu'un finirait par l'embarquer, mais, comme elle ne fait rien d'illégal ou de dangereux, ça fait 6 mois que le manège continue. 

Et puis il y a eu l'invasion de roms. Un matin, je me suis réveillé, et il y en avait devant chaque boulangerie de mon quartier, et dieu sait qu'elles sont nombreuses, les boulangeries de mon quartier. Ils sont plutôt malins, ne viennent jamais les jours de fermeture et alternent, les uns remplaçant les autres, comme si, nous, les passants, n'allons pas faire gaffe que la mémé de la veille était une jeune fille le lendemain. 

Il y a les électrons libres, ceux qui parcourent les rames de métro. J'en croise au moins un par jour, la moyenne étant de deux, souvent équipé d'un instrument dont il ne sait absolument pas jouer. 

Il y avait le mec de la place. Jamais là le matin mais toujours le soir, à roupiller en serrant tendrement sa bouteille vide. Lui a été viré il y a peu après des travaux de réfection du préau où il logeait. Depuis, il est remonté dans la rue que j'emprunte, et je le croise à nouveau tous les soirs. Mais c'est moins passant et je me dis que son chiffre d'affaire a du prendre un coup dans l'aile. 

Et puis il y a eu les grappes de SDF qui ont du comprendre que l'union faisait la force, avec des tentes, des chiens, des enfants, et des cafés chauds à la main, sur le parvis du centre commercial le plus proche de mon bureau. Ceux là ont pleine vue sur la boulangerie où j'achète mon petit déjeuner tous les matins - ils sont souvent attablés, ils ont aussi pleine vue sur l'entrée de l'immeuble où je bosse, là où, les gens qui fument s'en grillent une. 

Je suis sortie, un midi, bloquée dans le tourniquet par des collègues qui se déplaçaient eux aussi en grappe - je suis un loup solitaire, y compris au boulot, surtout au boulot. C'est là que j'ai aperçu et entendu une chose qui m'a laissée pantoise. 

Une femme qui travaille manifestement comme éditrice dans mon immeuble mais que je ne connais pas personnellement, fumait sa clope en compagnie de collègues à elle, le rire tonitruant de l'éditeuse qui va bien, le jeté de tête en arrière pour marquer l'hilarité de ce qu'elle vient de dire et, surtout, dans sa main gauche, une coupe de champagne en plastique, remplie à ras bord. 

Prise en tenaille entre mon regard et celui du paquet de SDF, elle aurait été pourtant incapable de se sentir fusillée. Imperméable au monde, elle se foutait de la crise, elle était éditrice, jusque sur le trottoir, et elle buvait du champagne, à 12h et des poussières. J'ai fini par déscotcher mon regard et tourner les talons, l'entendant beugler à quelqu'un qui venait de la rejoindre "nan mais toi, ça te choque pas, hein ?".

De septembre à maintenant, je suis passée d'un ou deux SDF quotidiens à 6 ou 7. On ne peut pas dire que je sois particulièrement généreuse. Vous imaginez, avec mon salaire, si je filais un euro à chacun ? Alors du coup, je donne peu. Souvent parce que j'ai pas le temps, pas de pièce sous la main, toujours une bonne raison. Je ne donne pas, ou peu, mais je les vois, je sais qu'ils sont là, je les entends, je connais leurs habitudes, ils font partie du paysage urbain, de mon environnement et, forcément, de mon univers...

...et j'aimerais vraiment que l'un de vous m'en fasse la remarque si, un jour, j'étais incapable de vous dire combien d'entre eux j'ai croisé, si vous me surprenez, avec un rire tonitruant de connasse fière d'elle parce qu'elle a vendu 5000 morceaux de papier reliés dix fois trop chers à des gens qui n'ont pas vraiment les moyens de se les offrir, une coupe de champagne à la main, en plein milieu d'une journée de travail, à même le trottoir.

lundi 13 février 2012

Got shackles on, my words are tied

Fear can make you compromise
Fasten up, it's time to hide


  ...Sometimes I want to disappear

 Tu t'enfermes deux jours à l'extérieur du monde et rien ne va plus. 

J'ai été très seule, très longtemps. Toute seule. Sans personne. Même pas une noix de coco taillée. 

C'est à ce moment que les troll de service ou les gens plein de bons sentiments (ce sont souvent les mêmes, j'ai remarqué) te servent "mais tout le monde est tout seul". 

Oui, sauf que tout le monde ne le remarque pas, et tout le monde ne le remarque pas pendant aussi longtemps que je l'ai remarqué. Je me suis noyée dans cette solitude, elle m'a attaqué le cerveau et maintenant que je m'en suis éloignée... elle me manque.

Je n'aurais jamais cru ça possible. Demandez à la moi de 12 ans et demi. 

Alors parfois, quand être trop connectée me pèse, je fous un coup de pied dans la fourmilière, je verrouille la porte à double-tour et je mets mon cerveau en pause. Ce qui consiste à, généralement, regarder un écran non stop, mais sans toucher au clavier.

Alternant entre jeux vidéos et séries en tout genre, je n'entends ni ne vois plus rien d'autre. Répondre aux textos, au téléphone, aux notifications est un geste qui demande plus de force qu'une série de 100 pompes dans ces moments là.

J'ai quand même fait une exception. J'ai consacré 20 minutes de mon temps à quelqu'un d'autre (il est clair que je n'aurais jamais d'enfant : c'est mon quota maximum les jours de week-end). 

Cette perturbation dans mon week-end d'autiste m'a fait réaliser une chose : je me suis auto-calibrée pour ne plus rien sentir. Car quand je ressens, je ressens trop, trop fort, trop vite. Alors j'ai opté pour la solution radicalement inverse.

Je déverse mon stock de pleurs devant les séries calibrées sus-citées, je prends des grosses doses de joie artificielle en concerts, au théâtre, au cinéma. Je vis mes aventures en simulation, épée à la main. 

Mon job n'est pas éditrice, mon job est de faire semblant d'appartenir au monde le reste de la semaine. De faire semblant de parler leur langue, de partager leurs codes. D'être comme eux. 

Quand j'avais 6 ou 7 ans, je prétendais à qui voulait l'entendre que j'étais au choix l'une des trois soeurs extraterrestres laissées sur Terre par leurs parents (l'une était particulièrement odieuse et c'est à elle qu'incombaient mes colères et caprices de gamine). Je crois que même si je n'ai plus d'explication aussi fouillée, je suis toujours cette extra-terrestre.

vendredi 10 février 2012

Horses cannot talk

 Hier, je voulais publier une note vous narrant mon année musicale, parce que j'estime ne pas vous avoir assez ennuyés avec ça.

 Hier, je n'aurais pas pu vous montrer cela :

Et c'est signé par deux de mes idoles, les gars de We are scientists

Vous connaissez mon amour pour Wilde, pour les poneys et pour les rockstars (well, vous connaissez mon prénom, aussi, maintenant)(et je sais qu'apprendre que je ne m'appelle pas réellement Heights, ni Johnson d'ailleurs, vous fera une sorte de fussoir, mais c'était pour la bonne cause du slapettism).
Mon année musicale a été forte en "rayons les noms sur ma checking-list des groupes à voir avant d'être bouffée par les vers".

 Les Strokes, bien évidemment. Si les Libs ont été mes beatles, mes Rollings stones étaient la bande à Jules Casablancas. Pour trouver l'équilibre musical il fallait que je les voie avant qu'ils ne se séparent, et j'avoue que ce 20 juillet restera comme un concert épique. Où j'aurais aimé leur faire plein de reproches mais je ne pouvais tout simplement pas. A part ça : trop court, beaucoup trop court.

C'est un peu la même chose avec le concert des Arctic Monkeys de samedi dernier. Alex n'a plus vraiment de charme aussi bien physiquement que dans le maniement de sa plume. Il veut devenir une légende du rock un peu trop vite, et sans passer par la case OD, grand bien lui fasse, mais le "nouveau look pour une nouvelle vie" lui va si mal que sur scène, il était dépassé dans tous les sens du terme par ce chien fou de Miles Kane. Clairement moche. Si. Mais avec tellement de charme, de présence et surtout de joie et d'envie qu'il a balayé son pote. Mais Alex qui chante Do me a favour et 505 restera un grand moment. Surtout pour mon utérus qui a envoyé la demande chimique à mon cerveau de lui faire des quadruplés dans l'instant. Ou alors était-ce lorsqu'il a lancé "Ladies" avant I bet that you look good on the dancefloor.

Il y a eu le magique Neil Hannon. Qui, tout seul ou presque, a conquis les parisiens les plus blasés le temps d'une nuit à châtelet. Il faisait partie de la liste. Il fera, je crois, toujours partie de la liste. 

Il y a eu les Kooks en septembre dernier, à la Flèche, et rien que ça, je n'osais en rêver. Un Luke Pritchard à l'encontre de tout ce que l'on peut lire sur le net à son propos. Un peu ballot et sûrement un peu concon, peut-être, mais un mec dispo et toujours prêt à faire plaisir à son public. Généreux et talentueux.  Je ne demande pas à tous mes musiciens préférés d'être des génies transcendantaux. Pas à tous.

Il y a eu la déception IamX au Divan en octobre, Chris a peut-être perdu une de ses plus fidèles fidèles. Mais je continue d'aduler son travail en studio, et je ne demande pas à tous mes musiciens préférés d'être des génies scéniques en renouvellement constant. Pas à tous.

Il  y a eu Shaka Ponk trois fois. D'abord aux Solidays, au tout début de l'été, puis devant la mairie du 3ème en plein milieu de l'été, puis en plein hiver, le 25 novembre dernier, et c'est cette date que je retiendrai d'entre toutes. Parce que là non plus, même si je m'y attendais un peu, en fait non je ne m'y attendais pas, voilà, j'ai vu Bertrand Cantat sur scène. J'avais même pas osé le mettre dans la fameuse liste. Je ne demande pas à tous mes musiciens préférés d'avoir un casier judiciaire vide. Je crois que je n'aurais plus de quoi aller voir des live. D'une manière générale, j'apprécie vraiment plus les Shaka pour me réchauffer en période hivernale que pour me faire danser tout l'été, j'en suis la première surprise. De toute façon, ils sont tellement intelligents qu'ils arrivent à me captiver all-year-long. Et ça, c'est pas donné à tout le monde (REP A SA Robert Francis*).

Il y a eu Kill the young. Ma revanche sur la vie. Un moment de décompression et de libération absolue. Je ne sais pas, je suis fière d'eux, alors que je ne les connais pas, que je ne les ai jamais approchés, que c'était la première fois en live, mais je me suis sentie aussi proche d'eux que d'un groupe de potes. 

Et puis la soirée Black XS, du beau monde, Miles Kane encore, la découverte de Morning Parade et de ma chanson de l'année (Under the stars) et l'évidence Foster the people.

En plus de Solidays, et des Klaxons (enfin !), et d'Iam (enfin !!) et de Moby (si si, bondir avec 100 000 personnes pieds nus dans l'herbe au soleil couchant, ça n'a pas de prix), il y a eu Rock en Seine et la découverte de The Horrors et d'un Faris à suivre. Le monumental concert magistral d'Archive dont les aurores boréales au dessus du parc de Saint-Cloud resteront gravées sur ma rétine. Et puis Deftones, Interpol, 1/3 de Nirvana... et les Arctic, déjà. Et Miles, déjà. Assise dans l'herbe avec plongée sur le concert et son public comme des fourmis excitées, un, puis deux, puis trois verres de champagne à la main. 

J'oublie sûrement quelques dates. Je me désole de n'avoir que deux concerts prévus dans les mois à venir, surtout que ce sont des redites ; Foster the people & Shk Pnk (oui mais c'est leur Olympia...). Le chanteur de The Rapture chante trop faux pour que je m'aventure seule à un de leur concert. Les noms ne me viennent pas spontanément. A part Rufus Wainwright, que je n'ai toujours pas vu. J'aimerais voir Ed Harcourt, si, et Tom McRae, mais ils se font rares. Laisser une chance sur scène à The naked and famous (ratés à Rock en Seine et à la Flèche). 

La dernière grosse rature sur la liste sera quand je serai posée dans le Gerschwin Theater, à Broadway, à New York, à les Etats-Unis. Because I'm gonna see WICKED bitches ! 

Alors oui pour vous, c'est peut être sacrilège de conclure une note comprenant autant de grands noms par une comédie musicale kitsch, mais pour moi, dieu sait que ça veut dire beaucoup.

Et parce que je suis partageuse, voici la playlist des titres que j'ai passé en boucle dans mes écouteurs, comme une forcenée, pendant que je chômais, je corrigeais, j'éditais... http://grooveshark.com/playlist/Heights+Johnson+s+Playlist+2/67053653

*On parie combien qu'il est en désintox ou mort dans un caniveau sans que personne n'ose nous le dire ?