lundi 18 juillet 2011

On the (straight) edge

"My greatest regret... Not knowing what I had when I had it."

Le plus grand regret de Carl B. est ma plus grande peur.

Dans tout ce que j'ai vécu d'un peu extraordinaire (et côtoyer Carl B. en fait ô combien partie), j'ai toujours pris un moment pour reculer (physiquement et mentalement) de la situation et tenter de réaliser ce que je vivais.

On me l'a pas mal reproché aussi, les gens avec qui je vivais ces moments trouvaient très lourds mes "tu t'reeeends compte !" qui étaient pourtant d'une importance primordiale. Il fallait que je m'assure de l'extraordinairité de la chose pour mes proches aussi. Qu'ils n'oublient pas, qu'ils fassent une photographie sensorielle du moment parce qu'il serait vite fini.

J'ai ce besoin d'infini clarté de l'esprit, et j'en parlais il y a peu avec quelqu'un qui a embrayé direct sur "mais, hey, toi la végétarienne, tu connaitrais pas des Straight Edge ?". Des Straight what ? J'ai failli de pas avouer mon inculture et répliquer que si j'avais certes pas mal d'amis gays la plupart étaient straight quand même. Mais j'ai quand même demandé, histoire de ne pas mourir idiote.

En (très) résumé il s'agit d'une "philosophie" dérivée du Punk, où le but est d'avoir l'esprit le plus clair possible, pour y arriver : on ne fume pas, on ne boit pas, on ne se drogue pas, on mange à peu près sain et on ne fait pas du sexe pour faire du sexe. Et on écoute du punk hardcore.

Autant vous dire que je me suis reconnue tout de suite (oui non je sais que l'alcool est un gros détail qui cloche, mais un détail qui s'estompe petit à petit).  

Alors non je ne vais pas rentrer dans une secte mais ça fait plaisir, parfois, de savoir qu'on n'est pas seul au monde. A l'heure où on passe à côté de tellement de chose quand on ne descend pas faire de pauses clopes. Où on se sent très seul quand tout le monde est high en soirée et pas nous. Où, quand on arrive dans un bar, je suis parfois la seule à ne pas trouver avec quel étranger je vais rentrer cette nuit. Où, finalement, on me regarde de travers parce qu'il me reste des principes. Une retenue. Une distance. Où, ne pas se jeter à corps perdu dans le moment présent est vu comme un crachat à la face de la jeunesse.

J'archive, au fur et à mesure, cette jeunesse, en temps réel, je calcule, beaucoup, les conséquences d'un acte potentiel, tout simplement, aussi, parce que je ne peux pas me permettre de sauter dans la masse sans sécurité. Parce que j'ai bien conscience, et depuis longtemps, que les dommages sur moi seront plus importants. Qu'une écorchure chez les autres est vite une fracture ouverte pour moi.

Un ancien groupe d'ami m'avait vite cataloguée comme auto-destructrice, alors qu'en fait je passe ma vie à tenter de me protéger. Je réussis habituellement un peu trop bien, mais quand il y a des ratés, ils sont sévères. Je ne sais pas ce qui vaut le mieux. Je ne sais pas si je dois changer quoi que ce soit.

Mais je veux retrouver cette connaissance universelle que j'avais l'impression d'avoir, et virer les nuages de mon cerveau.






vendredi 15 juillet 2011

Drive


On my way back to Normandie, où m’attendent, as usual, le baldaquin, la terrasse, la Seine, au pied, mais plus le chat. Faudra s’y faire. Bye Lucifer. 

Je ne suis rentrée qu’un minimum depuis sa mort, je ne sais pas si ça se voit. Là, il était temps.
D’une part parce que ma garde-robe entière y est passée et que je n’ai plus rien à me mettre à Paris. SOS-maman-lessive. Un des seuls segments de ma vie pour lequel je ne suis pas indépendante. Well, il en faut bien un, pour avoir une raison de revenir. Et ma raison à moi ne sera jamais le lien qui m’unit avec mes parents. 

Ami d’enfance était plutôt surpris que mon père me traite d’enfoirée, très fort et très publiquement, la semaine dernière. Et, connaissant mon caractère, s’est étonné que je ne me lève pas pour lui en mettre une. Ou au moins que je l’ouvre. Mais non. Je n’ai pas relevé, parce que dans la bouche de mon père c’est presque un surnom sympathique. C’est vous dire le tableau. Là-dessus, ami d’enfance enchaîne sur le fait que mon daron aurait été un formidable seigneur féodal. Ouais. C’est à peu près ce qu’il a fait étant donné qu’il était patron. Patron. Tu vois le truc qui veut tout et rien dire et que tu rames à expliquer la profession de ton père à chaque rentrée des classes. Le mec qui rentre à pas d’heure quand t’es déjà couchée et qui part au boulot avant que tu te lèves ? Ouais celui-là, qui trouve ça anormal que tu le traites comme un étranger après et qui te coupe les vivres pendant toute ta fin d’adolescence. Puis, ami d’enfance enchaîne sur ô combien ses yeux sont bleus, et que c’est dommage que le reste autour gâche tout. 

Ouais le sourire carnassier, la structure osseuse massive et l’implantation de cheveux anarchique. J’ai eu tout ça. J’ai eu les yeux aussi – consolation prize. 

Je crois que si j’ai fait des études de communication (oui, une fois pour toute, je suis diplômée de Lettres modernes techniquement et de métiers du livre dans les faits mais je n’ai jamais foutu un pied à la fac comme vous l’entendez, et j’ai l’équivalent d’un bac+4 en infocom) c’est avant tout pour ça. Comprendre dans quel bin’s j’ai pu être élevée. Dans ma famille recomposée d’amis rapiécés, on me dit sans me dire que j’ai aussi un sérieux problème de communication. Que je baisse les yeux souvent, que j’ai l’air ailleurs, et surtout en face des garçons. Des garçons pas gays, évidemment. 

Mon autisme des relations humaines réelles m’a causé pas mal de problèmes dans le boulot où je suis et dont le contrat (merci Jésus, Bouddha & Bob l’éponge) s’achève vendredi prochain. J’ai trouvé, l’espace de 5  ans, la réponse dans l’alcool, médicament magique qui me faisait dire aux garçons qu’ils étaient beaux et que je les aimais. Plus pour me débarrasser de ça que pour obtenir quoi que ce soit d’eux (non, quand il y a un risque de relation possible, je ferme ma gueule, c’est bien connu). Cette période est finie, plus parce que mon corps m’a dit stop que parce que je l’ai décidé, mais si Carl peut continuer à boire avec son pancréas foutu, je ne peux pas imposer aux autres le fait que j’ai perdu mon modjo de normande qui tient l’alcool au profit d’un cerveau joueur et de nerfs trop à fleur de peau. 

Il va donc falloir que je prenne mon taureau intérieur par les cornes – ou que j’essaye la drogue. Et que je trouve des solutions pour communiquer autrement. A jeun. Dire des trucs pas trop à côté de la plaque et ne pas tomber dans la misanthropie dès que quelqu’un me juge sans me connaître, parce que, c’est vrai que quand je l’ouvre, je trouve des gens biens.

Mais jamais de garçons hétéros célibataires. Non jamais de garçons hétéros célibataires.

mercredi 13 juillet 2011

I will love you someday and maybe today

C'était un été au goût de chlore.

U&I de Pure Orchestra passait sur toutes les chaînes, car, oui, pendant mon adolescence, la musique se regardait. Et cela donnait le ton. Un des étés les plus longs de ma vie, avant ou après être passée encore une fois par la case USA, je ne sais plus, il faudrait que je remette la main sur mon vieux passeport.

Mon premier été avec un semblant de liberté, pas muselée dans ma chambre ou encerclée par les barrières en ruine du jardin de cette maison moisie.

J'étais en plein traumastisme du collège, mais le plus dur était derrière moi. J'avais une nouvelle alliée, une amie de primaire qui avait déménagé et était revenue sans rien savoir de mon nouveau statut social de paria. Une fille jolie dans l'ombre de laquelle je pouvais me cacher tout l'été, parce que les garçons ne m'embêteraient pas de peur de se griller avec elle, et parce que les filles étaient trop occupées à jauger la nouvelle concurrence.

Assises sur un banc en attendant que la piscine ouvre, je lui parle du collège, mais pas tant que ça. On parle beaucoup de mort, de ce qui est pire, de pourquoi on n'aime pas nos pères. Je l'aime bien, même si, au fond de moi, je sais que ça ne va pas durer longtemps, dès que la rentrée sera arrivée, elle se rendra compte de la supercherie et ira vers la lumière.

Un été où, avec 5 francs, on pouvait se payer l'entrée à la piscine et des bonbons en revenant - j'aime pas les bonbons en général, mais les bonbons à l'époque, ça achetait l'amitié.

C'était un été où je n'avais pas encore conscience de l'âge adulte qui me guettait - le dernier.

Un temps qui oscillait, assez lourd pour que mes parents me houspillent hors de la maison vers cette piscine communale où s'entassait toute une génération. Un été qui coïncide avec ma lente migration vers une autre chambre que la mienne, celle délaissée 6 ans avant par une de mes soeurs, celle qui abritait l'ordinateur. Je savais déjà que cet objet serait la clef.

I will call you someday, I will find you one day... Mon anglais rudimentaire me suffisait à comprendre le sens des mots. Je pense qu'à l'époque je croyais infiment aux messages de la French Touch. Que je trouverai le "you" de Music sounds better with you et que ce "you" me dirait forcément quelque chose comme As we dance by the moonlight, can't you see you're my delight ?. Qu'il me le dirait one day, qu'il me le dirait someday.


mardi 12 juillet 2011

Darwin smiles

La personne à côté de moi quand je me réveille change tous les jours ces temps-ci.
Les gens tournent, et je ne sais plus à qui j'ai raconté quoi, comme une menteuse qui s'embrouillerait dans ses mythes, je ne parviens plus à démêler ma propre histoire.

Je vis donc par instinct et sensations du genre "si moi rentrer maison moi déprimer, alors moi prendre le 1er bus qui passera et advienne que pourra".

Mon quotidien c'est d'écarquiller les yeux sur un écran d'ordinateur et l'absurdité du monde du travail qu'il représente. Je veux un boulot où la planque serait toute trouvée : dans les livres qu'on me donnera à lire, et les moments de too-much émotionnel, je claquerais la porte du bureau et me réfugierais dans un manuscrit.

Je sais à peu près ça, pas grand chose d'autre.

Je ne m'inquiète pour personne - pour Mémé, un peu - mais certainement pas pour moi.

J'ai ce garçon hypnotique pour me bercer le regard quand je n'ai vraiment plus rien à faire.

A force de combler mes blancs par la présence des autres, j'ai quand même ressenti à nouveau des choses. Une grande bouffée d'adolescence vendredi/samedi, encore meilleure qu'une ascenscion de sommet alpin question oxygénation. Et quel meilleur endroit que le musée des Arts Premiers pour une régression totale.

Être n'importe quoi, il n'y a qu'avec l'ami d'enfance que je le peux encore.

Et cette nuit, une planification de voyage qui aurait dû se faire sous la couette, mais finalement pas (trop chaud, beaucoup trop chaud), des éclats de rire jusqu'à tard, très tard. Des "ça c'est vraiment Pragois" sur tout et n'importe quoi.

Plus tôt, se prévoir un week-end à Dublin à l'arrache, autour de verres en plastique au contenu douteux dans un bar gay qui sent les égouts. Un bar, des barres, mais je me suis tenue.

La musique comme fil conducteur. Ma planque la plus invisible. Je t'entends pas j'ai mes écouteurs. Comme réponse à toutes les agressions du monde. Sa musique à lui, Lion à moustaches, new man of my life, pour combien de temps ? We'll see... La musique du dernier album de Kill the young. Le souvenir de cette connasse qui avait oublié de me prévenir qu'ils partaient acheter les billets, et bien sûr, ils distribuaient un billet par personnes, tout ça pour pécho un pote en commun. Vieille histoire qui a déclenché une guerre froide, longue et m'a révélé à quel point je pouvais être rancunière et manipulatrice.

Mais ce souvenir amer des KTY s'est effacé la semaine dernière, devant la mairie du IIIème quand le ciel s'est écarté devant la musique, la foule, l'été. Rose. Bleu. Violet. Paris.
De groupes d'amis en groupes d'amis, je sautille, j'ai l'impression que personne ne pourra me retenir dans cette fuite en avant éternelle. A part la musique. La saison des festivals me fait plus de bien que n'importe quel médicament.

Médicament.
Et cette question lancinante "t'as des médocs alors ?". Fuite en avant.

Je ne bois plus, je ne peux plus boire, ça tombe bien, ce job qui a failli me faire sombrer dans l'alcoolisme est terminé dans 8 jours. Symbôle.

Si je cours assez vite, je ne verrai ni ma mort arriver, ni celle des autres, ni la fin de toutes ces autres choses que je double mentalement et qui sont loin derrière quand je réalise que je les ai dépassées.


lundi 11 juillet 2011

Puta Madre

"Non mais non mais non, Ozy tu me lâches, je te dis que je pars avec lui. C'est fini entre nous (juqu'à ton prochain film), je le préfère, il sourit tout le temps vois-tu, il est joie de vivre et il a les cheveux mi-longs comme j'aime. Et propres. Non je dis pas ça pour toi. Mais pour un batteur de rock, les cheveux mi-longs ET propres tu vois c'pas évident. Non mais je saiiis que t'es le mec le plus intelligent du monde et que lui il a pas fait le lycée mais lui on dirait qu'il a du maquillage alors que même pas. Qu'est-ce que tu dis de ça. Et puis, et puis, il a un prénom trop cool, t'avoueras. Non mais siii Ozymandias c'est cool mais en fait tu t'appelles Adrian, on le sait. Oh et m'envoie pas un de tes animaux zarb' pour essayer de me retenir, lui il a un singe. UN SINGE. Ouais. Je t'ai parlé de son sourire ? Et de ses moustaches ? Non parce qu'une fille se doit d'être avec un mec à moustache, c'est la nouvelle trend. Oui parce que le côté cape et collants super héros toussa c'pas très estival. Alors que lui il est torse nu tout le temps. Et il peut se le permettre hein. Mieux foutu qu'Antinoüs même. Mais tu pouvais paaaas lutter, lui il est réel. Genre je l'ai déjà vu en vrai. Deux fois. Je t'ai parlé de son sourire ? Oui ? Oh. Et puis il fait du skate et du surf et du snowboard, et ça c'est classe. Parce que ça comblerait mon manque de "petit ami du lycée", toi tu fais plutôt "âme soeur torturée" dans le genre. Mais c'est bien aussi, et ça se trouve, je reviendrai vers toi... à l'occasion. On s'appelle."

vendredi 8 juillet 2011

Image de soi & image publique

Je n'ai ni l'inspiration, ni le temps, ni l'argent (?) de vous poster quoi que ce soit de viable pour le week-end, alors voici, retrouvé dans ma clef usb préférée (que je viens d'éclater) mon devoir de M2 sur l'image de soi. Enfin, la partie la moins foutraque. Pourquoi le poste-je ? Parce que si certains d'entre vous ont déjà lu mes travaux estudiantins, ce n'est pas le cas de la majorité et, il est utile de voir à quel point mon style est différent pour comprendre ma schizophrènie scripturale. Sur le fond, même si j'ai tourné le papier pour plaire à une prof un peu spéciale, il éclaire pas mal ma vision du rapport de l'homme à son reflet et donc, par conséquent, et je concluerai par ceci nonobstant : de pourquoi je blogue.


« L'amour de soi est une idylle qui ne finit jamais. »

[ Oscar Wilde ]

« Il ne faut regarder ni les choses, ni les personnes. Il ne faut regarder que dans les miroirs, car les miroirs ne nous montrent que des masques. »

[ Oscar Wilde ] – Entretiens

« L’image » dans mon XIème siècle, est principalement devenue l’image de soi.

Grâce au développement technologique, l’être humain a pu s’observer lui-même avec de plus en plus de minutie. Des miroirs antiques en métal poli à nos webcams actuelles, l’homme n’a cessé de mettre son ingéniosité au service de son reflet.

Jamais à cours d’idée, il a même inventé la télé-réalité, sorte de mise en abime de téléspectateurs regardant d’autres téléspectateurs se regardant eux-mêmes.

L’être humain a cet avantage sur la plupart des autres espèces animales qui est de pouvoir reconnaître sa propre image, et celle-ci n’a eu de cesse de le fasciner à travers les siècles.

Plusieurs thématiques sont nées de cette obsession : l’éternelle jeunesse, le culte de certains canons de beauté…

Et plusieurs supports de diffusion de cette image se sont développés, notamment dans les médias.

Mais qu’est-ce que l’image de soi ?

Est-ce cette photo d’identité que l’on nous demande de prendre le visage dégagé, l’air neutre et la tête droite ? Cette image à environ 80 centimes d’euros qui déterminera si oui ou non on se fera fouillé plus avant aux postes frontières ?

Ou bien la photo de vacance, prise après avoir passé cette frontière, grâce à la photo d’identité – ce laissez-passer. La photo oisive, particulièrement mise en scène, le film de vacances, où l’on se doit d’être souriant et heureux. L’image comme preuve de ce moment bonheur en devient l’ordonnatrice : la caméra tourne, souriez les enfants ! C’est à ce moment là qu’il faut montrer sa joie, parce que c’est à ce moment là que cela enregistre. Peu importe le reste. Peu importe ce qui se passe en dehors du champ.

Est-ce le portrait ? A l’ancienne, en peinture, en sculpture, à la Napoléon ou à la mode nouvelle : plus graphique, à la Barack Obama .

Si, oui, avons-nous affaire à la démocratisation de sa propre image ?

Quand, pendant longtemps, la majorité de la population ne pouvait s’offrir le marbre de la statue ou le talent du peintre, elle est maintenant en mesure d’utiliser des outils graphiques à la portée de tous. De modifier sa propre image. D’effacer elle-même ses rides numériquement et de diffuser dans le monde entier une image modifiée de celle qu’elle offre au naturel.

Seulement, est-ce pour autant une « fausse » image ?

Cette image modifiée étant celle choisie par la personne, qui pourrait se permettre d’affirmer « ce n’est pas vraiment toi » ? La modification esthétique relève de l’intériorité de ce corps, l’image n’en sera que plus complète puisqu’elle puise ces changements dans les goûts et affinités intimes de l’individu, c’est désormais sa personnalité qu’il affiche sur son visage et son corps. Le fonds et la forme mélangés.

Ainsi, la démarche artistique serait la seule manière possible d’obtenir une réelle « image de soi », notamment par l’autoportrait. Si, dans l’histoire de l’art, l’autoportrait était un moyen économique pour le peintre de s’entraîner (le modèle n’étant pas cher et fort obéissant), il n’en reste pas moins une obsession pour la plupart des artistes, multipliant autoportraits sur autoportraits. Cela est visible plus directement pour les artistes plastiques, mais on peut étendre cet état de fait à la littérature, où l’autobiographie prend, depuis Saint-Augustin, la part belle du paysage.

Tous les jours les maisons d’éditions reçoivent des manuscrits, et dans ces manuscrits on trouve beaucoup d’autobiographies, de journaux intimes, de carnets de voyage. Autant d’images personnelles contrôlées envoyées par leurs auteurs (en l’occurrence ceux qui ont retranscrit leur vécu) dans l’espoir qu’elles soient diffusées, et que l’image transmise par ce biais soit la plus courante. L’ultime désir de ces auteurs est que le lien soit fait entre leur nom et cette image d’eux (sous forme de livre, de portraits, de n’importe quelle auto-œuvre d’art), et pas une autre qui pourrait transiter, par exemple, dans la presse, à travers la vision d’un journaliste. C’est par leur propre prisme qu’ils désirent accéder à une certaine popularité, à une reconnaissance. Pas n’importe quelle reconnaissance puisqu’ils veulent être reconnus pour l’image d’eux-mêmes qu’ils ont soigneusement taillée, enlevant des détails gênants, peut-être en en rajoutant d’autres.

C’est donc une lutte de tous les instants entre les différents médias diffuseurs d’images pour s’imposer sur un sujet donné. Une sorte de quête de la vérité sur un individu désigné. D’où un essor de la presse populaire dite « people ». Chaque parution se concurrence pour essayer d’imposer SA vérité sur une personnalité connue, n’hésitant pas à inventer des faits (attribuer des maladies imaginaires, des grossesses, des ruptures…) dans un phénomène qui dépasse parfois la propre parole de l’intéressé. Celui-ci se retrouve alors dépossédé de sa propre image (souvent victime d’une surexposition qu’il aurait lui-même provoqué en souhaitant devenir un personnage public, comme peuvent l’être les artistes). Afin d’avoir leur mot à dire sur cette modification subie de leurs images, les personnalités incriminées utilisent plusieurs méthodes :


_ L’utilisation d’un média concurrent (et souvent plus influent ou générant plus d’audience) pour se faire entendre : passer au journal de 20h pour contrer une polémique créée par la presse radio ou écrite (c’est le cas dernièrement de Frédéric Mitterrand qui, en écrivant ce qui aurait pu passer pour une autobiographie a livré une image de lui dont se sont emparés certains journaux afin de remettre en question une autre partie de son image publique : celle de l’homme politique, du ministre…), ce journal constitue une instance suprême de légitimation de part son audience (l’heure de diffusion est propice à ce qu’une large part des téléspectateurs assiste à un plaidoyer livré en direct), de part son rôle informatif indiscutable et proéminant mais aussi de part son historique de réception d’individus venus dispenser un démenti.

_ La publication par l’individu victime de sa version des faits et par conséquent de sa vision personnelle de l’affaire : c’est le cas du droit de réponse dans la presse ou lors de la publication d’autobiographies ou de témoignages visant à calmer un incendie médiatique. C’est son affirmation comme étant le seul propriétaire de l’unique vérité. On en revient toujours à cette idée que sa propre image ne peut transiter que par ses propres mots.

_ Le témoignage par une personnalité rendue légitime par son image immaculée : le jeu des amitiés et des alliances est également applicable au monde de l’image publique, en effet, certaines personnalités dont l’image a été égratignée font appel à des défenseurs aussi connus qu’eux mais ayant réussi à préserver leur capital sympathie .

_ Le changement d’image physique : cure d’amaigrissement , renouvellement de la garde robe … L’idée d’un embellissement physique est souvent lié avec une idée d’embellissement moral. La logique du « Mens sana in corpore sano » ou de l’esprit sain dans un corps sain .

L’esthétisation de son image propre par l’art peut donc amener à des dérapages médiatiques que l’on peut rattraper par les différentes méthodes citées précédemment.

Une sorte de résistance à ce système s’est cependant développée, et une culture underground de l’image de soi artistique s’est mise en place. L’underground étant, selon moi et la plupart des définitions une réaction à la globalisation et à tout ce qui est « de masse », la culture par exemple.

L’exemple sur lequel je vais me baser est d’autant plus intéressant qu’il a été créé par un artiste ayant une renommée importante dans son champ d’action qui n’aurait sûrement jamais réfléchi à cette problématique s’il n’avait été lui-même un enfant star.

Hitrecord avait principalement pour but d’exposer les œuvres de son créateur, Joseph Gordon-Levitt, mais sa popularité lui a conféré un statut nouveau : celui de communauté. Loin d’être effrayé par cette affluence, Gordon-Levitt a souhaité développer cet aspect de son site personnel et a organisé un forum permettant d’héberger les œuvres de ses admirateurs.

Il s’agit d’enregistrer quoi que ce soit par quelque moyen que ce soit à tout moment. D’appuyer le plus souvent sur le bouton « enregistrer » d’où le titre « Hit Record » comme intimation à exécuter ce geste et à essayer d’en faire un réflexe. Ces « records » ou « enregistrements » peuvent prendre la forme d’une adaptation graphique et performative de poème (Chanson des escargots qui vont à l’enterrement de Prévert ), le jeu sur l’image dans ce cas précis étant la déformation de sa voix et de l’image même du poème, un passage pour lui de l’anglais au français et pour le poème de l’écrit à l’audiovisuel. On peut également citer une œuvre entrant particulièrement dans notre sujet : une capture miroir d’images de paparazzi le pourchassant ; en les filmant il inverse une situation habituellement subie et administre à ses poursuivants leur propre médecine. Cependant ce n’est pas une habitude nouvelle, puisque l’on peut remarquer que déjà au moyen-âge on jouait beaucoup avec l’image des choses et des gens, notamment par le phénomène d’anamorphose .

Ce qui est intéressant dans la démarche du site « Hit Record » c’est que cette attraction suprême de l’être humain à son image est récupérée intelligemment dans une optique de création. La captation est alors récupérée par de jeunes esprits anonymes et placés en opposition complète avec les images diffusées par les mass-media, elle est redéfinie. L’enregistrement d’images n’est plus une quête de vérité unique et universelle à tout prix mais le témoignage de vérités propres à chacun, de visions personnelles. C’est l’utilisation de périphériques pouvant toucher des millions de personnes à l’échelle individuelle. Un artiste considéré comme underground a lancé un site sans envergure, sans publicité, sans sponsors ou mécènes de quelque sorte et a réussi à en faire une plateforme touchant un groupe dynamique s’auto-gérant et s’auto-nourrissant. L’inspiration provenant des enregistrements disposés sur le site par les autres membres. C’est une alternative à la généralisation et la globalisation de la culture. La solution serait en effet que plusieurs groupes animés par un intérêt commun cohabitent et se fassent avancer les uns les autres (un principe totalement démocratique que l’on peut comparer au pluralisme des partis politiques), ainsi, plus de « marge » et de « masse » mais des niches organisées à la manière des cellules d’un corps humain.

Conclusion

Il semblerait qu’aujourd’hui, grâce à l’évolution technologique et sociologique, l’humain ait acquit la possibilité de modeler sa propre image. Cependant, cette capacité est accompagnée d’effets secondaires et de dérives comme la désappropriation de sa propre image par les médias par exemple ou la quête parfois mortifère d’une image modèle ne pouvant convenir à tout le monde (les mensurations de rêve exposées par les créateurs de mode ont causé la mort par anorexie de nombreux mannequins poussant les organisateurs de défilés à imposer un poids minimum par exemple).

Une majorité de gens se sont mit en quête d’eux-mêmes, afin de façonner leur image à partir de leur « moi ». Le recours à la psychanalyse, très populaire durant toute la fin du XXème siècle, ou l’afflux de mémoires et autres autobiographies sur les tables des librairies en sont des preuves. Avec ce deuxième exemple, on remarque une double thématique : la recherche de soi se fait publiquement, ainsi le journal intime devient couramment un blog, et perd toute notion d’intimité. On pourrait se demander si l’esthétisation de son image doit nécessairement passer par une perte de la sphère privée.

Enfin, les réactions sont diverses : combattre dans l’acceptation ce fléau et trouver des parades, des solutions et retourner le système à son avantage ou bien essayer de créer un nouveau système, reprenant souvent quelques codes de l’ancien mais ayant pour but de ne pas tomber dans les mêmes travers. Ce que l’on nomme arbitrairement underground ou marginalité est souvent assimilé par la norme lorsqu’ils commencent à avoir de l’influence et à devenir la tendance, mais cet englobement modifie l’empreinte génétique de cette norme, c’est ainsi qu’elle évolue, lentement mais sûrement, et que la notion d’image au XXIème siècle n’a plus grand-chose à voir avec son acception du XIXème et s’éloigne de plus en plus de celle conçue au XXème siècle.



mercredi 6 juillet 2011

Not meant for me

Je ne supporte pas qu'on me dise "non", et c'est pour ça que je le dis beaucoup.

Même si ma boulangère n'avait plus de baguette pour moi, je le prendrais personnellement.

"On peut travailler là-dessus" me direz-vous. Mais non. Pas quand on est hypersensible et qu'on en a fait son gagne-pain.

Heureusement, je n'ai le temps de rien, pas même celui d'être triste plus d'une dizaine de minutes à la fois pour ma grand-mère, qui vient de perdre le deuxième homme de sa vie et qui va ramer pour en trouver un 3ème à 85 ans, sans internet et sans permis de conduire.

Quand on me l'a appris, j'étais dans ma famille, et j'étais la plus triste de la maison. On s'est bien demandé pourquoi. C'était dans l'ordre des choses.

Pourquoi ?
Parce que je regarde toujours les conséquences des choses, le plus loin possible devant - paradoxal pour une myope.

Je sais qu'il aidait Mémé à moins s'ennuyer, qu'il était une raison de vivre, j'espère seulement qu'il n'était pas sa raison de vivre.

On me demandait, il y a peu, pourquoi je ne laisse de chance à aucun garçon. Parce que j'ai peur de ça justement. De la perte inévitable, à court ou long terme, de cette idée de la fin que je n'arrive pas à occulter.

De ma propre fin si jamais un garçon devenait trop important, assez pour que je le crois ma seule raison de vivre.

C'est peut-être pour ça que je porte plus d'intérêt que jamais aux vies qui commencent, à ceux qui sont le plus loin possible (et le plus loin probablement) de cette fin.

C'est aussi pour ça que je quitte les gens. Je maîtrise la fin. Je suis Dieu.

C'est pour ça que je cours partout, pour éviter d'avoir trop envie de jouer à Dieu avec ma propre vie.

Le "non" définitif, pour un job, une relation, ou le refus d'une de mes idées, me tue toujours un peu plus. Alors, pour l'éviter un maximum, je me coupe de plus en plus des gens qui auraient le pouvoir de me dire non.

Mais on arrive toujours à me surprendre. Des gens ne se gênent pas pour contourner toutes les précautions que j'ai semé derrière moi et méritent une condamnation pour haute trahison, du moins, dans mon tribunal intérieur.

Dimanche soir, un garçon m'a abordée et on a discuté de tout et de rien, mais tout ce que j'entendais était "oui oui oui oui", c'était nouveau. C'était bien. Trop rare pour que j'en fasse une habitude.

Et c'est bien pour ça que ma soeur crie sur tous les toits qu'elle se mettra la mine de sa vie le jour où je dirai "Oui" pour de bon.