lundi 26 mars 2007

MED

Y’a 19 ans, à 20h pile, on m’extirpait des entrailles de celle que je devrais appeler « Maman » toute une vie durant. Quelques heures avant, on avait demandé à mon père de se préparer au pire. Faudrait choisir entre la mère et l’enfant. C’est comme ça qu’on procédait y’a encore 19 ans. Maintenant, c’est d’office l’être humain quitte à choisir ; on prend celui qui est en âge de payer des impôts.

            Je me suis toujours dit qu’à ce moment là mon paternel avait demandé le sexe de l’enfant et que si j’avais été une fille il m’aurait fait passer à la trappe.

Mais finalement la troisième avait été la bonne et il l’avait enfin sa graine de footballeur.

            Bon, il savait pas à l’époque que le jour de mes 15 ans je lui cracherais à la figure que ça m’étonnerait pas si l’homosexualité était reconnue héréditaire –et à l’époque je l’étais même pas en pratique…-.

Bah ouais, on a tous eu nos époques connes. Moi je m’étais déjà tailladé les bras avec la lame de mon taille crayon, j’avais déjà bu des produits chimiques à m’en faire des mailles dans l’estomac, j’avais déjà dansé comme damné sur la rambarde branlante du balcon… j’avais peur de rien. Surtout pas d’mes vieux.

Depuis que je sais faire pipi debout, je bénis tous les jours les puissances supérieures d’avoir fait de moi un mec. Un blond, par contre il(s) aurai(en)t pu s’abstenir. A cause de platinitude j’ai dû redoubler d’efforts au club, mais rien n’y a fait, j’ai terminé en défense.

Je suis parti avec un autre handicap dans la vie : ma taille. Comme toute la famille je dépasse pas le mètre 75… pour devenir pro au football c’est limite. Mais ça allait, je gère assez bien la pression. J’suis le p’tit dernier alors c’est pas moi qui ait pris tout le stress quotidien des vieux dans la gueule, c’est mes sœurs.

J’ai fait ce que j’ai voulu très vite, j’étais un p’tit malin, quand on a voulu me faire sauter une classe j’ai faussé les test, j’ai répondu que des conneries et j’ai bien fait. Jamais j’aurai été aussi populaire avec la génération 87.

Y’a un autre truc que j’ai bien géré étant mioche : l’école de musique. Je voulais faire de la batterie, et le grand chef –celui qui se tapait ma tante avant qu’elle dégage aux states- m’a dit « nan fils, y’a pas de batterie dans le grand orchestre. » alors moi j’ai répondu « mais fuck le grand orchestre » enfin à l’époque je connaissais pas tellement ce mot là alors j’ai rien dit. J’ai fait mon malade pendant les leçons de solfège suivantes et j’ai déréglé les cordes du piano familial. Nan, on allait pas m’obliger.

On m’a vite foutu au karaté, mais moi j’aimais le tennis. Parce qu’au Tennis c’est comme au foot, tu peux souffler si t’es assez malin.

Enfin voila, à un moment j’ai dû arrêter toutes ces conneries pour jouer au foot un max. C’tait ça ou le collège municipal. Plutôt crever. Le genre de truc où tu t’encroûtes pendant quatre ans, serré entre des débiles profonds et ceux qui font semblant de l’être.

Je pense que c’est à mon entrée au centre de formation que j’ai commencé à comprendre que le contact des filles me manquait pas tant que ça. C’est là aussi où j’ai commencé à mlapéter à tout bout de champ. C’était mon « truc », ce qui me différenciait des autres. Enfin ça et mon prénom à la con. Quoi que j’aurai pu tomber plus mal : si j’étais né fille c’tait au choix Capucine ou Pauline. Bonjour les rimes en « ine », enfin moi je dis ça, je préfère largement les rimes en « ic » si vous voyez ce que je veux dire.

Le club m’a vite laissé tomber, enfin, au bout de cinq ans quand même. J’ai dû retourner au lycée général, faire une première générale, premier échec de ma déjà longue vie.

C’est là que je me suis teint les cheveux en noir, c’est là que j’ai porté des croix violettes à l’envers, c’est là que j’ai compris que l’école de musique c’tait pas un passage obligatoire.

D’abord une fille à qui je plaisais et qui m’avait accueillit le jour de la rentrée m’a montré sa basse, j’ai trouvé ça classe. Mais j’ai trouvé qu’il y avait pas assez de cordes à mon goût. Je me suis aussi aperçu que la batterie permettait pas trop de fixer son public de haut, et que c’est pas comme ça que je ressemblerai à Lestat. Ah oui, je vous ai pas dit, j’ai eu ma période gothique aussi, et c’est qu’à la  fin de celle-ci que j’ai tué ma couleur de cheveux, me demandez pas pourquoi.

Enfin c’était clair, j’aimais bien les cours d’Art plastique, les cours de littérature et le reste me gonflait. Pas un seul mec qui vaille le coup de le tenter. J’ai commencé à m’emmerder sec et à prendre des cours de gratte.

On m’a invité à quelques soirées, j’ai essayé le shit, pas probant. Et fumer j’ai jamais trouvé ça classe. Quoi qu’on en dise ça reste sur les fringues. Les plus gros fumeurs d’mj je peux pas manger à côté d’eux, la vieille fumette ça me donne des haut-le-cœur. La cigarette je trouve que c’est une perte de temps et d’argent, la santé j’m’en fous pas mal.

En fait si je mourrais demain ça me ferait ni chaud ni froid. Allez pas croire n’importe quoi… j’ai bien compté pour deux ou trois filles avec qui j’ai essayé les bases. Doit y avoir deux ou trois potes qui me regretteraient –mais juste parce que sans moi pas de carrière dans le rockworld possible.

Ouais, la conseillère d’orientation aussi a fait cette gueule là quand j’ai inscrit guitar hero à côté de « profession envisagée ».

            En terminale, j’ai rencontré d’autres gens plus ou moins comme moi, on a commencé à se réunir et à jouer ensemble. C’était croupit au départ. Et puis finalement, voila, par coups de bols on a enchaîné les p’tits concerts minables dans des bars pseudos-branchouilles. C’est la classe pour ça ici. On a viré 36 batteurs avant d’en trouver un qui avait le sens du rythme. J’ai imposé l’anglais et mes textes par la même occasion, j’ai ouvert un blog sur le groupe et créé nos affiches… j’ai commencé à faire ma chiasse et à glisser des démos à la fin des concerts d’autres groupes. Paraît même qu’à un festival j’ai fini à quatre pattes derrière le Tour-bus des Razorlight.

            Ouais bon. Toujours est il qu’aujourd’hui j’ai 19 ans, et que j’ose même pas imaginer où en serait ma vie si j’étais né fille. Ni même la tronche que je me payerai. Ni même les garçons avec qui je sortirais. Ni même une vie sans gueuler Jim is not dead pendant un concert d’Antinoüs & the seagulls.

                                                          Happy Birthday to my-other-self

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