dimanche 15 septembre 2019

Their eyes look like my eyes

[Chaõ, seul mâle dont j'ai requis l'attention depuis a long long time]


Il a fallu attendre un dimanche pour passer enfin une chouette, très chouette, journée lisboète. 

Bien sûr, si j'avais été dans mon état "normal", je n'aurais jamais pris des vacances censées être reposantes dans un endroit pareil.
Je ne supporte pas la chaleur (et la chaleur commence pour moi après 25°), je déteste le bruit, la crasse et les villes pentues. 

J'ai été servie, moi et mon cerveau complètement en vrac qui avons fait notre valise de manière totalement anarchique et bigarrée. C'est à dire que mes chaussures ouvertes les plus confortables ont été portées et reportées et leur semelle est légèrement lisse.

Autant vous dire que les ruelles à pic de Lisbonne c'est un peu l'aquaboulevard pour yours truly. 

Ça et le fait que je suis arrivée par une compagnie low coast dont le personnel ne sait pas si notre destination était dans l'espace Schengen ou non, avec 30 minutes de retard, en plein cagnard, dans une station de métro où tous les escalators/ascenseurs étaient en panne. J'ai donc porté ma valise (ciel, que c'est dur d'être une femme célibataire et globe-trotteuse !) en faisant un détour d'1 km dû à une sombre histoire de mauvaise sortie de métro.

Une fois arrivée à mon adresse, j'étais seule dans un gigantesque appartement découpé en plusieurs chambres, seule avec Jean-Porto, le proprio, qui, dans son petit polo bleu, adorait répéter mon prénom (première cause de jugement de ma part, continuez, je vous trie comme ça) et d'inventer la moindre occasion de me toucher. 

Jean-P m'a dit qu'il me fournirait des serviettes de toilette "plus tard", moi j'ai hoché la tête, mais sans savoir que, de guerre lasse, j'allais me résoudre à me sécher à l'air libre car pas de serviettes avant le lendemain matin.
Pas de savon non plus. Nulle part.
Même pas pour les mains.

J'ai failli voler le liquide vaisselle - parce qu'étant venue en avion LOW COAST j'avais pas ma panoplie l'Oréal voyez-vous - et puis finalement j'ai repéré la salle de bains sur les trois où un nigaud avait oublié de remballer ses shampoings. Je me suis donc servie allègrement et depuis je sens le Axe XXX for menly men (les mouches adorent). 

Bref, après plusieurs déconvenues - des restos pas aussi bons que les guides le prétendent, rien de végé nulle part, des trucs fermés ou semi-fermés où on t'informe de ça qu'après avoir payé ton billet, j'ai fini par passer une journée fantastique, ce dimanche.

Je me suis réveillée en stress, comme depuis mon arrivée. Je n'arrive pas à me détendre et je fais des rêves étranges. J'ouvre la fenêtre et m'aperçois que pour la première fois depuis mon arrivée il n'y a personne dans les rues et tout est extraordinairement calme.

La température est également plus clémente, et je vois des nuages à l'horizon. 
J'ai du mal à me décoller la croupe de mon lit Qwing Size (je rentre de toute ma longueur dans sa largeur, c'est génial comme concept) et finis par mollassement me traîner au jardin botanique où un premier quiproquo a lieu avec le mec de la billeterie (car le billet est obligatoire, c'est écrit en gros et en rouge) qui me dit "it's truie" je m'apprête donc à repêcher trois pièces d'un euro quand il me répète "it's truie" je lui fais signe que j'ai bien entendu, mais que j'ai des petits doigts potelés et non agiles et que ça se pêche pas on demand trois pièces de un euro. Je remets le nez dans mon porte-monnaie et il s'énerve : "IT'S TROUIE YOU DONNE AVE TOUPET !" 
Alors je suis quasi sûre que ça se voit que je n'ai pas de perruque, donc je le regarde d'un œil obscur et il me fait signe de passer.
Donc le billet est obligatoire pour une entrée obligatoire et TROUIE veut dire "free" en anglais portugais. 
Je suis beaucoup plus instruite quand je parcours les allées pleines de succulents (avec la voix de Mr Burns disant "Exceeellent" dans la tête pendant toute la balade). Il y a aussi des gros cactus (cacti ? cactem ?) et des WC publics qui sentent pas le muguet.



[J'en profite pour chopper des idées déco pour mon appartement de propriétaire]






Bien sûr, les serres sont fermées et en travaux, comme 80% de ce pays. 
Là, j'ai un choix à faire, soit je sprinte sa race pour arriver au premier cimetière de la journée (que personne ne me juge je vous préviens) soit je dois revenir demain et c'est tendu lulu. 
Me voici donc avec mes chaussures glissantes et google maps au poing, en priant St Vincent de pas péter mon smartphone sans qui je serais incapable de rentrer à l'hôtel ou chez moi. 

J'arrive finalement dans un charmant petit cimetière britton nommé logiquement "Cimeterio des inglese" qui a la bonne idée d'être ouvert seulement 2/3h par jour, si bien que les lève-tards comme moi arrivent échevelées pour profiter pleinement du calme et de la quiétude des lieux. 









C'était chouette. C'était petit et chouette. Et ça tombait bien parce que je commençais à avoir faim. Comme on est dimanche et qu'ici tout le monde est à la messe de 7h à 22h, je me dis que le mieux à faire c'est de sandwicher dans le parc attenant. Oui, au milieu des enfants qui ont une semaine d'énergie accumulée à dépenser.
En fait, ça s'est super bien passé.

Je me suis quand même éloigné dans le second point snack du parc pour prendre café et ginger ale (il n'y a qu'en France qu'on ne voue pas un culte au gingembre, je pige pas pourquoi). L'espace d'un moment, je me relaxe vraiment, et je vis un chouette moment... jusqu'à ce qu'un touriste fasse peur à un pigeon qui fonce dans mon verre et me le renverse dessus. 

Maintenant je sens le Axe et le gingembre. Les mouches m'aiment d'autant plus.





Je fais un détour par une église avec puits de lumière plutôt badass avant de tracer jusqu'au 2e cimetière de la journée, comparé, comme tous les cimetières monumentaux, au Père-Lachaise (mais ils ne l'égalent jamais)(bisous bisous Oscar). 

Je passe le portique gigantesque et le premier truc que je vois après le gardien patibulaire, c'est un chat. Je m'écrie donc "Chat !" en me dirigeant peu gracieusement vers lui telle un bébé d'un an. Bien sûr, il se réfugie sous une voiture et me voilà à quatre pattes en train d'appeler ce chat "chat" dans plein de langues pour voir laquelle fonctionne le mieux (il s'avère que c'est "mushi mushi", eh oui). 

Puis je me dis qu'il est temps de se poser un peu, je me dirige donc vers un banc, mais je vois qu'un autre chat y est affalé. Je ne veux pas le déranger alors que c'est l'heure de la sieste alors je vais vers un second, qui est aussi occupé par un félidé, et ainsi de suite. Je finis par m'asseoir à côté d'un chaton noir qui ne semble pas avoir confiance quand je lui affirme que je viens en paix. Ce banc est trop petit pour son fessier et le mien, alors il s'en va, en me jugeant fort, sa maigre carcasse roulant du cul entre les caveaux.







Ce cimetière était très beau mais un peu trop propre à mon goût et somewhat malaisant. En effet, les caveaux monumentaux ont des portes vitrées. Jusqu'ici c'est plutôt classique. Mais pour une raison (que je suppose être les mouvements de sol) ou une autre, les morts sont entreposés en lits superposés sur des étagères à la vue de tous.
Dans leurs cercueils sous des napperons faits mains par tata Amalia, mais tout de même.
Je baisse les yeux et discute avec les chats et les pigeons, qui ont signé un traité de paix pendant les heures les plus chaudes et se partagent les coins d'ombres sans sourciller.

Puis je tombe sur Jean-Chaõ, qui est comme les petits fantôme dans super Mario : il s'approche de moi seulement quand j'ai le dos tourné. Je comprends que c'est pour chiper dans mon sac, mais je n'ai aucune bouffe pour lui malheureusement, et on finira par jouer ensemble et lui me parlera beaucoup mais sans que je puisse le toucher.









J'en croise une bonne vingtaine, tous amochés, faméliques ou atteints de maladies dégénérescentes. Ils ont l'air d'être entretenus ici, alors j'ai le coeur moins gros que si je les avais croisé en pleine rue. 

Je me dirige vers la sortie quand je vois un caveau entouré de rubalise, je m'aperçois que le toit est à l'envers, à terre, je l'examine vite fait avant de m'apercevoir que les cercueils en coloc et leurs napperons sont... à ciel ouvert, tout simplement.

Gros gros malaise s'en suit.

Je suis un dédale de rues jusqu'aux rives du Tage. Le quartier est fort joli, et je m’assois à la locale, sur une marche devant une porte pour reprendre mon souffle et profiter. 
Lisbonne c'est beaucoup de cardio. Là, un moment de silence époustouflant me prend. Tout est en phase. Ca ne dure qu'une poignée de secondes, mais je suis définitivement en vacances.

Les petites rues deviennent de plus en plus escarpées jusqu'à me larguer devant la porte du musée d'art Antique qui, comme tous les musées, est un méli-mélo de trucs n'ayant à peu près rien à voir les unes avec les autres, dans d'imposantes et de très belles bâtisses remplies de surveillants à moustache qui jugent autant que les chats (ça doit être une histoire de faciès pileux).

On retiendra le magnifique jardin qui donne sur leur golden gate et leur christ rédempteur (oui....) et plein de grues. Mais ça me va. Mon Pépé, il aimait les grues, alors je décide de boire une bière en face d'elles. Je suis tellement bien qu'un moustachu viendra me secouer pour me dire "on fermaõ".


Je me dirige avec le peu de batterie qui me reste vers un miradouro (point de vue), bien sûr, il est en travaux et fermé à 80% comme tout ce putain de pays, mais je prends quand même quelques photos badass et je poursuis ma route jusqu'au resto que j'ai repéré (au prix de nombreuses recherches parce que, encore une fois, ici c'est poisson, spaghettis bolo, ou crève). Je suis en avance et je pense avoir fait fausse-route quand je me retrouve dans un cul-de-sac rempli de garçons se pressant tous vers des "bains publics" en tenue très, euh, estivales.  

Finalement, je repère la petite porte de ce resto spécialisé dans le HOUMOUS (oui ça mérite des caps) et je me remplis l'estomac (ou plutôt, je créée une île de pois chiche dans la bière qui y flotte).

Mon portable n'a plus de batterie, alors je lis mon bouquin de érotico-vampirico-lisboète à la lumière de la bougie. Je me demande bien comment je vais rentrer. D'autant que j'ai repris une bière, mais je finis par retrouver le chemin le moins chiant (c'est-à-dire le moins casse-gueule X le moins en pente) jusqu'à mes penattes où je roule sur mon lit géant le temps de récup un peu de batterie et de ressortir me reprendre une bière chez les petits pioupious du Duque Brew pub qui est devenu mon rade aussi vite que j'y ai posé mes fesses (et qui est à 40m de ma chambre, donc pas trop de risques de me prendre un mur). 

C'était ENFIN une journée réussie, pleine de rebondissements et de surprises, j'ai pas chômé. Demain, je prends enfin le tramway (si je réussis à comprendre comment le bousin fonctionne) pour aller zoner à Belèm et puis il sera déjà l'heure de rentrer libérer les cat-sitters qui s'occupent de Molly-la-sanguinaire. 



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