vendredi 27 juin 2014

My disgraceful quest for immortality



J'ai longtemps souffert d'être considérée comme un Freak. J'ai été seule au monde, vraiment, longtemps, au collège. Je crois que le mot qui s'en rapproche le plus n'est ni "bullied", ni "harcelée", c'est simplement "martyrisée".

J'ai réussi à m'extirper de cette maltraitance constante, quotidienne et universelle, mais je ne la crois pas enterrée pour autant. A chaque détour. A chaque messe basse. A chaque rumeur, je reconnais la bête.
Elle est présente en chacun de vous. De vous, oui. Pas de moi. Quand j'assiste à la destruction gratuite d'un être, juste parce qu'il a un "air", un "vêtement" ou un "ton" qui ne vous revient pas, je suis prise de haut le coeur et je me mets à haïr profondément la personne qui vient d'oser faire ça devant moi. 

Je me rends bien compte que si personne ne m'a défendue à l'époque, c'est que c'était impossible. Quand je tente un pénible "C'est cruel, c'est gratuit : arrête." on me rit au nez. Parce que c'est beaucoup plus drôle d'entrer dans la blague et si on en est spectateur, c'est qu'on est du côté des forts.

Quand j'étais petite stagiaire de l'édition, une fille en poste a sorti une phrase qui m'a propulsée au rang des indésirables. Dès le lendemain, plus personne ne voulait déjeuner avec moi, on baissait les yeux quand j'arrivais discuter et on m'évitait. L'histoire se répétait. 
Pas grave. J'ai mangé des sandwichs (j'adore les sandwichs) devant mon ordinateur et j'ai blindé un mémoire couronné d'un franc succès. 
5 ans après, cette fille est toujours au même poste, n'a pas progressé d'un poil - ah si : elle est plus discrète maintenant quand elle dit du mal de moi, plus efficace aussi, sans doute -. Grâce à elle, j'ai compris que si j'ai gravi les échelons à bonne vitesse, c'est parce que toutes ces histoires m'ont été épargnées. Grâce à son jugement arbitraire sur ma personne, je suis arrivée là où je suis. 

Donc oui, je serai éternellement un Freak. Une victime née. La cible préférée de ceux qui ont besoin d'appuyer sur la tête des autres pour respirer un air plus pur. 

Mais je suis aussi aimée pour ça.
Et je crois que c'est l'aberration suprême de mon existence.
La plupart de mes amis très proches m'aiment parce que je suis "bizarre". Certains disent "mystérieuse" ou "unique" pour être gentils, mais la vérité tout le monde la connait : je suis un décalage permanent et je représente donc un divertissement constant.

Je suis un zoo humain. 

Je le vis très mal. Pour les mêmes raisons qu'on m'a toujours détesté pour rien. (Parce que je ne souris pas assez, parce que je suis awkward socialement et parce que j'ai des références obscures - et j'en passe.) Je ne pige absolument pas comment on peut m'aimer pour cela. 

C'est sans doute mieux, je ne me rends pas compte. Je sais juste qu'on ne m'aime pas pour moi, que ce concept est peut-être même tout simplement impossible. 

Que cette image de petite sauvageonne sur laquelle on peut se permettre de jeter des cailloux - car elle est à peine humaine après tout - me poursuit et me poursuivra toujours. Jusqu'à coller à ma peau et ne faire qu'un. Jusqu'à ce que je l'assimile, sans doute.
J'en joue d'ailleurs sûrement parfois.

Mais régulièrement, je fais des crises de rejet. Comme en ce moment. 
Le problème, c'est que je ne sais pas pourquoi j'aimerais qu'on m'aime, vu que je ne sais plus qui je suis. C'est frustrant. Je comptais un peu sur les autres pour me connaitre. Il ne faut jamais compter sur les autres. 

La connaissance est un but inaccessible alors je la remplace peu à peu par l'acceptation. 
J'accepte beaucoup et je pose des limites, mes limites. Quitte à les repousser plus tard. 

Et je vais tenter de fermer mes oreilles la prochaine fois que quelqu'un me dira "Tu vois, c'est pour ça que je t'adore Johnson, t'es tellement bizarre.".


2 commentaires:

  1. Je t'aime pas parce que t'es bizarre. Je t'aime parce que t'es capable d'aller boire des pintes à 16h avec une inconnue qu'a stalkée ton blog et de supporter ses jérémiades des années durant. <3

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