lundi 13 avril 2015

Take me to church



[I'll worship like a dog at the shrine of your lies] 

Ne pas avoir de religion est un manque, que je le veuille ou non, que je compense par la déification d'humains, morts ou vivants. 

J'ai donc mené l'équivalent d'un pèlerinage pour trouver Christopher Marlowe, ou du moins la plaque un peu vague mentionnant que ses restes sont sûrement dans le coin. J'avais tout bien préparé, depuis des mois. Mes recherches étaient poussées au maximum de ce que les internets pouvaient m'apporter. Il se trouve qu'un séjour à Londres s'est improvisé et que j'ai passé les jours avant à répéter "J'vais voir Marlowe, mais j'y vais seule, hein" devant des gens qui se demandaient un peu trop ouvertement à mon goût pourquoi je me faisais chier pour un truc aussi abstrait. 
Car oui, j'ai navigué de métros en overground, un jour de fermeture des rails nationaux pour aller à Deptford. Là où Kit s'est aventuré et s'est pris un couteau dans l'oeil. J'ai ramé comme une damnée pour trouver l'endroit exact, à l'arrière de St Nicholas Church, où on le commémorait enfin. 
Quand mon entourage s'est moqué doucement de mon périple, j'ai fini par me laisser convaincre que c'était sans doute un peu idiot. Une dépense d'énergie certaine pour quelques minutes devant une plaque de marbre, elle-même incertaine de ce qu'elle indique. Et puis, il y a eu la chasse au trésor, avec mes bouts de cartes imprécises, parce que Deptford, c'était le trou-du-cul de Londres à l'époque de Shakespeare et ça l'est toujours un peu. Le soleil me poussait dans le dos à avaler des kilomètres alors que mes pieds étaient déjà à bout. 

C'est Greenwich qui m'a accueillie à bras ouverts, me promettant que je n'étais doublement pas venue pour rien. Je me suis perdue, j'ai erré, pris beaucoup de photo, on m'a regardé chelou, mais on m'a aussi souri. Et puis je suis tombée sur le portail.






J'ai dû être moine vaniteux dans une autre vie, parce que moi, les crânes, c'est un peu mon symbole préféré. J'ai donc galopé vers l'entrée et me suis stoppée nette : un écureuil d'un demi mètre de long m'attendait. 

Ca commençait à être Disneyland pour moi. 
Le jardin était magnifique et me gardait la fameuse plaque pour la fin. 
Tout, ici, sonnait juste. Tout était en place. Et moi avec.

Une euphorie comme j'en connais trop rarement s'est emparée de moi, et j'ai littéralement gambadé dans l'herbe grasse. 



Ce qui s'est passé lors de mon tête à tête (?) avec Marlowe restera comme un face à face avec une licorne. Le temps s'est étiré et j'ai profité de ces quelques instants où j'avais trouvé ma place dans l'univers. 

Alors oui, quand après on m'a demandé "ah tu l'as finalement trouvé ton truc ?" j'avais sans doute mon seul vrai sourire aux lèvres depuis octobre. 

Quelque part, à Deptford Green, pendant une poignée de minutes, j'ai été heureuse.
J'étais à ma place.
























2 commentaires:

  1. Je te lis depuis des années dans l'ombre, et ce post me parle beaucoup trop pour que je continue de m'y cacher.

    Je comprends tout à fait ce besoin de pèlerinage vers un lieu si fortement lié à ta propre mythologie personnelle, et l'apaisement d'y avoir trouvé ta place ne peut que confirmer l'importance de ta démarche.

    Merci par tes mots de m'avoir prouvé que d'autres personnes peuvent partager certaines façons que j'ai de voir les choses.

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  2. Bonjour,
    Merci de "sortir de l'ombre", ça me fait du bien, parfois, de mettre des semblants de visages/personnalités derrière les statistiques du blog. D'autant que c'est exactement dans le but que tu décris que je le maintiens en vie : faire se connecter les esprits se pensant isolés et repousser un peu la solitude, celle des autres comme la mienne.

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