samedi 20 février 2016

[Dubliner #2] To love oneself is the beginning of a lifelong romance


[Trois plats du jour svp]

L'homme de ma vie est gay et mort.
Voilà. Bonne soirée à vous aussi.

Non mais ça va, l'homme de ma vie est gay et mort mais il s'appelle Oscar Wilde et il a encore des fanatiques comme moi pour traverser l'Europe juuuuste pour avoir l'immarcescible plaisir de vénerer une plaque où est écrit "Il a vécu ici, wesh".

Parce qu'en vrai, il a vécu plus longtemps à Paris. Et il y est toujours.

Bref, Oscar est mon seul véritable ami (pour rappel, j'ai démontré dans l'épisode précédent que tous les autres étaient nuls vu qu'ils m'avaient pas accompagnée boire des bières au bord de la Liffey). 

Du coup, à peine Jean-Pravda remercié, c'est vers O' que j'ai couru comme une dératée. 
J'ai commencé par le Trinity College où il a étudié pendant les premières années de sa carrière académique (j'ai visité sa fac en septembre, il me manque que sa crèche et son école maternelle et on est bons). 




Le Trinity College, c'est sympa. C'est une vraie faculté, avec de vrais étudiants qui parlent vraiment philosophie en marchant avec leurs cahiers sous le bras et qui croient vraiment que faire une green week va sauver la planète. 



J'avais l'impression d'être au zoo, dans la partie "animaux en voie d'extinction", mais ça m'a bien dépaysée. J'en ai profité pour aller jeter un coup d'oeil à l'un des manuscrits les plus précieux DU MONDE. The Book of Kells. 

Mais en vrai j'en ai rien à carrer, c'est triste mais c'est comme ça : mes études en métiers du livre m'ont dégoûtée à tout jamais des incunables, du vélum et des vilains moines scribouilleurs à tonsures. C'est dit.

Non, moi j'allais là-bas pour the long room, parce qu'en l'occurrence, là, c'est la taille qui compte.





OMG cette bibliothèque. 


C'est bien simple, j'ouvrais et je fermais la bouche alternativement en faisant des petits bruits d'air aspiré comme Marlowe quand il voit un pigeon. 



J'étais toute en joie, en sortant de là, mais j'avais encore rien vu de Wildien à proprement parler, alors je me suis dirigée vers l'endroit double combo : Merrion Square, où 1) il a habité 2) on le commémore. 

Bon, y a des commémorations dont on se passerait. Ou qu'on devrait pas confier à un irlandais fin bourré, mais bien que j'ai facepalmé un certain nombre de fois devant les photos google images de cette statue, j'ai quand même failli me faire renverser par un double decker bus quand j'ai croisé son regard en traversant la route (à la statue, pas au bus). 




Donc là on était à 8 sur l'échelle de Johnson, c'est à dire que je battais des mains en sautillant et en ne tentant même plus d'étouffer mes bruits gutturaux. 

J'étais à Dublin depuis 5h et j'avais déjà presque achevé mon pèlerinage. Parce qu'à Dublin, on s'auto congratule fort fort de George Bernard Shaw, de Yeats et de Swift (Jonathan, pas Taylor) mais alors putain ! Gulliver partout, Wilde nulle part... (et ne parlons même pas de Beckett - Samuel, pas William). 

Comme j'étais entre le gargarisme oscarien et l'outrance outragée, j'ai décidé d'explorer le quartier Georgien de Dudu, armée de mes mitaines.




[J'aime les portes.]

J'ai failli me paralyser de froid sur place alors j'ai décidé d'aller piller un Tesco pour battre en retraite dans ma chambre, quitte à devoir ramper pour échapper au regard concupiscent de Jean-Pravda. 

En marchant vers chez moi (oui, chez moi) avec mon sandwich oeuf-mayo, mes myrtilles fraîches et mon plain scone (oh cher vendeur de scones d'Oxford, je t'aime encore, rien ne remplacera les tiens, jamais, croix de bois, croix de fer), j'ai fait un premier bilan. 

1) le gaélique, c'est à première vue comme le hongrois, en gros t'as l'impression que tout veut dire "no passaran, bitches"
2) je me suis fait siffler dans la rue quand bien même ça ne m'était plus arrivé depuis le jour de mon 27e anniversaire (avant tout le temps et depuis plus jamais, merci les siffleurs, je vous soupçonne de faire partie du lobby de la crème anti-ride). 
3) je me suis fait siffler par un grand black et c'était statistiquement 9 fois sur 10 le cas à Paris aussi. 
4) j'ai fait quelques pas de plus et il s'est mis à parler français.
5) les siffleurs parisiens expatriés à Dublin n'ont pas dû recevoir le mémo quant à mon âge avancé. 
6) en fait c'est parce que je fais complètement couleur locale.

Laissez moi m'appesantir là-dessus. Précédemment, je vous ai parlé d'O Connell Street, du fait que j'en avais eu une mauvaise impression et que c'était plein de touristes cacamoches. Eh beh j'en ai eu confirmation quand j'ai vu une nuée de gens distribuer des flyers et alpaguer tout ce qui avait l'air d'un touriste pour lui vendre des prestations, des restos, des excursions ou leurs mères. 
J'ai serré les dents, comme quand je dois traverser la place d'Italie et que le type d'Action contre la faim est entrain de dépasser celui d'MSF au sprint pour me sauter dessus et tenter d'accrocher ses crocs à ma jugulaire. Mais rien.
Je suis passée à travers et ils m'ont pas calculé. 
J'étais encore toute étonnée de ça quand un type m'a demandé en anglais teinté d'accent irish où se trouvait le "zglurb" le plus proche (oui, j'ai pas compris ce qu'il m'a dit parce que j'étais entrain de m'engueuler avec mon cerveau pour déterminer si c'était bien à nous qu'il parlait). Je lui ai dit que j'étais pas d'ici, avec mon joli accent frenchy, et il m'a bien regardée en se demandant visiblement comment il avait pu se méprendre entre moi et une irlandaise.

J'étais sa race fière.
En mode agent secret en infiltration et tout. Genre j'arrive dans un pays et paf j'adopte les postures locales en 1h30 !

Mais bon, en fait non, je savais bien au fond que c'est juste parce que j'ai une gueule de normande, et qu'on descend des mêmes ancêtres les rouquins et moi. Quand je dis que j'ai une gueule de normande, ça veut pas dire petite bouille aux joues rouges, aux cheveux blonds et à la bouche qui croque avidement des pommes rutilantes, non. 
Plutôt la normande version invasions barbares, avec le casque à cornes sur la tête, les traits taillés à la serpe, qui boit sa cervoise dans le crâne évidé de son ennemi. 

Je m'endors comme un gros bébé viking en réfléchissant à tout ça et, au matin, après que Jean-Pravda a littéralement coupé ses clients du moment pour me souhaiter une siouper journée, avec son sourire extra brite de russe-chagasse (si si, vous connaîtriez Jean-Pravda, ça ferait sens), en me dirigeant vers la big poste, j'ai croisé un petit vieux.
J'adore les petits vieux. 
Sauf que celui là, il m'a jeté un oeil encore plus insalubre que Jean-P. et il m'a lancé "Hey ya, lovely day beautiful lady!" (ce qui est plus sympa que "Lovely Lady", mais quand même du catcalling

Woah. Un irish. Pas un français déguisé. 80 ans au garrot. Je lui ai souri parce que j'étais incrédule. Il m'a maté comme un vieux salopiot, mais qu'est-ce que vous voulez que je dise à un vieil irlandais (peut-être roux, d'ailleurs, mais quand c'est blanc, maintenant, est-ce que ça compte ?) ? Je me suis demandé si c'était toute la Grande Bretagne qui n'avait pas eu le mémo quant à ma date de péremption et puis j'ai combiné toutes mes réflexions et là, une question existentielle s'est imposée à moi...  

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