vendredi 26 février 2016

[Dubliner #5] In this world there are only two tragedies. One is not getting what one wants, and the other is getting it


[Rideau orange mécanique]

Samedi, samedi... c'était la journée de la lose. J'ai laissé mon (très lourd) parapluie et l'hôtel et je suis partie me prendre des torrents sur la gueule toute la journée.
J'ai accepté mon destin en me rappelant qu'à Paris, je suis la meuf en t-shirt de février à novembre et qui ne sort son parapluie que pour se protéger du soleil.

Première étape à la brasserie Jameson, où je ne suis pas entrée parce que 1) j'avais déjà pas mal entamé le budget 2) j'aime pas trop trop le whiskey, la dernière fois que j'ai essayé c'est ressorti aussitôt sur les murs des Furieux (coucou les gars de la sécu !).



Ensuite j'ai essayé de pénétrer dans St Michan's, la paroisse moche surtout connue pour sa crypte qui conserve parfaitement des cadavres millénaires. Ouais. Dit comme ça, c'est pas hyper sexy, et quand j'ai vu que c'était sur visite guidée uniquement, que cette visite guidée était menée par un PRÊTRE et qu'elle était payante et qu'il fallait attendre 2h la prochaine, j'ai décidé d'embrayer et d'aller me sécher dans l'ancien fort militaire qui sert de musée des arts d'éco et offre une jolie rétrospective sur l'histoire de l'armée irlandaise quelque qu'elle soit (des soldats privés ayant remporté la bataille de Fontenoy à ceux ayant soutenu Bolivar).



Par contre, les bâtiments de l'armée c'est absolument pas fait pour les musées hein. L'agencement est très très merdique et j'ai presque plus marché dans ce dédale que dans les rues.

Je suis ressortie la mine basse, un peu abasourdie par tout ce fatras limite anxiogène et j'ai cherché un endroit où terminer de me sécher. En errant comme une âme en peine, j'ai fini par atterrir au Brazen Head, le plus vieux pub d'Irlande, l'attraction touristique houblonnée #1 du centre-ville. Il y avait un feu de cheminée, un chilli végétarien et de la Dublin porter, et c'était formidable.


[Chaleur !]


Je n'étais toujours pas sèche mais comme je ne pouvais décemment pas rentrer me coucher à 14h30, j'ai continué.

Le but, à la base, c'était de visiter Phoenix Park (où il y a des daims) et pourquoi pas le cimetière d'Arbour Hill, où les martyrs de l'indépendance sont plus ou moins tous réunis, mais vu que la mer d'Irlande continuait de se déverser sur moi par rafales, j'ai opté pour le musée d'Art Moderne.

Bien bien décevant puisque aucune des collections permanentes n'étaient accessibles, et l'expo Grace Weir, seule visitable, était bien trop pointue pour la mi-noyée que j'étais à ce moment.

Seul point extrêmement positif du musée : l'immense lièvre de Barry Flanagan (AKA mon sculpteur préféré du monde entier de la Terre). J'en avais plus vu depuis New York et, symboliquement, ça a son importance.


Dublin est le premier voyage que j'entreprends seule depuis ces très longues semaines new yorkaise où j'ai trainé mon âme en peine de Harlem à Brooklyn en tentant de ne pas me jeter dans l'Hudson. Pour vous le 8 mai 2012 à 20h c'est la victoire de François Hollande, pour moi, c'est le moment où j'ai reçu un mail de rupture de mon premier vrai copain. Et je partais 2 jours après pour NY.

Vous comprenez bien que, depuis, j'ai un peu hésité à repartir seule, ça doit être mon côté superstitieux. Tout le but de ce mini-séjour était en fait de me prouver que je pouvais le faire et que j'avais pas besoin qu'on me tienne la main (vu que de toute façon, personne n'est intéressé par le job).

Alors me retrouver devant un Flanagan à Dublin, ça a bouclé quelque chose. En mode "je suis pas là par hasard".




J'étais toujours une zone inondable sur patte quand j'ai traversé les jardins gigantesques reliant le musée à Kilmainham (quartier sud ouest de la ville, surtout résidentiel et hospitalier). Le but était de rejoindre la prison mythique dite Kilmainham Gaol (sans les accents parce que yolo), et j'étais large niveau timing, vu mon expérience raccourcie dans les musées successifs : sauf que non en fait. C'est encore plus couru que la Guinness Storehouse cette affaire, et j'étais l'avant-dernière à être acceptée dans la file d'attente à 15h et ils m'ont inscrite pour... la visite de 16h30.

J'ai totalement kiffé ces 1h30 dans le froid, contre la pierre glaciale de la geôle, à sautiller sur place en suivant les ordres militaires du personnel. Surtout qu'il y avait deux américaines derrière moi qui hésitaient sur le prochain pays européen à visiter parce qu'il y a 'vraiment trop de socialistes partout'.

Mais j'avoue : ça valait complètement la chandelle. On ne peut imaginer un tel endroit avant d'y avoir mis les pieds.














Avertissement quand même à mes amis un peu trop empathes : ça peut piquer fort quand on vous annonce, après vous avoir fait entrer dans une immense pièce blanche au haut plafond, que c'est là que Robert Emmett a passé les derniers moments de sa vie avant de se faire exécuter de manière tout à fait indigne.
Rien n'est épargné de l'histoire lugubre mais pleine de vaillance et de bravoure contenue entre ces murs, et ça m'a vraiment fait gamberger sur l'état actuelle de notre révolte à nous, français.

Je dis ça parce qu'à chaque fois que je disais d'où je venais, on me souriait en prononçant deux mots "French Revolution". Parce que c'est ce qui a inspiré les irlandais. Mais que reste-t-il de cet esprit là, de nos jours, à Paris ?

Il a été remplacé en majorité par une acceptation molle et àquoibonnesque. Je n'ai moi-même pas les réponses, et je suis la première à être insupportée par la dispersion dont font preuve mes seuls amis engagés. Quand ils n'arrivent pas à se mettre d'accord entre eux, à voir la big picture, et se noient dans des petites batailles qui paraissent risibles et résonnent donc très faiblement. Sans faire d'émules.
J'avais une seule certitude, en revenant à Paris, c'est que la réponse à nos maux était tout sauf politique. Et que si le gouvernement est dépassé, ce n'est peut-être pas une question de gens, ou de partis, mais de système à revoir à zéro.

J'ai bien conscience qu'on ne peut plus trop monter des barricades contre Daesh, les vilains grands patrons et les produits chimiques, mais l'idéologie de la révolte est quelque chose de sensément gravé dans notre adn. En ces temps de déchéance nationale où je me demande si moi-même je suis bien française, je crois que je tiens une partie de la réponse : être français, pour moi, c'est toujours tout remettre en question et ne rien laisser passer. Ne pas adopter de posture de soumission, surtout quand l'oppresseur vient de l'intérieur. Surtout quand tout nous pousse à devenir notre propre oppresseur.

Je suis sortie de Kilmainham avec une cohorte de nouveaux fantômes. De ceux qui font réfléchir dans le bon sens. C'était aussi le premier signe que ces vacances faisaient leur effet. Mon cerveau s'ouvrait à nouveau et se remettait à fonctionner, lui que j'avais remisé loin loin, parce que cette période est spécifiquement incompréhensible.

Mais attendez un peu de voir l'effet kiss cool de ce voyage sur mon mental car /spoiler alert / dans la prochaine note vous aurez droit aux prémices de ma deuxième crise existentielle.

Ca c'est du teasing.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Veuillez écrire un truc après le bip visuel : BIP