vendredi 28 octobre 2016

I will get there, just remember I know





Elle est à l’opposé de lui.
Lui qui était taciturne, plaintif, épuisé par tout… elle, qui me gratifie d’un regard droit dans les yeux et d’un « Oui ? Oui ! » puis enchaîne sur un tour de salon tout en s’exclamant « Wiiiiii ! ».
J’ai l’impression d’avoir adopté une cheerleader. Energique mais canalisée, toujours positive et enjouée mais jamais hystérique.
J’ai du mal à lui reprocher quoi que ce soit. Ses seules bêtises sont des maladresses, des glissades.
Elle est si bien éduquée que j’ai l’impression de ne servir à rien.
Elle fait ses nuits, putain.
Quand elle s’adresse à moi c’est toujours pour m’exprimer sa joie de me voir et son enthousiasme quant à tout ce que je fais. « Oui ? Oui ! Wiiiiiii !! », tous les matins, tous les jours, tout le temps.
Le truc le plus désagréable, chez elle, c’est qu’elle ronronne trop fort sur moi et que ça m’empêche de m’endormir. Pendant genre, 5 minutes.
Juste après que son éleveuse me l’ait livrée, elle est venue sur moi, m’a escaladé puis s’est roulée en boule sur ma poitrine, dans mon cou.
Spotify a décidé de jouer Love me in whatever way de James Blake et elle s’est mise à ronronner comme un vieux moteur.
Des larmes de stupéfaction ont coulé. Une sorte d’incompréhension.
D’où vient tout cet amour ? On se connait pas. Ca fait 5 minutes qu’elle est chez moi. Qu’ai-je fait pour mériter ça ? Qu’est-ce qui se passe ? C’est une erreur ? Elle s’est trompée ?
Toutes ces questions me ramènent dans un abîme d’espace-temps. Sur un canapé étranger, avec un humain de sexe masculin.
La dernière fois que j’ai vécu cette sensation de « Qu’est-ce que c’est que cette tendresse ? Elle est vraiment pour moi ? Qu’est-ce qu’il fait ? Il m’a confondu avec quelqu’un d'autre, non ? ». 
Incapable de me détendre tellement c’était impensable qu’on s’attache à moi et qu’on ait envie de mon contact.
Bon, vous l’aurez deviné, il s’agissait de « celui-avec-qui-il-ne-s’est-rien-passé » et comme son nom l’indique, il a  donné raison à toutes mes peurs profondes dans les semaines qui ont suivies.
Beaucoup de choses me le rappellent ces temps-ci.
La météo. L’odeur de l’air. Les cheveux d’une de mes rockstars.
On m’en parle, aussi. Des gens qui ont loupé des épisodes et me demandent pourquoi j’en suis là dans ma vie. Bien installée dans cette impasse de « l’amour ? Non merci, pas pour moi » (avec cet air de Leo DiCaprio dédaignant du caviar sur le Titanic, m’voyez ?).
Il y a un mois, je suis allée réunir les restes de Marlowe avec les restes de Marlowe.
L’enterrement d’un chat c’est difficile à imaginer. J’avais rien prévu et j’ai bien fait car, comme à chaque fois dans ma vie, le surréalisme a pris le dessus.
A peine arrivées dans le petit jardin d’Eden de Deptford où Kit repose, nous nous sommes fait alpaguer par un Hipster puissance 10 000 qui nous a entraînées dans une crypte pour nous mettre le nez dans une installation d’art moderne qui se situait à peu près entre Le Monde du silence de Cousteau et un film de vacances.
J’ai haussé les épaules, regardé du côté brillant des choses, et me suis dit qu’au moins j’avais enfin pu voir l’intérieur de Saint Nicholas Church.
Sauf que bon, je m’apprêtais à faire quelque chose d’illégal et de très très réprimé au UK, c’est-à-dire déposer un objet dans un endroit public. Déjà. Qui plus est des cendres. Et ça m’arrangeait pas des masses que nos amis les moustachus en slim aient décidé de faire de notre coin de paradis, à Marlowe et à moi, leur parc d’attraction zarbi pour la journée.
J’ai fait ce que j’avais à faire, puis je suis partie.
Je reviendrai sans doute.
L’important était ailleurs. Dans l’air.
Dans les pensées que j’ai à chaque Spanish Sahara, que ce soit dans un cinéma devant le dernier Dolan, ou sur un bateau sur la Tamise me ramenant à London town.
J’aurai autant de Spanish Saharas que je veux, et autant de moments privilégiés pour penser à Marlowe et par extension à son illustre ancêtre.
C’est avec cette pensée rassurante que j’essayais d’aborder la face nord de cet automne en forme de marathon. Et c'est là que je suis tombée sur ça.
Les larmes ont coulé dans mon café du matin. Je n’avais personne à qui exprimer tous les points d’exclamation que je ressentais.
Même le « ça a juste mis 400 ans quoi » dans mon arrière-tête a été étouffé par les « Oui ? Oui ! Wiiiiii !!! » qui m’assaillaient.
Tous les jours, Molly Brown me donne des leçons de vie, la première c’est : quand quelque chose de bien arrive, de toujours dire trois fois oui.

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