samedi 10 décembre 2016

They said I swam the sea that ran around



C'était la plus grosse journée, de cette semaine, de ce mois, et sans doute de l'année.
Après une année à cumuler deux voire trois jobs et à n'avoir pas assez de temps pour ressentir quoi que ce soit, c'était la dernière ligne droite.
Le dernier gros truc.
On dit souvent que je suis trop stressée, pour moi, ce sont les autres qui ne le sont pas assez. Ce n'est pas moi qui prend trop à cœur les choses, ce sont eux qui devraient penser un peu plus aux autres.
Généralement c'est sur mes épaules de perfectionniste que les gens se délestent de ce qu'ils n'ont pas envie de faire. Mais samedi, je n'en pouvais plus. Samedi, gérer les imprévus, les dysfonctionnements du système et les atermoiements aléatoires, c'était trop.

Le petit coffre où j'enfermais toutes mes émotions s'est fendillé, doucement, presque imperceptiblement.
Et alors que, maquillée et au top, j'allais sortir de chez moi et affronter le monde extérieur, tout s'est effondré.
Je me suis surprise à pleurer comme un bébé. Des sanglots muets tellement il n'y avait plus d'air dans mes poumons.

Je me suis reprise, car c'était ma grosse journée. Je suis sortie, j'ai assuré.

J'avais toujours les yeux humides et brillants quand j'ai parlé dans le micro et que j'ai tenté de communiquer ne serait-ce que 5% de tout ce que j'avais envie de transmettre à ces gens. Sur ce que je fais actuellement et qui est tellement une conséquence de tout ce que j'ai vécu.

Si je me suis effondrée, plus tôt ce matin là, c'est qu'une question me taraudait depuis la veille : pour qui fais-tu tout ça ?

Pourquoi tant de sacrifices. Pourquoi ne pas tout plaquer et aller gagner ta vie dans un boulot où tu serais émotionnellement détachée ?

Je ne rends personne fier. Je ne fais pas ça pour ma famille. Ils n'étaient pas là pour mon big day. Ils me laissent rarement en placer une sur ce que je fais. Sans doute parce qu'il faudrait se poser la question de leur rôle dans tout ça. De pourquoi je publie justement des livres sur ces sujets-là. 

Devant le miroir, ce matin là, j'ai vu l'ado que j'étais. Celle qui n'avait personne à qui parler au sens propre, puis au figuré. Et elle m'a fait comprendre que c'est pour elle, que je brassais tout cet air. 

Pour que les "comme elle" de maintenant aient une lueur d'espoir. Une certitude que tout ira mieux, un jour. Qu'il faut s'accrocher et qu'on peut s'en sortir.

Donc oui, je fais tout ça pour moi. Ce qui est rassurant, puisque si je le faisais pour qui que ce soit d'autre, je serais fort désappointée. 
Je fais tout ça pour une certaine version de moi, qui avait un besoin vital de l'imaginaire pour échapper à son quotidien. 

Je fais ça pour tous ceux qui ont été des éclaircies. Tous ceux qui ne rentraient pas dans les cases, comme moi, et qui ont été là, même 5 minutes, pour la version mal dégrossie et traumatisée de ma personne.

Et je fais ça pour un ou une comme moi, qui, quelque part dans sa cambrousse attend désespérément un signe. Quel qu'il soit.

C'est ma façon de ne pas oublier qui j'étais et ce que j'ai subi, de combattre ceux qui me l'ont infligé, comme je n'ai jamais su le faire au moment où ça s'est produit, de remercier les rares qui sont passés sans juger, sans se moquer et sans heurter, et de rendre tout cela un tant soit peu utile.

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