lundi 25 avril 2005

Ils ont vendu la maison du pendu

 
"Ils ont vendu la maison du pendu."

C'est ce que j'ai entendu dans un magasin de ma ville il y a quelques temps, et là en rentrant avec le car, je suis passée devant, et effectivement, il y avait le panonceau : vendu par truckmuche & machinchouette.

Je n'aurai jamais cru cela possible, qu'une maison où il est arrivé tant d'événements nauséabonds se vende un jour.

... C'était un soir de novembre il y a deux ans à présent, je rentrais en car, comme toujours, mais la circulation était bouchée, heureusement, mon arrêt était avant que le trafic devienne trop dense.

Je pensais à des choses tristes, j'étais sur le qui-vive, prête à bouffer la première personne surgissant trop violemment d'une ruelle... l'air était empreint de tout ce que je déteste...

Les klaxons au loin, je venais de perdre l'être comptant le plus pour moi, alors forcément, je marchais.

Je rentre chez moi, pour les préparatifs de l'enterrement, tout le monde était là.

Famille de Californie compris.

J'essuie des larmes qui n'avaient même pas coulées, ma sœur demande avec un grand sourire "alors toi aussi t'as été bloquée ?"

"Non, quand je finis plus tôt on passe par la forêt."

"Alors tu sais pas ce qui s'est passé ?"

Le souffle coupé, j'attendais, en ces temps de noires nouvelles, je ne pouvais qu'appréhender.

"Quoi encore ?"

"La maison à côté de l'école de musique, elle a brûlée."

Quoi ? La maison de quel côté ? gauche ? Celle avec l'arbre montant devant une simili véranda ? SA maison ?

...

Ma mère rentre deux heures après, elle en sait plus forcément.

Elle en sait plus mais n'a pas fait le rapprochement... c'est pourquoi elle déballe tout d'un coup :

"La maison a brûlé mais c'est volontaire... quelqu'un a mis le feu et s'est pendu après, dans la cave, les pompiers ont eu un mal de chien à pouvoir éteindre le brasier, c'est pour ça les embouteillages, il voulait vraiment pas se rater celui-là."

"Y'avait quelqu'un d'autre dans la maison ?"

"Non, ou alors ils n'ont rien, il n'y a qu'une victime, j'ai vu le brancard."

Cette maison, c'était la maison de Chloé, une fille pleine de talents, de vie, et de... méchanceté.

Une fille qui a pourri ma vie pendant mes années collège, qui a d'abord utilisé sa popularité pour essayer de me délester de mes amis, n'y arrivant pas au premier coup, elle a pillé ma valise lors de la classe de mer de sixième... exposant affaires intimes à tout le monde, volant ce qui pouvait être intéressant avec ses amies harpies. Pour le coup, c'était réussi. J'étais à présent seule, et ce pour quatre longues années au cours desquelles elle aurait le temps de me faire comprendre qu'elle ne me lâcherait pas... avec un air d'innocence troublant.

Le destin avait voulu que l'on vive les deux drames de nos vies en même temps, son père ce serait désormais "le pendu", eux qui formaient en apparence la famille parfaite, elle qui était la fille parfaite... c'était sur moi qu'avait rejaillie la petite imperfection durant ces années et après m'être dit pendant deux secondes "tu sais maintenant ce que c'est que souffrir." je souffrais pour elle...

J'ai beaucoup pensé à ce qu'elle devenait, comment elle avait réagit, si elle aussi avait repensé à moi autrement qu'en évoquant les diverses humiliations qu'elle m'avait fait subir avec ses amis... Je l'ai revu en conduisant, les cheveux complètement désordonnés, le regard vide,  toujours les mêmes vêtements, elle ne m'a pas vu... et ce soir, la maison du pendu est vendue.

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