vendredi 22 mars 2013

Live fast, die young

 [Bad girls do it well]

"Non mais tu déconnes ?"
Je repose ma fourchette de purée.
Je suis peut-être allée trop loin dans la confidence pour confidence.
Je mâchonne dans le vide, j'attends que quelque chose se passe dans cette cantine. Que le tapis roulant explose. Qu'un des cuisiniers pète un plomb et nous balance ses andouillettes panées dont personne ne veut.
"Tu déconnes pas ?"
Nop.
"Non mais tu plais aux garçons toi ! Non ?"
Cuillère de purée. Réflexion intense.
"Oui."
...
"Ah, mais c'est parce que t'en as pas rencontré cette année aussi !"
"Wala."
Oulala mais j'ai pris un yaourt dis donc. Au citron. Trop super.
"Ouais, en même temps je réfléchis mais j'ai personne à te présenter, on est dans un milieu aussi faut dire..."
Combien il me reste sur mon solde de cantine ? Oulalah, toussa.
Je fais de mon mieux pour paraître détachée mais, en vrai, je viens de traumatiser ma seule collègue qui s'intéresse à peu près à moi.
Je viens de lui dire qu'on n'allait pas tarder, grâce aux idées brillantes de mon #attachéedepresse (et stagiaire de l'hormone), à fêter mon premier abstiversaire.
"Mais genre t'as choppé personne personne personne ?"
Je parle vite fait du mec du Havre, je m'aperçois que j'ai zappé le (les) malencontreux de Bratislava, sinon, je tourne, retourne, reretourne mon année dans tous les sens et non. Personne. Rien qui n'ait passé la porte de mon appartement.

Il faut dire que je ne me souviens pas de cette année. Donc ça n'est pas tellement choquant. Elle n'a servi à rien d'autre qu'à me remettre du trauma de mai, je n'ai parlé à personne, rencontré personne, à peine perdu quelques amis.

Ce qui me rassure un peu c'est qu'il est vrai que dès que je suis out there dans un état d'ouverture d'esprit et de confiance en moi total, je suis magnétique. Paf paf paf bang bang, je comprends même plus ce qui m'arrive, mon tableau de chasse se remplit de lui même. Sans que j'ai besoin de lancer une pokéball. 
C'est l'effet "j'en trouve un, j'en trouve dix", parce que ce que ton voisin possède devient d'un coup vachement plus intéressant. 

C'est dans cet état d'esprit que je me suis inscrite à un site de rencontre un peu différent de ceux que j'avais parcouru pour mon enquête pour le blog de l'hormone (je suis le Bernard de la Villardière de l'hormone, le saviez-tu ?).

Depuis, les messages drôles, intelligents, et intrigants de la part de mecs drôles, intelligents, et intrigants se succèdent. Je me suis habituée au petit bip bip si particulier de "Untel vous a choisie, hihihi" "Bidule vous a envoyé un message, à la cool." "Machin vous a mis 5 étoiles et une gommette à paillette". Je regarde ces jolis gens défiler, en me disant qu'ils ont l'air bien, sympas, nice to see and soft to touch. Leurs messages me font gazouiller, caressent mes yeux dans le sens du poil et mes entrailles dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. 

Et pourtant.

Je suis bloquée.

Ca fait trois semaines que ça dure et que je n'ai toujours pas cliqué sur "Reply".
 Impossibilité technique. 
La réponse est là, dans ma tête, elle est bien, ciselée, Heightsienne. 
Je m'apprête à vivre de grandes choses avec ces inconnus et peut-être même me faire décapiter au cure-dent par le psychopathe qui, statistiquement, se trouve parmi eux. Mais non. 

Je peux pas.

Je suis toujours cassée. Ca commute plus à l'intérieur.

Je sais quel jour on est aujourd'hui et ça suffit à me tordre le sourire à l'envers. J'ai peur qu'il me ré-arrive un quifaitmal, c'est pas conscient, c'est mon corps qui bloque.

Mon état de choc s'étend, s'allonge et grandit, je n'ai bientôt plus besoin des autres, j'arrêterai alors de me demander "pourquoi j'y arrive pas" ? et je tracerai ma route sans ce besoin débile de l'autre, d'un autre.

So I kiss goodbye to every little ounce of pain
Light a cigarette and wish the world away
I got out, I got out, I'm alive but I'm here to stay
So I hold two fingers up to yesterday
Light a cigarette and smoke it all away
I got out, I got out, I'm alive but I'm here to stay



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