samedi 6 décembre 2014

When your heart just ain’t sure



[, let her go]

C'était il y a un peu plus d'une semaine, je ne savais absolument pas à quelle sauce j'allais être mangée. Ou si j'allais être mangée tout court, d'ailleurs. 
Le cœur en berne, les mains dans les poches, le pas vacillant de ne rien avoir avalé depuis des jours, j'ai descendu la rue Saint-André-des-arts en me perdant mollement. 
J'avais rendez-vous mais rien n'était avec moi, ni les bus, ni le temps. 
J'étais entrain de m'apitoyer, fort et durement, quand j'ai entendu un bruit répétitif à ma hauteur. 
Clop clop clop. Clop clop clop. 
Et une respiration saccadée mais guillerette. 
A priori, j'allais devoir jeter un coup d'oeil, car impossible d'identifier ce qui pouvait bien cavaler à ma hauteur en émettant un tel conglomérat de trucs incohérents. 

Regard méfiant à droite, à travers mes cheveux.

Oh fuck.
Un yorkshire à trois pattes.
No but really.
Un yorkshire à trois pattes.

Un poids s'est enlevé de mes épaules et j'ai grave relativisé. J'avais un nouveau mantra : "Ca pourrait être pire, tu pourrais être un yorkshire à trois pattes".

Ce minuscule truc avait beau ne rien avoir pour lui, il avançait avec entrain, la langue au vent, avec toute l'insouciance du monde. Je l'aurais presque envié.

Je suis allée manger un truc gras du bout des lèvres dans un pub, en très bonne compagnie. Compagnie à qui j'ai résumé la situation en m'endormant quelque peu contre le bois du mur.
"Non mais c'est pas négatif à mon sens. Ne jamais présumer. Jamais."
Mais si. 
Quand tout ton corps te crie que nooooon. Warning warning. Dégage de là Johnson il t'arrivera rien de bon. Pire : il t'arrivera rien. 
J'avais pas la force de me battre contre la bienveillance de mon amie, alors, sans conviction, j'ai croqué une frite. Puis j'ai laissé le souvenir de la voix de Mac Demarco prendre toute la place.

C'est terrible de vivre un malentendu. De savoir sans savoir. Que ce soit une chose sue par un paquet de gens avant toi, la principale intéressée, et que pendant ce temps là le monde te dise "You go girl!".

Tu peux juste pas prendre un petit tabouret et hurler "Pardon m'sieur dame mais y a méprise". Tu es obligée d'attendre la sentence officielle de la bouche du principal intéressé. Et bien sûr, dans ces cas là il est rare qu'il fasse le pressé et qu'il abrège tes souffrances. Ce serait trop facile.

Alors tu patauges encore quelques jours. Jusqu'à n'en plus pouvoir. En marmonnant des "mais je veux juste que ce soit simple", mais plus personne n'écoute vraiment. Chacun a sa version des choses et te l'expose. Tu te mords très fort les lèvres en étouffant que t'en as rien à faire, que tu veux juste être délivrée. Que la suite, tu sais très bien la gérer. Mais qu'il faut juste mettre fin à toute cette mascarade.
Un espoir artificiel tisonné par tout le monde sauf moi, grossi et exagéré, quand j'avais pourtant su fermer à clef la boîte de Pandore qui vibre et ronfle sous ma cage thoracique. 
L'horreur des "C'est cool ce qui vous arrive" avec sourire sincère. Les terrassant "Je suis trop content pour vous." avec hug chaleureux. Quand toi tu sais que non, non, non. 

Une torture vorace qui prend enfin fin, après un accouchement des plus difficiles. Après que j'ai redoublé d'efforts. Après que rien n'ait été, encore une fois, simple. 

Mais ma fin, ma fin, ça aurait été trop beau de la garder. Cette fin définitive et propre et claire. 
Cette fin où pourtant, j'étais sûre d'avoir été entendue. Où j'ai perçu, dans un regard dont je me souviendrai le reste de ma vie, que mes mots avaient atteints leur but.

Ne pas être prise au sérieux. Ne pas avoir été comprise, finalement, quand je disais "Please, no more, I can't". Au bord de supplier, moi qui jamais. C'est un peu s'essuyer les pieds sur mon corps décapité. 
Mais ça, c'est si on ne faisait pas dans la demi mesure.

Non, c'est juste considérer que cette fin n'avait rien de sacré. Qu'on pouvait y remédier. Que ma parole n'était qu'un vent glacial. Une punition temporaire. Que, c'est bon, ça y est, ça a arrêté d'être fini ?

Je l'aimais bien moi, cette fin. Enfin quelque chose que je maîtrisais. Mais apparemment, je n'ai même pas le droit d'avoir ça.
De partir en courant et de m'échapper, même sur trois pattes.


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