mardi 25 août 2015

Pain's more trouble than love is worth




Je marche à grandes enjambées, mes talons s'enfoncent dans le sol meuble de ce parc de Boulogne. Qu'est-ce que je fous là ? Je ris. Je me prends la plus grande fournée de pluie dans la gueule que j'ai jamais vu.
Et je suis normande. 
Et ça me fait rire. 

Le maquillage de ce premier jour de travail coule et me transforme en Harley Quinn d'un soir. Entre le panier du chat et un parapluie, je devais faire un choix. J'ai pris le partie de me dire que l'appel du véto serait positif et que je m'en foutais des gouttes.

Il est joli, ce soir, l'interne de garde, il a des yeux doux, marrons, en amande, un teint olive, des cheveux brun clairs, soyeux, enfin ils ont l'air. Le vent s'est battu contre moi avec une force de mammouth mais je lui articule quand même que je suis là pour mon "ChatMarlowe". L'autre effet secondaire d'être normande c'est aussi de ne pas mâcher mes phrases, mes mots et mes syllabes. Du coup, quand il s'agit de demander quelque chose à quelqu'un alors que je suis dans un stress palpable, j'éructe. 

Ils me le rendent avec une cicatrice de plus, avec un gros pansement violet et avec des traits de caractères inédits (le ressentiment, la frénésie, la méchanceté et la rétivité). Je me dis que je vais savourer chaque minutes avec lui, mais il s'enfuit loin de moi, se planquer dans des endroits sombres. Gueuler à s'en déchirer la gorge près de la porte pour partir, s'il avait pu, il aurait fabriqué un baluchon.

Mais non. Toujours pas de pouces opposables au programme des chirurgies réparatrices vétérinaires.

Personne n'a su me dire ce qu'il avait. On s'est contenté de le perfuser comme un moteur diesel en le torturant pendant dans 4 jours dans une cage à dormir dans son urine, à manger au même endroit et à boire tout pareil. 

Je ne savoure pas, je tremble. A chaque mouvement. J'ai peur que ça recommence, comme ça recommence toujours. J'aurais dû l'appeler Damoclès.

Je commence à me dire que la prédisposition de son nom et de sa nature noire jouent peut-être en sa défaveur.

Je pense à demain au propre comme au figuré. 

Je suis désormais une mère célibataire dans la dèche qui accepte des petits boulots prostituant son intellect pour trois francs six sous. Je vais vendre mes dents et mes cheveux et chanter à tue-tête I dreamed a dream si ça continue. Et personne ne veut voir ça. 

J'encaisse le commute inter-minable(s). Je serre les dents en me levant comme les vrais gens. En enfilant mes vieux habits de dame. En maquillant les cernes, en cachant les vaisseaux éclatés, mais pas les griffes sur mes bras. 

J'ai lavé mes cheveux, ils flottent au vent. Je suis désormais assise derrière un bureau à m'aliéner. Comme avant. Je suis revenue à un milieu qui m'avait repoussée. Mais eux ont voulu de moi, et sans me rabaisser à des tas de simulacres, de droits d'entrées et de rendez-vous à répétitions. Ils me sous-payent mais ils ne m'humilient pas. L'équipe ne se cache pas derrière des illusions, ça pétarade dans l'open-space, c'est sans fin. 

Je suis fait licencier pour moins que ça. Ca me fait sourire. Ca m'apaise. Mon responsable a des grands yeux bleus et non un air condescendant libino-macho comme tous les précédents. 

On est venu vers moi pour déjeuner. On ne m'a pas pointé du doigt parce que j'arrivais avec un sac à chat. On fait un pas vers moi. Je ne demandais que ça... 

Ca éponge un peu mes dettes provoquées par le chat qui valait trois milliards. 
Il les vaut tellement pour la bonne raison que je n'ai que lui. Quoi qu'on en dise. 

Il est frappé de la malédiction de tous ceux que j'aime : il ne dure pas longtemps. 

Tout est si fragile que je n'ose pas bouger. Sauf sous la pluie, car quitte à éponger, je veux m'en prendre plein la gueule. Je veux que ça soit tonitruant, aussi fort qu'une tempête, et plus insidieux comme un mal qui se cache dans des replis mesquins.

Je veux du vrai et de l'honnêteté et du fort. Du vibrant.


I’m feeling so eternally grateful 
Now I realise 
Like a candle on a vacant table 
Being so denied 
Burning for no one 
I’m burning for no one

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