mercredi 17 août 2016

I'm crooked but upright



Pour canaliser les hyperactifs, on les colle au sport. 
Pour canaliser mon hypersensibilité, personne n'a jamais rien fait. 
Enfin si, des docteurs m'ont lancé des petites pilules comme on lance une pokéball mais je me suis échappée loin dans les hautes herbes. 

Il a fallu que j'attende un âge plus qu'adulte pour trouver une solution viable : je mets tout mon surplus de sentiments et d'émotions dans mes bouquins.
Pas ceux que j'écris, puisque je suis en writer's block depuis... 2007 ? 2008 ? mais dans ceux des autres, dont j'ai la responsabilité. 

C'est très capitaliste comme façon de se gérer, j'en conviens. Mais au moins c'est un mal pour un bien. 
Je ne peux et ne dois entrer dans les détails, mais en ce moment je travaille sur une roman portant sur un parcours de vie particulièrement difficile et se focalisant sur l'adolescence. Le personnage principal est une jeune fille qui a toujours été rejetée pour ce qu'elle était profondément, persuadée que son père ne l'a jamais aimée, qui traverse les épreuves les unes après les autres, jusqu'au moment de trop. Le point de non retour et la saturation de la vie. Et elle se rate, et elle repart "de plus belle". 

Ok, c'est pas gai. Mais quand je bosse un livre, je l'ai lu en VO avant, donc je suis prévenue. Pour celui-ci, je m'étais gardé la fin pour la découvrir en VF car, à ce qu'en disait la fiche de lecture détaillée, ce serait ardu à retranscrire émotionnellement. Je ne voulais pas être influencée par la VO, qui est de toute manière indépassable et doit généralement être adaptée pour correspondre au pacte de lecture. Pardon de jargonner, mais pour ceux qui se demandent, je fais partie de ces éditeurs qui pensent que le traducteur "réécrit le livre" dans sa langue, qu'il est son deuxième auteur. 

C'est donc la fleur au fusil que j'entame le passage "inédit" à mes yeux de ce roman, lors de ma pause déjeuner de mon autre boulot (oui car je fais partie de ces éditeurs crève-la-faim qui empilent les jobs - généralement trois, en ce moment deux - pour survivre, vu qu'apparemment rémunérer les gens qui vivent de leur passion, c'est sale).
Ca fait partie des idées à la con d'une hypersensible tellement surchargée de boulot qu'elle oublie qu'elle va devoir se plonger dans un état émotionnel extrême avant de pouvoir assurer toute une aprem de vie lambda de bureau. 
Normalement, je fourre tout dans une petite boîte intérieure et je serre les dents en pensant à ma patrie. (Ma fameuse métaphore du diable dans la boîte, le tas d'émotions qui risque de surgir à n'importe quel moment, mais généralement au pire qui soit). Mais là... 

Notre héroïne nous offre un flash-back et nous décrit très exactement sa tentative de suicide. Jusqu'ici tout va bien. Je sors de deux éditings de romans avec des cancéreux en phase terminale, deux suicidaires dont un orphelin et une suicidée victime d'abus sexuels pédophiles, donc rien ne me fait peur en théorie. En tout cas pas une scène de tentative de suicide en flash-back. Surtout quand on sait que moi-même je suis passée par là. (Pour les plus motivés je raconte ça ici et ici).

Sauf que là, stupeur et poneys foudroyés, ça commençait pareil. Pareil que la mienne, je veux dire. Puis ça continuait pareil. Puis... 
Vous l'aurez compris, une auteur états-unienne a complétement plagié ma TS pour en tirer profit. 
Hum, non. C'est pas le propos.

Le propos, c'est que j'étais en mode "boîte ouverte, diablotin toutes cornes dehors" pour bosser à fond ce roman, et que je me suis pris ça en pleine gueule. 
Comme j'étais abasourdie par les ressemblances, je suis fadée mes propres notes citées ci-dessus, pour vérifier si j'hallucinais ou si je ne projetais pas. 

Et c'est comme ça que j'ai pleuré, vraiment, pour la première fois depuis "celui avec qui il ne s'est rien passé", mais bon, il m'a fait pleurer très longtemps celui-là, alors disons qu'en temps humain ça devait remonter au tout début de l'année. 

Le bon côté des choses, c'est que j'ai pu vérifier que mon stratagème pour auto-piéger mon trop plein d'émotions fonctionne : je ne pleure plus autant qu'avant et je vis un quotidien beaucoup plus serein. Le mauvais côté, c'est que je ne suis jamais à l'abri que la littérature me rattrape et me foute un K.O sensitif. 

Et que parfois, il faut que je justifie des yeux de lapin albinos à mes collègues de bureau sans pouvoir dignement entrer dans les détails. 


Force est de constater qu'il y a autant de bordel dans la boîte où le diablotin est enfermé que dans ma propre chambre. Que j'ai beau m'entourlouper afin de mener une vie stable, je ne fais que stocker, comme un hoarder du coeur. 
Il n'y a pas de solutions miracles, seulement des solutions temporaires.



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