mardi 8 mars 2016

It started with a whimper and then there came a bang



J'étais un peu déséquilibrée par la bière, sur les marches de la Maro, quand j'ai réalisé que la personne à qui j'avais commandé la dite bière était la première à qui je parlais depuis des jours. 

Et encore, on était loin de la substance hein : Bonjour. Au revoir. Merci. Salut.

Je suis une personne introvertie. Ca veut pas dire que je suis timide, ça veut dire que les autres m'épuisent littéralement. Que j'ai besoin d'être seule pour recharger les batteries.

Pour autant, je suis un animal social comme les autres, et au bout de quatre jours sans parler à un être humain, sans avoir d'échange véritable, je me mets à dépérir. 

Introvertie, ça veut dire aussi que tout ce qui est facile, limpide, inné pour vous, c'est une tannée pour moi.

Voici une liste non exhaustive des trucs qui sont faciles pour (la plupart d'entre) vous mais infaisables/une torture pour moi :
  • Adresser la parole à un inconnu tout en étant sobre.
  • Regarder qui que ce soit dans les yeux.
  • Me souvenir avec précision de ce que je faisais une heure, un jour, une semaine avant. 
  • Raconter une histoire factuellement, sans me baser sur mon ressenti.
  • Éluder vos micro expressions (ou quand vous matez mes nichons tout en me parlant).
  • Respirer correctement dans une foule (+10 points dans le métro en heure de pointe).
  • Demander quelque chose à quelqu'un.
Donc bien sûr j'ai dû développer des parades, m'apposer des masques et composer pour survivre.
Et apparemment je compense super bien, vu que j'arrive à duper même mes amis les plus proches. 
Ils sont introvertis aussi (parce que les extravertis restent généralement entre eux, même si moi c'est généralement d'eux dont je tombe amoureuse), mais à un degré bien moindre qui leur permet de prendre des postes dans les RP, la communication et tous ces trucs qui me donnent envie de partir en courant dormir dans une forêt. Parler à des arbres. 
Leur degré léger d'introversion leur permet aussi d'avoir une vie de famille pas trop merdique, un mec solide, généralement. Du coup, ça leur arrive jamais d'être 4 jours d'affilée sans parler à quelqu'un.

De décrocher le téléphone et de pas être capable de parler avant deux, trois essais, parce que ton appareil ORL a plus l'habitude.

Du coup, ils peuvent pas imaginer une seconde que c'est mon quotidien. Même quand je leur dis. 

Je m'énerve pas, je respire, je laisse les gens dériver loin de moi "parce que bon, on est des adultes maintenant, c'est normal de moins se voir." (pas pour moi, mais then again on m'a pas demandé mon avis.) 

L'injustice leur passe au-dessus. Ce serait facile pour moi de leur répondre "Désolée de trop t'appeler, la prochaine fois j'appellerai mon mec ou ma famille soudée et aimante, ou tiens, toute ma ribambelle d'autres amis ! ...oh wait.". Alors je les regarde en attendant qu'ils fassent le chemin tous seuls. Qu'ils réalisent enfin que je brasse pas de l'air inutilement. Que ouais, ils me laissent seule. 

Il y a ceux que j'ai soutenu à bout de bras quand ils allaient mal, très mal, et qui ont littéralement claqué la porte le lendemain de la nuit où il m'est arrivé ce qu'il m'est arrivé. Mais à la limite, avec eux on sait à quoi s'en tenir. 

Ce qui est terrible c'est cette incompréhension de ceux qui tiennent à rester dans ma vie. Comme si le fait qu'ils ne veulent pas entendre ma souffrance rendait cette souffrance inexistante (une création de mon esprit malade ?). Ils sont d'accord pour dire que tout a changé mais pas pour accepter le fait que ça me fait souffrir. Que ma vie est moins bien qu'avant maintenant qu'ils sont moins là (pourtant, c'est plutôt honorifique pour eux). 

J'ai arrêté de relancer les gens parce qu'à force de se voir tous les deux, trois mois, ils n'ont plus aucune idée de qui je suis, déjà que c'était pas simple de s'en faire une, à la base. 

Quand on a une piètre opinion de soi-même comme moi, le fait de devoir constamment relancer les gens, le fait de devoir être à l'origine de tout événement social, de ne recevoir aucune invitation, aucune inclusion, enfonce un peu plus loin dans mon cerveau l'idée que je gêne. Que c'est une bonne action que d'accepter une de mes requêtes (sur cinq) pour passer 2h ensemble. 
Vous savez cette idée qu'on est "de trop", qu'on ne manque(rait) à personne et qu'il suffirait d'un bang
C'est là qu'intervient le "mais tu sais que je serai toujours là." auquel j'ai envie de répondre "bah toi tu sais que jamais au grand jamais je viendrai risquer de t'emmerder, de te pomper l'air, de gêner - donc du coup il est bien confortable ce status quo".
Sans compter que le fait de ne pas m'inclure renforce un isolement, vu que je ne rencontre personne de nouveau, dans cette société où il faut passer par la validation de quelqu'un pour toucher quelqu'un d'autre, ils me repoussent dans un cul-de-sac social. 

Donc ouais, quand j'ai la corde au cou, au fond de la piscine, ils sont là. Et c'est cool. Parce que la non assistance à personne en danger ça pardonne pas, et que quand je suis dans le précipice, c'est difficile de m'ignorer. Mais ils sont là, et il faut bien leur reconnaître ça. Et je leur reconnais ça. Généralement à 4h du mat', avec 4 grammes et une voix croassante, mais je le fais.

Mais personne pour se demander si je serais arrivée dans le précipice, la corde au cou et la nuque brisée, s'ils avaient été un peu plus là, plus tôt. Je ne demande même pas à ce qu'ils le fassent, mais qu'ils se le disent simplement. Parce que ce qui m'écoeure par dessus tout, ce sont les réunions d'esprits bien pensants disant que j'exagère. 
De quel droit ? 
Même mes amis les plus proches n'ont pas le droit de juger mon ressenti et de le nier. Ca remet en question la notion même d'amis.

C'est cette extrême solitude qui me fait me propulser dans des situations extrêmes, tenter coûte que coûte de créer du lien et me ramasser, chaque fois. Car, encore une fois, il faut être coopté pour exister dans notre société.

Alors bien sûr, tout ça, j'ai pas le droit de le dire, d'ailleurs vous feriez mieux de faire comme si je l'avais pas écrit, parce que ces gens, mes gens, étant incapables de se représenter, même de loin, même vite fait, ce que c'est parce qu'ils ne l'ont jamais connu, parce qu'ils n'en ont pas envie, parce qu'ils partent de leur cas pour faire des généralités, choisissez votre poison, sont incapables d'intégrer le fait qu'ils me font souffrir. Parce qu'ils sont entrés dans ma vie, m'ont fait me sentir importante pour eux et maintenant en sortent petit à petit, en se convaincant eux-mêmes que c'est normal, que ça n'a aucune conséquence.

Ca en a. Je n'ai pas forcément envie que ça change, d'ailleurs. Je ne fais pas de caprice pour que tout redevienne comme avant. Ca n'est pas ce que je souhaite. Parce qu'ils sont plus heureux comme ça, et que l'amitié et l'amour, c'est faire passer l'autre d'abord. Mais c'est juste insupportable de se voir niée.
Ce que je réclame, c'est le droit de dire que putain ça fait chier. Et le droit de dire que je souffre. Et le droit de dire je suis toute seule. Et de dire que j'ai pas d'amis, même si oui, si on compte je dois en avoir 5, genre. Ce que j'ai envie d'hurler c'est qu'ils n'ont simplement pas le droit de remettre ça en question. Parce que c'est ce que je vis. Et que l'exprimer me soulage un peu, et que c'est tout sauf cool de m'enlever ça aussi.
 
Tellement insupportable d'être niée dans son ressenti que je tangue un peu partout, en ce moment, et pas qu'à la Maro. 

Qu'en cette soirée là, sur ma marche, j'ai regardé les grands yeux noirs du type à moitié nu, sur scène, et que je me suis sentie plus proche de lui que de quiconque dans ma vie à cet instant T.

J'ai frissonné et j'ai regardé ma bière vide. Puis j'ai croisé à nouveau les yeux noirs du type à moitié nu et mon cœur a redémarré.

Pat on my back, and a swig on my brew, you're still my friend, it's impossible to hate you. /
Cradle to the grave, I know we always misbehave, people latch down and then they rain on our parade. /
Girls we love leave when we want them to stay, like today, remember, what shall we say?

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