vendredi 4 mai 2018

Never felt better than when I'm on my way out for good.

Pas facile d'être une bourgeoise.

C'est ce que je me dis dès que j’interagis avec mes collègues de manière professionnelle. Quand je prends la parole pour présenter une idée, un projet, en réunion, je le fais, bien sûr, avec mon "accent" français. C'est à dire le français de France qu'on parle à Paris.
Ici, ça s'appelle "parler serré" et, en gros, c'est synonyme de se la péter. 

Je me suis donc pris des remarques comme "Ah bah c'est normal que ses idées paraissent bien, c'est l'accent."

Ceci, mêlé à mon caractère introverti à l'extrême, fait que je mange en 5 minutes sur un coin de bureau pour passer les 25 autres minutes de ma seule pause de la journée à marcher, au calme, avec de la musique et ce pour plusieurs raisons.

1) J'ai besoin de musique
2) J'ai besoin de me dépenser, je n'arrive plus à rester statique pendant 8h, surtout sans fenêtre.
3) J'en profite pour faire du tourisme, parce que mon temps libre est compté et que c'est l'occasion d'explorer à fond le quartier de mon boulot qui recouvre et le village gai et le vieux port, deux endroits chouettes avec plein jolies choses cachées (la puissance des Montréalais en Street art est totale, et prendra sa pause déj à regarder les nuages passer sur un bout de quai face au Saint-Laurent, ça vaut toutes les conversations de cantine du monde).

Ceci donc, indispose. 
Sur le ton de plaisanterie, on m'a sorti : "Si tu continues à pas venir manger avec nous, les gens vont parler, et commencer à penser que t'es pas si gentille."

Alors déjà, je comprends pas trop ce quiproquo qui fait que depuis mon arrivée on m'appelle "La Gentille Johnson". Je pense que c'est parce que mon côté introverti me donne l'air timide (ce n'est PAS la même chose) et parce que je suis très polie. Surtout dans un nouveau pays et un nouveau job. 

J'ai jamais été gentille et j'ai jamais été appelée gentille. Du coup, perdre ce titre me fait ni chaud ni froid, mais j'ai bien vu dans le regard de ma collègue que c'était bad news.

Sauf que pour toutes les raisons citées précédemment, j'ai pas envie de renoncer à mes balades du midi, qui me libèrent de l'espace de cerveau disponible pour l'après-midi et me permettent de garder mon équilibre en place.

Ce que les extravertis ne comprennent pas, c'est que c'est pas parce qu'on fait différemment d'eux qu'on est dans le faux. Et ce forcing pour les côtoyer est comme un chantage social qui m'est arrivé dans toutes les entreprises que j'ai fréquenté.

Je n'ai aucun problème, entendez-le bien, à socialiser en petit groupe, surtout en tête à tête. Encore une fois, je ne suis pas timide et je suis plutôt divertissante comme partenaire de discussion (j'ai des témoins !) 

Mais arriver dans la cafétéria comme une éléphante dans un magasin de porcelaine, j'ai essayé une fois et j'ai eu le malheur de m'asseoir à la place dédiée d'un type qui est là depuis trente ans #faux-pasmajeur et dès que je touchais à la bouilloire, au robinet ou à un tiroir, on me faisait comprendre en non-verbal qu'il fallait que je me pousse. Tout ça pour manger en 5 minutes, parce qu'ici c'est comme ça que ça se passe, et en faisant, par-ci par-là trois échanges de small talk qui ne vont rien m'apporter (ce qui n'est pas un problème), mais qui vont me faire perdre énormément d'énergie.

Je ne déconne pas. Tu me mets dans une pièce avec 15 quasi inconnus qui me parlent météo ou de leur belle-famille et ma batterie se décharge encore plus vite qu'un Iphone5 pendant une partie de CandyCrush. 

Sauf qu'expliquer tout ça à ces quasi-inconnus, c'est bien compliqué, et eux n'ont pas l'énergie de l'entendre, et j'accepte ça. Du coup, je passe pour la connasse hautaine trop bien pour le reste du monde.

Et figurez vous que c'est pas si grave. Il faut bien que quelqu'un joue ce rôle dans la société, et comme j'ai une anesthésie assez forte au regard des autres, ça glisse un peu sur moi. 

Ce qui m'insupporte, par contre, c'est que ceux qui sont en position de pouvoir (mes collègues extraverties qui hurlent littéralement dans les couloirs pour se raconter leurs anecdotes privées, parlent pendant 20 minutes avec des voix haut perchées de personnages de dessin animés et jouent à faire des défilés de mode dans les couloirs pendant les heures de bureau) forcent ceux qui sont en minorité (les gens comme moi qui ont besoin pour leur santé mentale et leur santé tout court de se couper du monde pendant un petit moment) à compromettre leur équilibre pour participer à une mascarade dont ils ont inventé les règles en l'appelant "normalité".

Surtout que, j'ai rien contre me faire des amis, apprendre à connaître des gens, m'intéresser, poser des questions et être curieuse, mais la première chose que tout le monde m'a dit ici c'est "Essaye de te faire des amis, tu restes pas assez longtemps, personne voudra perdre du temps avec toi." (car le temps c'est la valeur suprême en Amérique du nord et personne n'aime en perdre).

Donc amis extravertis, je vous en conjure, la prochaine fois que vous remarquez quelqu'un en retrait, c'est cool de lui proposer de se joindre à vous, si vous en avez envie, mais si la personne vous dit "non, merci", ne lui répondez pas une sorte de menace voilée en mode "ah bah comme tu veux mais si tu fais ça tu seras grillée avec tout le monde." C'est petit, mesquin et cruel. 



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