mardi 29 mai 2018

[YUL&I - 13] Don’t know my home, I don’t know my place



Samedi était donc le troisième jour de la pleine lune. Si vous avez lu mes aventures précédentes, vous savez ce que ça provoque chez la population Montréalaise. 
Je crois que votre servitrice s'est laissée prendre au jeu puisque après avoir passé un vendredi dans le coma ou presque, à digérer toutes mes émotions, celles de mes potes, et celles de mes prétendants (éconduits ou non), j'avais assez d'énergie pour remettre ça le samedi.

Ca a été une journée formidable à base d'os de dinos, de Key lime pie, d'animaux mignons et de bière. Forcément. 


Le soir j'avais un concert prévu depuis des lustres qui m'a empêchée de retrouver mes potes dans les divers endroits qu'ils fréquentaient (puisque le groupe avait éclaté deux nuits plus tôt).



[Goat Girl et Parquet Courts, toujours aussi lunaires, sans mauvais jeu de mot]

J'avais deux pintes dans le sang quand j'ai embarqué dans un bus pour Mile End où j'ai tangué pendant une demi heure sous les yeux d'un charmant papa d'une toute petite vingtaine d'années qui n'avait d'yeux que pour moi et faisait rouler ses tatouages jolis sous mon regard approbateur tant et bien qu'il en a presque oublié son rejeton. 

Je suis arrivée au Théâtre Fairmount comme si je jouais à domicile et je n'ai perdu de ma superbe qu'en voyant le prix barbare du demi (7 CAD, soit plus que le prix d'une pinte partout ailleurs dans Montréal)((et pour de la pisse hein, autant pousser le yolo jusqu'au bout))

Mais c'est pas grave, j'étais dans le bon mood et il y avait plein de place libre devant la scène, j'allais pouvoir me mettre là où je voulais et, pour ainsi dire, kiffer ma race.

Sauf que moi, je me méfie plus ici. A force de plus me faire héler, aborder, tripoter dans la rue, j'ai complétement baissé mes défenses et je vis normalement. Alors ce n'est qu'à la troisième main au cul reçue, que j'ai commencé à me dire que c'était ptet pas des accidents.

Un ami plongeur dans le fameux bar d'en bas de chez moi me le confirmera : "c'est le premier truc qu'on m'a dit ici : dans les boîtes de nuit et les salles de concert, on peut mettre ses mains partout."

Ah oui. Ah bien. 
Je vois vous avouer qu'après deux mois j'ai bien compris que "tout le monde il est gentil et respectueux" n'est qu'un vernis fortement influencé par l'atmosphère protestante du reste du pays. Y a un gros côté "sourire de façade" et quand on passe en coulisses c'est aussi peu reluisant que chez nous, je vous rassure.

Par exemple, je n'ai jamais autant été assaillie par mes consœurs du sexe féminin que quand j'ai commencé à fréquenter un de leur collègue/pote. Le jugement a été fort et intense et les coups bas nombreux et saignants. Mais je suis là pour si peu de temps que ça m'a aidé à relativiser, à ne pas le vivre mal et à éduquer un peu tout le monde en mode "ma parole vaut celle des mâles, viens me voir on en parle, tmtc". 

Jusqu'au moment où une pilière de bar, que nous appellerons "Crala" pour préserver son anonymat, et à qui j'avais fait la conversation de manière fort courtoise, a posé sa main sur mon bras avec une force de 5,9 sur l'échelle Richter, le clouant au bar.
J'ai pas compris, parce qu'on était vraiment en train de parler de sujets légers, puis elle m'a jeté un sourire carnassier en me lançant :

"Y a un truc que tu sais pas sur moi."
"Même pleins vu qu'on vient de se rencontrer mais éclaire-moi, Crala, je t'en prie."
"Je t'ai chauffé la place..."
Je regarde nos chaises, puis toutes les chaises vides autour de nous, et je n'arrive pas à me dépêtrer de mon premier degré avant de lui répondre : "...je suis assise sur ta chaise ?"
Ses yeux sont alors passés en mode Dark Maul et j'ai compris que la chaise était tout à fait métaphorique dans l'histoire. Son regard sanguinaire s'est alors porté sur Jean-Chum, derrière le bar, et j'ai tout compris d'un coup comme une grande.
Dans un esprit de grande solidarité féminine, j'ai alors posé mon autre main sur celle avec laquelle Crala m'immobilisait et je lui ai dit avec un sourire franc :
"Mais cette chaise est libre. Très très libre même. Je pars dans trois semaines, t'sais."

J'ai alors pu recouvrer mon intégrité physique en me demandant très fort ce qu'il serait advenu de ma main droite si jamais j'avais prévu de m'installer plus longtemps au pays des caribous. 

Mais comment ai-je atterri dans ce bar ce soir-là alors que j'étais à des kilomètres de là, 4,5 pour être précise, à un concert rock poisseux dans tous les sens du terme ?

Et bien je suis sortie en titubant à la fin du concert, crevée de ce roller-coaster émotionnel arrosé de bière et de shots qu'est devenue ma vie d'expat, ma robe trempée d'une sueur étrangère à mon corps avec l'envie folle d'une douche et de mon pyjama.

Sauf que le bus passait 40 minutes après et que j'avais envie d'une douche et de mon pyjama MAINTENANT.

Je me suis donc mise en marche dans les rues parallèles et perpendiculaires du Mile-end puis du Plateau et enfin du Quartier Latin. 

En chemin, je me suis retrouvée comme de par hasard sous la fenêtre d'un autre de mes beau, celui que je regarde de loin, trop chamboulée par ses yeux verts, ses larges épaules et son cœur gros comme un Maine Coon pour tenter quoi que ce soit. Mon amour-propre n'en est pas là.

J'ai sérieusement pensé à lui faire le coup des petits cailloux contre la fenêtre et c'est là que je me suis dit qu'il fallait décidément que je rentre me pieuter.

Pour garder l'esprit net, je faisais une bataille de gif avec ma nouvelle BFF locale. Je lui décrivais combien les derniers mètres étaient durs. Ajoutant facétieusement "comme ma bite". Parce qu'il était minuit passé et que c'est la pleine lune et que oh hé hein bon. 

Et alors que j'étais dans la dernière droite, que mon lit hurlait mon nom et que ma douche n'attendait que mon corps nu, ma pote m'envoie un message très sibyllin me faisant comprendre (ou pas) qu'elle aurait (peut-être) besoin de venir dormir chez moi.

A ce moment, tout est très flou. Mais je comprends que je vais être dans l'obligation de coller un vent momentané à ma douche et mes draps, j'arrive devant chez moi, je comprends toujours pas si ma pote va me rejoindre, ce que je comprends c'est qu'elle est pas tout près et que si je monte chez moi, je vais m'effondrer, ne pas l'entendre arriver et la faire dormir dehors (dehors étant l'endroit où un type s'est fait poignarder à la tête et où des fenêtres s'écrasent aléatoirement). 

Je me suis donc résignée à poser mes fesses sur mon escalier.
Ici on a tous des escaliers extérieurs parce qu'on est des gens trop classes et qu'un urbaniste a décrété que tout le monde devait avoir des jardinets et que les irréductibles Montréalais ont gagné de la place comme ils ont pu tout en lui obéissant, d'où les escaliers dehors, ce qui est joli mais pas très pratique quand tout est verglacé.

10 minutes après, alors que je secouais mon téléphone pour qu'un message statuant sur mon sort arrive plus vite, j'ai entendu les deux mots qui allait ruiner définitivement mes plans.

"Salut, toi."

Alors : c'est génial d'habiter au-dessus du travail de la personne avec qui on fricote, notamment on peut l'observer depuis sa fenêtre flirter très professionnellement avec tout un tas de ses clientes "pour les pourboires", et on peut aussi mater allégrement ses collègues sans que lui nous voit, win to the win.   
MAIS : c'est moins génial quand on veut rentrer en tapinois chez-soi et dormir comme un gros phoque d'un sommeil trop longtemps reporté.

Bref, j'ai fini par jouer la moitié de mon budget aux dés, car la chance des débutants m'avait quittée, et que j'ai pas pu m'empêcher de payer des shots extras aux fameux collègues de Jean-Chum que j'avais matés depuis ma fenêtre. 
Par acquis d'inconscience dirons-nous.

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