Ce n'étaient peut-être pas mes premiers pas dans les Pays de l'Est, mais c'étaient ceux de Vâscul* (pour des raisons d'anonymat, les prénoms ont été changés par des équivalents roumains rigolos et un peu ridicules, aussi)(car en Roumanie tout, ou presque, finit en "ul")...
...sauf que le fait que mon amie ignorait tout d'où elle mettait les pieds, je ne l'ai découvert qu'à bord du bus nous menant à notre logement quand elle a dit quelque chose du genre : "bon, c'est pas ouf jusqu'ici mais c'est sans doute parce qu'on est près de l'aéroport."
Oh sweet summer child... ai-je donc pensé.
"Euh, VâVâ, c'est où le plus à l'Est où tu sois allée, dans ta vie ?"
"Le Japon ?"
"Non mais... en Europe ?"
"La Belgique ?"
Je suis donc instantanément entrée dans une crise de panique discrète, en me disant que je n'allais pas trop savoir comment lui vendre le charme de l'est, du béton armé et des routes avec des trous assez larges pour laisser passer des chars russes (en cas de soulèvement inopiné).
La culpabilité m'étreignait. Comme je l'ai dit dans les épisodes précédents, je suis une reine de l'orga. Je prévois tout. Tout le temps. Je checke. Je rechecke. Je République Tchèque. Je suis sans failles.
J'avais juste omis de préparer mentalement mon amie à notre destination. D'un coup, je me suis dit qu'on allait peut-être se retrouver avec deux syndromes du voyageur sur les bras, en attendant que rat-des-champs nous rejoigne - à une date encore incertaine à ce moment en raison de facteurs multiples qui ne sont la faute de personne et pourraient arriver à tout le monde, non vraiment.

Par où commencer ? L'histoire chahutée du pays, voire de la région ? Passer par la parabole de mes deux années au Havre (dont on nous apprend à aimer la beauté à l'aide de grands cours magistraux d'histoire du patrimoine, comme on mouille la nuque à un enfant avant de le pousser à l'eau) ?
J'ai opté pour "Là, regarde, un tyrannosaure !"
Merci au musée d'histoire naturel de s'être trouvé sur notre chemin et de m'avoir fait gagner un précieux temps.
En regardant autour de moi à l'affût d'autres éléments pour occuper l'esprit de VâVâ, comme on cherche désespérément un hochet pour empêcher un bambin de pleurer, j'ai repéré une vieille dame qui faisait le signe de croix à l'envers.

Pas bon signe. Il fallait donc la distraire autrement. Je lui ai alors posé des questions sur la Formule 1, sachant qu'avec ça, on était partis pour 30 minutes de quiétude.
De temps à autres, je regardais vers la dame, qui une fois sur deux, se remettait à se signer.
VâVâ a fini par proposer : "Peut-être qu'elle a peur en bus ?"
Ce à quoi j'ai répondu : "Moui ?"
Car mon cerveau était toujours à 90 % occupé à essayer d'inventer une jolie histoire pour enrober l'endroit où, c'était trop tard maintenant pour reculer, nous allions passer les huit prochains jours.
D'aucuns diraient que je dramatise. Mais d'aucuns n'ont pas connu VâVâ à l'étranger qui, à la moindre anicroche, s'arrête complètement de fonctionner en mode "erreur système".
Ce fut le cas à Londres pour cause de : rhume.
Donc autant vous dire que je ne la pensais pas prête pour : l'esthétique de BUCAREST.
Parenthèse refermée, j'étais dubitative quant à la raison invoquée pour le stress apparent de la mamie*, déjà parce qu'elle avait pas l'air stressée, même si elle se signait pour la 18ème fois, mais aussi parce que si les ex pays communistes ont un atout, c'est bien les transports en commun. Propres, modernes, efficaces (en théorie), développés chez eux avant partout dans le monde ou presque.
Bref, on était presque arrivées à notre point de chute, ne nous restait qu'à aller faire les courses pour les petits déj de la semaine (là, le choc culturel tenait plus du fait que le Carrefour à côté de chez nous était ouvert 24h sur 24 que sur le magasin en lui-même, vous l'aurez deviné) quand patatra...
"Mais c'est horrible, en fait cette ville ? !"
*Rat-des-champs nous expliquera plus tard (car spoiler: elle finira par arriver) que les orthodoxes se signent devant chaque église ou élément religieux. Et il y en a à tous les coins de rue à Bucarest.