lundi 3 octobre 2011

All my own stunts


Il est accroché à la baignoire, assis sur le rebord, les deux mains serrées de chaque côté de ses cuisses. 

Je ne me souviens plus de son visage (celui d'un type qui lui ressemble l'a depuis longtemps remplacé dans ma mémoire), je me souviens de ses yeux. Rouges. Mouillés.

Je me dis qu'il se passe beaucoup de trucs impliquant des garçons dans des salles de bain et des regards intenses dans ma vie. Mais j'ai trop bu pour baisser les yeux. On n'est même pas dans ma salle de bain. On n'est même pas maintenant. On est il y a 2 ans, déjà. 

J'ai des souvenirs diapositives de lui qui se succèdent, moi assise sur le canapé, lui sur l'accoudoir, moi allongée par terre, lui sur la chaise, et puis moi debout dans la salle de bain, contre la vasque, lui, en face, sur la fameuse baignoire.

J'ai dit quelque chose qui a fait fondre ce grand garçon en larmes. Me raconter les pires moments de sa vie de caméraman quand, pour manger, il a bossé sur des films pour adultes. Et là j'ai vu le traumatisme du gars. Le besoin d'en parler, et l'instant rêvé : une inconnue, une fille. Un truc qu'il pourrait pas dire devant ses potes ou à sa famille, là, il le pouvait. 

Je me souviens que plus tard on s'est endormis à même le plancher, il a vaguement essayé de coucher avec moi, mais je me suis endormie. Encore une de ces fois où j'aurais pu mais où j'ai rien fait.

Je me souviens de quand il m'a raccompagné en taxi, au petit matin, où j'ai insisté pour reprendre le métro, un peu désordonnée sur mes talons à 8h du mat', où il m'a rattrapée par le bras et m'a fourré dans la première voiture venue, sans me demander mon avis. Moi qui déteste ça d'habitude j'ai trouvé ça follement galant. Je ne me l'explique pas. 

Quand une fois de plus il m'a fait comprendre qu'il voulait monter chez moi je lui ai sorti l'excuse la plus bidon du monde : non les exterminateurs doivent passer me débarrasser des cafards qui aiment à se nourrir chez la vieille d'en dessous et se balader chez moi pour digérer.

Je me suis souvenue de son meltdown, de son attitude chevaleresque trop rare et je lui ai laissé mon numéro sur un morceau de page de cahier.

Il m'a lancé le même regard que dans la salle de bain, les larmes et le rouge en moins - le rouge c'est moi qui l'avait sur les joues, et il a dit "tu sais que je te rappellerai pas".

J'ai dit "Je sais". J'ai glissé le papier dans sa poche, je l'ai remercié, embrassé sur la joue, et j'ai couru me réfugier dans mon immeuble, juste à temps pour croiser les exterminateurs dans les escaliers et les forcer à remonter jusqu'à chez moi.

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