lundi 16 avril 2018

Is there life behind the neutral zone?

 
Je ne suis pas plus seule ici.
C’est la réflexion que je me suis faite, sur un tabouret de bar, une pinte à la main, et Public Access TV devant moi, sur une petite scène qui aurait pu être celle d’une salle des fêtes.
Oui, à Paris, je suis plus entourée. J’ai une coloc, des collègues de bureau, des ami(e)s que je vois au moins une fois par mois. Pourtant la solitude a toujours été là.
La solitude, chez moi, est encore plus difficile à doser qu’une prescription d’antidépresseurs.
Quand je suis entourée, j’ai vite envie d’être seule, et quand je suis seule, vient toujours un moment où je le suis trop.
Ma bulle de protection est parfois si épaisse qu’elle affecte mes sens et lorsqu’on s’adresse à moi sans que j’y sois préparée, il faut que je demande 3 à 4 fois à la personne de répéter le temps de recouvrer l’ouïe et de tout reconnecter.
Je vis beaucoup en parallèle du monde parce que je ne le comprends profondément pas. Le monde réel est d’une violence totale pour mon hypersensibilité. Parfois, je demande à mes proches de m’expliquer leur comportement mais c’est bien souvent pris comme une remise en question de leurs valeurs fondamentales. Je reste donc à la porte de bien des comportements sociaux.
Sauf qu’au lieu de tenter de défoncer ou de contourner cette porte, j’ai, toute ma vie, élu domicile juste devant.
De temps en temps je passe la tête à l’intérieur, mais je n’y reste pas bien longtemps, car je n’y comprends rien, c’est épuisant, et on me fait vite remarquer que je n’y ai pas ma place.
Je trace ma route tant bien que mal.
Ce week-end, par exemple, j’ai effectué un voyage dans mon voyage, car ce serait bête de passer 3 mois à Montréal sans visiter Québec.
Je me suis vraiment poussé à l’extrême. C’était l’inception de sortir de sa zone de confort, et j’y suis parvenu assez bien. Seule, comme toujours.
J’ai tellement pris le contrepied de la solitude, que dans mon système de valeurs, être accompagnée ternit un peu l’exploit.
Car chaque prise de parole est une victoire en soi. Chaque eye contact est une torture. Chaque imprécision, maladresse ou faux-pas de ma part est sans cesse réitéré dans ma tête pour nourrir la petite bête qui n’attend que ça pour psalmodier la liste de mes défauts et de mes échecs.
Ca ne va pas non plus quand je réussis trop fort, trop vite, trop bien. J’ai tendance à partir loin dans l’excès inverse. A me souvenir de tous mes moments de win et à me considérer comme bien au-dessus des autres pour qu’ils puissent m’apporter quoi que ce soit.
L’équilibre est infiniment difficile à trouver. Mes réflexes anti-sociaux (provoqués par l’anxiété hein, je suis malade, pas « folle ») sont omniprésents et je les vois de l’intérieur au moment où ils se déploient. Je n’ai pas prise sur eux.
Quand je suis seule dans un endroit inconnu, je passe malgré moi en hyper vigilance. Je suis tendue naturellement. Chaque muscle est crispé. Et cela entraîne des mouvements raides, maladroits, chelous aux yeux des autres.
Je vois ça aussi du fait que dans ces cas là ma Paréidolie est exacerbée, ce qui, si je suis trop épuisée ou en stress (ou saoule) peut se transformer en visions cauchemardesques et hallucinatoires.
Pourquoi suis-je comme ça ?
Parce que le corps est bien fait. Mes traumas sociaux ont été si importants que tout mon être se défend dès que je suis face à des étrangers ou susceptible d’en croiser.
C’est un réflexe sain, de protection, basé sur l’expérience (d’avoir été agressée, verbalement et physiquement à répétition alors que je ne cherchais pas la provocation), amplifié par le syndrome post traumatique.
Ce qui me permet de survivre et de continuer à avancer creuse un peu plus le fossé entre moi et les autres. J’apparais comme un être étrange, qui peut mettre mal à l’aise, car je ne parviens pas à faire du small talk, parce que mes gestes sont saccadés, peu naturels, parce que j’ai l’air toujours soucieuse et, souvent, pour des yeux extérieurs, inquiétante voire malveillante.
Pour éviter les coups, je me suis longtemps entraîné à être transparente. Pour ne pas être la cible. C’est aussi ça, l’hyper vigilance. Sauf que là encore, ça entretient ma faible estime de moi, puisque quand cela fonctionne, cela fonctionne trop bien. On m’oublie beaucoup. On ne me compte pas quand on fait une réservation. On ne pense plus qu’on s’était dit qu’on déjeunerait ensemble. Au restaurant, ici, au pays du client roi, on m’a oubliée une demi-heure, on a d’abord oublié ma commande, puis le cuisinier a oublié de la faire. Ca a d’autres avantages : on m’interroge moins souvent, j’ai peu de problèmes avec les autorités, je peux facilement me faufiler dans des endroits inaccessibles.
Cette distance, à moitié subie, à moitié voulue, est ce sur quoi j’essaye de travailler, car il y a du bon dans beaucoup de ces postures. Or je sais très bien qu’en maintenant cette vigilance, fort utile pour plein de choses, je m’empêche de combler mon besoin de vital de rapports humains profonds. De conversations palpitantes sur des sujets abstraits compliqués, à cœur ouvert, sans barrières.
Ça fait un moment, déjà, que j’erre dans la no man zone, en quête de neutralité. Ça me met hors de portée des moments de crise, mais aussi des moments d’intense bonheur, ça me fait devenir tous les jours un peu plus quelconque, moins remarquable, de fait. Ça m’éloigne d’autant de celle que je suis et que j’ai si bien connue pendant les vingt premières années de ma vie. Avant de dire stop, et de décider d’aller mieux. 
Ce qui a en partie réussi… mais à quel prix ?

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