vendredi 25 janvier 2008

Eugene


Falaises d'Etretat, temps gris, vent léger, vêtements qui flottent et homme en noir -élégant-, jeune fille en robe d'un autre temps, les cheveux détachés, qui le suit bon gré mal gré.

"Hey, attends sacredieu, j'ai pas des jambes de garçon moi."
"..."
*con de peintre*
"Hey, Eugene, pourquoi tu t'es jamais marié ?"
"..."
"Hey, Eugene, pourquoi tu le détestais Courbet ?"
"Il m'admirait trop pour être honnête."
"Oh. Et Géricault, tu l'admirais trop pour être honnête ou tes belles phrases ne valent pas pour toi ?"
"Géricault m'aimait beaucoup trop aussi."
"Alors, voyons s'il a été honnête, c'est toi ou c'est lui le portrait de 1815 ?"
"Je ne vois pas de quoi tu parles."
"Taré."
"Je te demande pardon ?"
"Courbet ? Tu crois qu'il t'a tout piqué hein ?"
"Je n'accuse..."
"...tiens, regarde un peu, le portrait de toi soi disant par Géri, et l'autoportrait de Gustave :
"Ne cherche pas le mal, c'est comme ça que tu le trouves."
Le haut de la falaise est atteint, le vent souffle un peu plus fort, les rubans se soulèvent, la mer se déchaîne au pied, et un navire disparaît à l'horizon.
Etrangement, aucun goéland ne trouble l'échange.
"J'étais vexée quand j'ai lu ta définition du "sot", je me suis sacrément reconnue dedans..."
"...mais comment ? Tu as lu mon journal ?"
"Oh tu sais, c'est chose courante de nos jours, les gens aiment à se vautrer dans les détails insignifiant, un peu comme les pucerons hermaphrodite. Alors on édite à tour de bras des écrits privés de gens qui ont importé, et même de gens qui importent peu..."
"Tu n'aimes pas les éditeurs ?"
"J'aime les artistes morts, les yeux bleus, les cheveux blonds, la neige et les chats. Les gens maintenant aiment acheter des choses, mettre tout sous clef, et jouer à qui brillera le plus."
"N'aiment-ils plus... la musique ?"
"Plus comme avant, je dirais. Enfin. Y'a eu le rock quand même."
"Le roc ?"
"Ouais. Et je suis sûre que tu serais né un siècle plus tard on te retrouvait au fond d'une allée une seringue dans le bras."
"Ne présume de rien, demoiselle. Ton ère n'est peut-être pas si fâcheuse."
"Figure toi que tu serais né un siècle plus tard, on aurait su si t'étais bien le fils de Talleyr..."
"...ssssshhhhhhh."
"Moi je crois que c'est un autoportrait." elle rit. Il soupire :
"Tu n'en démordras pas ?"
"Ils l'ont passé à l'infra-rouge tu sais. Cons de conservateurs." (fronçage de sourcils)
"Ton langage, ton langage..."
"...nan, TON langage. Tu sais, tu serais né à dix ans d'intervalle de moi, je t'aurais harcelé pour te publier."
"C'est vrai, j'aurais aimé..."
"...mais ça n'aurait pas été honnête."
****
Je me demande bien pourquoi je ne fais que dessiner des petites filles face à la mer, de dos, au sommet d'une falaise.

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