lundi 30 août 2010

Stage beauty

Je l'ouvre parce que c'est mon avant-dernier mois, de mon tout dernier stage.

En effet, je me refuse à remplir une inscription bidon à la fac pour accumuler une expérience que j'ai déjà. 
C'est mon stage de fin d'étude, (6 mois payée 30% du smic, cantine à prix préférentiels, moitié de la carte de transports remboursée), cela cumulé à mon mois en librairie (non rémunéré, on m'a quand même gracieusement offert une lampe à cliper sur les livres pour lire dans le noir cadeau d'un fournisseur), un week-end au salon du livre de Rouen (bon d'achat d'une dizaine d'euros à valoir sur le salon, chambre d'hôtel et transport indemnisés), ma semaine au salon du livre de Paris (dédommagée 50€ pour du 9h-19h, parfois -22h, cela couvrant à peine les frais de transport), mes trois stages précédent dans l'édition. 

Détaillons : le premier, deux mois 1/2, en province dans une petite maison (pour ne pas avoir à me rémunérer, la barre étant à trois mois et un jour à l'époque, je recevrai en tout et pour tout un ticket de cinéma aux frais de la princesse, j'aurais donc payé pour ce stage puisque mes frais de transport s'élevaient environ à 48€ par mois), le deuxième, trois mois 1/2, auprès d'un éditeur qui a insisté pour que je sois payée, tickets resto + remboursement de la moitié du coût de la carte de transports, 30% du smic, le troisième et avant-dernier : 4 mois, 30% du smic, une légère augmentation le quatrième mois (de l'ordre d'une dizaine d'euros), indemnité cantine prise en charge.

Voila vous avez le topo. 18 mois en tout payés 5400 € (nets, dieu merci) à temps complet sans compter les heures supp'  (bouclages, réunions, démontages tardifs lors des salons...)

Je ne sens pas l'utilité de rempiler pour un an, et là encore je vais vous expliquer pourquoi.

Car oui, c'est le jeu, oui je le savais en prenant une filière pro que j'allais accumuler des boulots où on me demanderait de tout faire pour presque rien.
Tout faire ? Tout faire. Lors de mon premier stage j'ai nettoyé une cave de fond en comble (poussière et humidité comprise), j'ai été enquêtrice pour des stats sur les présidentielles (après une série de questions banales je devais demander pour qui avait voté la personne aux présidentielles de l'époque, autrement dit, beaucoup d'insultes, lot quotidien de cette profession pour laquelle je n'étais pas formée) & enfin j'ai repris poste pour poste la mission du rédacteur en chef d'un guide qui venait de démissionner, tout en assurant le standard. Dans mes autres stages, il s'agissait souvent de servir à boire (hors salons) ou d'aller faire les courses personnelles de mes supérieurs (classique) mais j'ai aussi vu des stagiaires être recrutés comme Baby-Sitter sur leur temps de travail, comme réparateurs de tout et de rien (de la plomberie aux étagères), et bien sûr manier de la bouteille d'eau, autant pour remplir la machine à café pour tout le monde que pour s'occuper des plantes de l'étage.

Soit. Il faut en passer par là. Chaque expérience te rend plus fort, petit padawan. Et ces millions de photocopies tu les délégueras à ton tour, quand tu seras un grand cadre sup grâce à ton Bac+5.

Ce qui est plus grave, c'est l'invisibilité du stagiaire, maladie fortement répandue (même si pas forcément systématique). Prenons mon stage de fin d'année.
On m'a présenté deux fois à la dizaine de personnes avec qui je travaille quotidiennement, la première lors de mon entretien, la seconde lors de mon premier jour. Je me suis encore présentée plusieurs fois durant les premières semaines. Trois mois après le début de ce stage qui allait en durer six, personne ne connaissait mon nom, à part les deux personnes dont je dépendais hiérarchiquement. 

Plus étrange, on ne me disait pas bonjour le matin, on ne répondait qu'une fois sur deux, de loin, à mes "bonjour" "au revoir" "bon week-end" "bonnes vacances", on entrait dans mon bureau sans me jeter un coup d'oeil. Puis, on a commencé à me bousculer sans s'excuser - sans me voir ? A renverser des piles de livres que j'avais rangées sous mes yeux, sans les ramasser. A organiser des pots de départ / d'arrivée autour de mon bureau sans m'y convier, sans me parler, sans me regarder. 

Ce n'est pas un défaut d'intégration de ma part : c'est la politique de l'entreprise. On ne convie pas les stagiaires aux réunions (il faut qu'ils écoutent aux portes pour grappiller des morceaux d'information sur ce qu'ils auront à faire, en gros, les bouquins sur lesquels on bosse tous les jours peuvent être reprogrammés sans qu'on nous prévienne). A la cantine, hors de question de se mélanger (ce qui était pourtant le cas l'année dernière, comme quoi : pas systématique). 

Ce manque de considération (voire de respect) mène à des situations étranges, de délocalisation du stagiaire, dont personne ne veut à côté de lui, alors on le trimballe d'un bureau à un autre, en fonction du désagrément engendré. 

Cela entraîne aussi une certaine cohésion parmi les stagiaires (parfois plus nombreux que les salariés de la maison, notamment en été), dans une maison moyenne à grande, il n'est pas rare de voir des tablées de 8 stagiaires, du stagiaire presse aux stagiaires édito en passant par les stagiaires marketing et créa. Le stagiaire semble être l'accessoire à la mode pour l'éditeur qui peut se dire "ça y est, j'en ai un, moi aussi" à l'image du dernier sac Gucci ou d'un chihuahua (mais propre et doté de pouces opposables lui permettant de manier la plupart des modèles de photocopieuses). 

Cette cohésion amène des discussions, des pauses, du soutien moral, le reste du cheptel soigne l'animal le plus blessé du jour histoire qu'il ne s'écarte pas trop. Ces discussions font du bruit. Les stagiaires sont donc priés d'aller parler ailleurs. Soit. Les stagiaires se déplacent donc où on leur a dit de se déplacer, en face des ascenseurs où deux fauteuils (ma foi, confortables) trônent (pour au minimum 4 stagiaires). Pour voir arriver, cinq minutes top chrono après, la responsable gestion, qui leur tient à peu près ce langage : "des gens importants sont susceptibles de passer" "vous savez on est juste en dessous de l'étage de la direction et vous voir comme ça donne une mauvaise image de l'entreprise".

Le stagiaire tâche. Pas les comptes de l'entreprise (bénéficiaire, même si les salaires des femmes de l'édito -ce que j'aurais peut-être un jour- sont à 19% inférieurs à ceux des hommes). Mais l'image. 

Le stagiaire dans l'édition connait des creux d'activité et des crêtes d'activité. La plupart du temps, sur un stage, le stagiaire aura au moins eu 2 semaines à ne strictement rien faire. A se demander si on n'e la pas carrément oublié (et qui en profitera, lui, pour rédiger son rapport de stage et/ou son mémoire et qui, pour une fois, ne se plaindra pas). 

Je ne suis pas la plus à plaindre, et là n'est pas le but, j'ai eu des missions passionnantes parfois, et je me suis démerdée pour apprendre mon boulot (parfois malgré mes supérieurs, certes). Je me sens prête pour un marché du travail (qui ne veut pas forcément de moi) puisqu'avec mes moins de 25 ans (22, pour être exacte) je suis personna non grata pour la plupart des aides, je n'ai pas tellement d'alternative.

Mon premier entretien d'embauche arrive, quand j'ai posé la question ingénue "avec bac+5, pour un premier boulot en tant qu'assistante édito, on peut demander combien par mois ?" on m'a répondu "euh... le smic."

Je demanderai forcément plus. Comme j'ai toujours demandé plus de travail payée pareil. Je me suis remboursée en me formant. En en apprenant plus sur la nature humaine. Sur la hiérarchie entre les hommes (pas dans l'entreprise : entre les hommes). Je ne suis pas une victime, je suis juste passée par là. 

Le système doit changer. Les stagiaires doivent obtenir un statut officiel, et j'insiste, un statut officieux.


2 commentaires:

  1. J'ai un bac +5 mais je ne suis pas grande cadre sup.
    Je me sens légèrement spoliée...

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  2. C'est un peu triste de constater que certaines entreprises n'intègrent pas bien les stagiaires au sein de leur personnel...

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