Ma mère croyait qu'il dormait au milieu de la route, comme d'habitude, alors elle l'a appelé, pour le déloger.
Il n'est pas venu.
Il paraît qu'il y avait un peu de sang et qu'il ne respirait déjà plus.
Moi je ne sais pas, j'étais loin. A Paris, entre 4 murs blancs. Le stress au coeur. Je n'ai rien senti.
Je regardais toujours, pourtant, je surveillais, son flanc qui se soulevait, sa respiration continue. J'étais rassurée, et moi aussi j'allais me coucher.
Dans la famille que je m'étais recomposé il avait la place de mon autre. L'inconditionnel. L'irrationnel. Celui pour qui j'aurais ramé dans tous les cratères du monde.
Il avait environ 11 ans, et connu toutes les misères du monde avant de tomber sur moi, un jour glacial de décembre.
Il volait la nourriture de son prédécesseur et déguerpissait avant qu'on ne puisse le battre. Sauf que je ne voulais pas le battre.
Le jour de la sainte Lucie - Lucifer. Je suis sortie avec un gros manteau et je l'ai appelé. Patiemment. Longuement. Toute une après-midi, j'étais le petit prince et il était le Renard - Fox. Je l'ai apprivoisé. En me mettant à sa taille, en miaulant comme lui, dans la boue, enfin, il est venu jusqu'à moi et s'est frotté en ronronnant trop content d'avoir regagné foi en l'humanité - en moi. Brinqueballant puisqu'ancien chaton battu, il s'allongea sur le dos et m'offrit son ventre - Caramel.
Tous les soirs où mes parents me laissaient seule à la maison, je faisais entrer ce compagnon inespéré en douce, je lui refilais ce que je pouvais en bonne végétarienne que j'étais, des morceaux de fromage et du popcorn qu'il avalait sans rechigner. Puis mes parents rentraient et vite fait je le virais. Cette cloche restait devant la porte vitrée sans trop savoir ce qui se passait.
Et puis, et puis, mon grand-père l'a rencontré, l'a qualifié de "vrai chat", et ça voulait tout dire, croyez moi. Et puis mon grand-père est parti, alors Lulu est resté, m'a tenu chaud, m'a rappelé que la vie continuait et qu'il n'allait pas ouvrir ses boîtes tout seul.
Il y a eu la nouvelle maison, sa rencontre avec Théo, le chaton des voisins, son amoureux de quasi-toujours. Il y a eu le jour où je l'ai surpris faisant sa toilette, avec un petit truc rouge qui dépassait et que j'ai compris que ce n'était pas une femelle et que je pouvais me gratter pour avoir une portée de chatons. De mini-Lui.
Il y avait avant tout sa gentillesse, ses regards désespérés quand les bébés envahissaient la maison et tiraient sur sa queue. Mais jamais de rebiffade.
Il y a eu ces longs jours d'été, tous les deux naufragés sur les chauffeuses du salon à végéter. Les promenades au soleil couchant, les chasses au grillon et aux herbes folles. Quand tu t'affolais seulement pour Ray Charles et que tu dansais autour de la table basse - mais seulement pour Ray.
Il y a eu les derniers souvenirs, la côte de porc mastiquée posée devant le sapin qui attendait devant la porte de la maison. La découverte de Gustave le bonhomme de neige. Il y a eu la dernière caresse, mais tu dormais déjà.
Il y a eu ma phrase à ma mère, au téléphone, une fois rentrée à Paris : "Tu prends soin de mon chat, surtout."
[Lucifer Caramel Fox, ? - 29 décembre 2010, le meilleur chat du monde]
T______________T
RépondreSupprimerVoilà, j'en pleure *câlin* (Même si je sais que tu détestes ça...)
Ouai ben moi aussi j'en ai eu les larmes aux yeux quand je l'ai lu! (j'ai juste pas pris le temps de mettre un petit mot)
RépondreSupprimer*Pensées très fort*
Oh nonnnnn, je ne viens que de voir cette horrible nouvelle !!
RépondreSupprimerNon, non, non ! On m'aurait menti : ils n'ont pas sept vies ces bestioles là ? Ou alors, il en était justement à la septième...
Pffffffff... Cro nul !