vendredi 8 juillet 2011

Image de soi & image publique

Je n'ai ni l'inspiration, ni le temps, ni l'argent (?) de vous poster quoi que ce soit de viable pour le week-end, alors voici, retrouvé dans ma clef usb préférée (que je viens d'éclater) mon devoir de M2 sur l'image de soi. Enfin, la partie la moins foutraque. Pourquoi le poste-je ? Parce que si certains d'entre vous ont déjà lu mes travaux estudiantins, ce n'est pas le cas de la majorité et, il est utile de voir à quel point mon style est différent pour comprendre ma schizophrènie scripturale. Sur le fond, même si j'ai tourné le papier pour plaire à une prof un peu spéciale, il éclaire pas mal ma vision du rapport de l'homme à son reflet et donc, par conséquent, et je concluerai par ceci nonobstant : de pourquoi je blogue.


« L'amour de soi est une idylle qui ne finit jamais. »

[ Oscar Wilde ]

« Il ne faut regarder ni les choses, ni les personnes. Il ne faut regarder que dans les miroirs, car les miroirs ne nous montrent que des masques. »

[ Oscar Wilde ] – Entretiens

« L’image » dans mon XIème siècle, est principalement devenue l’image de soi.

Grâce au développement technologique, l’être humain a pu s’observer lui-même avec de plus en plus de minutie. Des miroirs antiques en métal poli à nos webcams actuelles, l’homme n’a cessé de mettre son ingéniosité au service de son reflet.

Jamais à cours d’idée, il a même inventé la télé-réalité, sorte de mise en abime de téléspectateurs regardant d’autres téléspectateurs se regardant eux-mêmes.

L’être humain a cet avantage sur la plupart des autres espèces animales qui est de pouvoir reconnaître sa propre image, et celle-ci n’a eu de cesse de le fasciner à travers les siècles.

Plusieurs thématiques sont nées de cette obsession : l’éternelle jeunesse, le culte de certains canons de beauté…

Et plusieurs supports de diffusion de cette image se sont développés, notamment dans les médias.

Mais qu’est-ce que l’image de soi ?

Est-ce cette photo d’identité que l’on nous demande de prendre le visage dégagé, l’air neutre et la tête droite ? Cette image à environ 80 centimes d’euros qui déterminera si oui ou non on se fera fouillé plus avant aux postes frontières ?

Ou bien la photo de vacance, prise après avoir passé cette frontière, grâce à la photo d’identité – ce laissez-passer. La photo oisive, particulièrement mise en scène, le film de vacances, où l’on se doit d’être souriant et heureux. L’image comme preuve de ce moment bonheur en devient l’ordonnatrice : la caméra tourne, souriez les enfants ! C’est à ce moment là qu’il faut montrer sa joie, parce que c’est à ce moment là que cela enregistre. Peu importe le reste. Peu importe ce qui se passe en dehors du champ.

Est-ce le portrait ? A l’ancienne, en peinture, en sculpture, à la Napoléon ou à la mode nouvelle : plus graphique, à la Barack Obama .

Si, oui, avons-nous affaire à la démocratisation de sa propre image ?

Quand, pendant longtemps, la majorité de la population ne pouvait s’offrir le marbre de la statue ou le talent du peintre, elle est maintenant en mesure d’utiliser des outils graphiques à la portée de tous. De modifier sa propre image. D’effacer elle-même ses rides numériquement et de diffuser dans le monde entier une image modifiée de celle qu’elle offre au naturel.

Seulement, est-ce pour autant une « fausse » image ?

Cette image modifiée étant celle choisie par la personne, qui pourrait se permettre d’affirmer « ce n’est pas vraiment toi » ? La modification esthétique relève de l’intériorité de ce corps, l’image n’en sera que plus complète puisqu’elle puise ces changements dans les goûts et affinités intimes de l’individu, c’est désormais sa personnalité qu’il affiche sur son visage et son corps. Le fonds et la forme mélangés.

Ainsi, la démarche artistique serait la seule manière possible d’obtenir une réelle « image de soi », notamment par l’autoportrait. Si, dans l’histoire de l’art, l’autoportrait était un moyen économique pour le peintre de s’entraîner (le modèle n’étant pas cher et fort obéissant), il n’en reste pas moins une obsession pour la plupart des artistes, multipliant autoportraits sur autoportraits. Cela est visible plus directement pour les artistes plastiques, mais on peut étendre cet état de fait à la littérature, où l’autobiographie prend, depuis Saint-Augustin, la part belle du paysage.

Tous les jours les maisons d’éditions reçoivent des manuscrits, et dans ces manuscrits on trouve beaucoup d’autobiographies, de journaux intimes, de carnets de voyage. Autant d’images personnelles contrôlées envoyées par leurs auteurs (en l’occurrence ceux qui ont retranscrit leur vécu) dans l’espoir qu’elles soient diffusées, et que l’image transmise par ce biais soit la plus courante. L’ultime désir de ces auteurs est que le lien soit fait entre leur nom et cette image d’eux (sous forme de livre, de portraits, de n’importe quelle auto-œuvre d’art), et pas une autre qui pourrait transiter, par exemple, dans la presse, à travers la vision d’un journaliste. C’est par leur propre prisme qu’ils désirent accéder à une certaine popularité, à une reconnaissance. Pas n’importe quelle reconnaissance puisqu’ils veulent être reconnus pour l’image d’eux-mêmes qu’ils ont soigneusement taillée, enlevant des détails gênants, peut-être en en rajoutant d’autres.

C’est donc une lutte de tous les instants entre les différents médias diffuseurs d’images pour s’imposer sur un sujet donné. Une sorte de quête de la vérité sur un individu désigné. D’où un essor de la presse populaire dite « people ». Chaque parution se concurrence pour essayer d’imposer SA vérité sur une personnalité connue, n’hésitant pas à inventer des faits (attribuer des maladies imaginaires, des grossesses, des ruptures…) dans un phénomène qui dépasse parfois la propre parole de l’intéressé. Celui-ci se retrouve alors dépossédé de sa propre image (souvent victime d’une surexposition qu’il aurait lui-même provoqué en souhaitant devenir un personnage public, comme peuvent l’être les artistes). Afin d’avoir leur mot à dire sur cette modification subie de leurs images, les personnalités incriminées utilisent plusieurs méthodes :


_ L’utilisation d’un média concurrent (et souvent plus influent ou générant plus d’audience) pour se faire entendre : passer au journal de 20h pour contrer une polémique créée par la presse radio ou écrite (c’est le cas dernièrement de Frédéric Mitterrand qui, en écrivant ce qui aurait pu passer pour une autobiographie a livré une image de lui dont se sont emparés certains journaux afin de remettre en question une autre partie de son image publique : celle de l’homme politique, du ministre…), ce journal constitue une instance suprême de légitimation de part son audience (l’heure de diffusion est propice à ce qu’une large part des téléspectateurs assiste à un plaidoyer livré en direct), de part son rôle informatif indiscutable et proéminant mais aussi de part son historique de réception d’individus venus dispenser un démenti.

_ La publication par l’individu victime de sa version des faits et par conséquent de sa vision personnelle de l’affaire : c’est le cas du droit de réponse dans la presse ou lors de la publication d’autobiographies ou de témoignages visant à calmer un incendie médiatique. C’est son affirmation comme étant le seul propriétaire de l’unique vérité. On en revient toujours à cette idée que sa propre image ne peut transiter que par ses propres mots.

_ Le témoignage par une personnalité rendue légitime par son image immaculée : le jeu des amitiés et des alliances est également applicable au monde de l’image publique, en effet, certaines personnalités dont l’image a été égratignée font appel à des défenseurs aussi connus qu’eux mais ayant réussi à préserver leur capital sympathie .

_ Le changement d’image physique : cure d’amaigrissement , renouvellement de la garde robe … L’idée d’un embellissement physique est souvent lié avec une idée d’embellissement moral. La logique du « Mens sana in corpore sano » ou de l’esprit sain dans un corps sain .

L’esthétisation de son image propre par l’art peut donc amener à des dérapages médiatiques que l’on peut rattraper par les différentes méthodes citées précédemment.

Une sorte de résistance à ce système s’est cependant développée, et une culture underground de l’image de soi artistique s’est mise en place. L’underground étant, selon moi et la plupart des définitions une réaction à la globalisation et à tout ce qui est « de masse », la culture par exemple.

L’exemple sur lequel je vais me baser est d’autant plus intéressant qu’il a été créé par un artiste ayant une renommée importante dans son champ d’action qui n’aurait sûrement jamais réfléchi à cette problématique s’il n’avait été lui-même un enfant star.

Hitrecord avait principalement pour but d’exposer les œuvres de son créateur, Joseph Gordon-Levitt, mais sa popularité lui a conféré un statut nouveau : celui de communauté. Loin d’être effrayé par cette affluence, Gordon-Levitt a souhaité développer cet aspect de son site personnel et a organisé un forum permettant d’héberger les œuvres de ses admirateurs.

Il s’agit d’enregistrer quoi que ce soit par quelque moyen que ce soit à tout moment. D’appuyer le plus souvent sur le bouton « enregistrer » d’où le titre « Hit Record » comme intimation à exécuter ce geste et à essayer d’en faire un réflexe. Ces « records » ou « enregistrements » peuvent prendre la forme d’une adaptation graphique et performative de poème (Chanson des escargots qui vont à l’enterrement de Prévert ), le jeu sur l’image dans ce cas précis étant la déformation de sa voix et de l’image même du poème, un passage pour lui de l’anglais au français et pour le poème de l’écrit à l’audiovisuel. On peut également citer une œuvre entrant particulièrement dans notre sujet : une capture miroir d’images de paparazzi le pourchassant ; en les filmant il inverse une situation habituellement subie et administre à ses poursuivants leur propre médecine. Cependant ce n’est pas une habitude nouvelle, puisque l’on peut remarquer que déjà au moyen-âge on jouait beaucoup avec l’image des choses et des gens, notamment par le phénomène d’anamorphose .

Ce qui est intéressant dans la démarche du site « Hit Record » c’est que cette attraction suprême de l’être humain à son image est récupérée intelligemment dans une optique de création. La captation est alors récupérée par de jeunes esprits anonymes et placés en opposition complète avec les images diffusées par les mass-media, elle est redéfinie. L’enregistrement d’images n’est plus une quête de vérité unique et universelle à tout prix mais le témoignage de vérités propres à chacun, de visions personnelles. C’est l’utilisation de périphériques pouvant toucher des millions de personnes à l’échelle individuelle. Un artiste considéré comme underground a lancé un site sans envergure, sans publicité, sans sponsors ou mécènes de quelque sorte et a réussi à en faire une plateforme touchant un groupe dynamique s’auto-gérant et s’auto-nourrissant. L’inspiration provenant des enregistrements disposés sur le site par les autres membres. C’est une alternative à la généralisation et la globalisation de la culture. La solution serait en effet que plusieurs groupes animés par un intérêt commun cohabitent et se fassent avancer les uns les autres (un principe totalement démocratique que l’on peut comparer au pluralisme des partis politiques), ainsi, plus de « marge » et de « masse » mais des niches organisées à la manière des cellules d’un corps humain.

Conclusion

Il semblerait qu’aujourd’hui, grâce à l’évolution technologique et sociologique, l’humain ait acquit la possibilité de modeler sa propre image. Cependant, cette capacité est accompagnée d’effets secondaires et de dérives comme la désappropriation de sa propre image par les médias par exemple ou la quête parfois mortifère d’une image modèle ne pouvant convenir à tout le monde (les mensurations de rêve exposées par les créateurs de mode ont causé la mort par anorexie de nombreux mannequins poussant les organisateurs de défilés à imposer un poids minimum par exemple).

Une majorité de gens se sont mit en quête d’eux-mêmes, afin de façonner leur image à partir de leur « moi ». Le recours à la psychanalyse, très populaire durant toute la fin du XXème siècle, ou l’afflux de mémoires et autres autobiographies sur les tables des librairies en sont des preuves. Avec ce deuxième exemple, on remarque une double thématique : la recherche de soi se fait publiquement, ainsi le journal intime devient couramment un blog, et perd toute notion d’intimité. On pourrait se demander si l’esthétisation de son image doit nécessairement passer par une perte de la sphère privée.

Enfin, les réactions sont diverses : combattre dans l’acceptation ce fléau et trouver des parades, des solutions et retourner le système à son avantage ou bien essayer de créer un nouveau système, reprenant souvent quelques codes de l’ancien mais ayant pour but de ne pas tomber dans les mêmes travers. Ce que l’on nomme arbitrairement underground ou marginalité est souvent assimilé par la norme lorsqu’ils commencent à avoir de l’influence et à devenir la tendance, mais cet englobement modifie l’empreinte génétique de cette norme, c’est ainsi qu’elle évolue, lentement mais sûrement, et que la notion d’image au XXIème siècle n’a plus grand-chose à voir avec son acception du XIXème et s’éloigne de plus en plus de celle conçue au XXème siècle.



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