vendredi 16 mai 2014

Let's desert this day of hurt


La tension dans les épaules, la mâchoire serrée et les yeux un peu trop fixes. J'écoute d'une oreille distraite tout ce qu'on peut bien me dire. Mon esprit est ailleurs, vers lui. 

Je lui ai confié la lourde tâche d'effacer tous les soucis accumulés ces derniers temps. 
Il est à la hauteur. Je lui fais confiance.
J'ai un blog, il a une guitare.

Depuis qu'on a 16 ans, on s'exprime chacun de notre côté, comme on peut, avec ce qu'on a.
Mais on a vécu la même chose. Souvent.
Quand il chante, ce sont les mots que j'aurais pu écrire. Dans une autre langue, avec des "She" à la place des "He". Mais on parle bien du même "You".

Il y a longtemps maintenant, j'ai eu une année à base de lui et d'un autre. Où il aurait pu me faire courir n'importe où dans Paris.
Durant laquelle il m'a même fait me relever et prendre un métro en pleine nuit.

Il est mon passé régressif. Je laisse l'adolescence déferler dès qu'il s'agit de son minois. 

Hier, je suis retombée bien profond dans un marécage du passé. Ce genre d'endroits où tu entasses des souvenirs que tu mets sous clef. Tu te souviens vaguement de leur existence à cet endroit mais tu n'y fous plus les pieds. Tu sais que c'est la meilleure façon pour te faire bader. Pourtant, tu ne les supprimes pas. 

Hier, après une suite d'actions rocambolesques, je me suis retrouvée les pieds dedans, puis jusqu'au cou. Projetée deux ans en arrière, j'ai eu le sourire à l'envers pour toute la fin de la journée.
Je me suis souvenue de cet état de zombie qui a été le mien si longtemps, à New York et après. 
C'est toujours là. C'est tapi dans le noir. I remember everything. 

Alors c'est pour ça qu'il me faut un compagnon de route comme ce californien un peu souillon. Un type qui sait mettre ses émotions au service de plus grand que lui. Qui sait s'y replonger, à son grand désarroi, pour y puiser de quoi nourrir autre chose. Une foule de beautiful people, par exemple.
Et moi.

Décharger ses batteries pour recharger celles des autres.
C'est un petit secret qu'on partage. A quelques mètres l'un de l'autre.
A peine il nous échappe lors de quelques grimaces.

Quelque part dans nos coeurs respectifs, on aime toujours un autre qu'on sait mauvais pour nous. Trop loin. Trop compliqué. Trop cassé.
On en fait des kilomètres sur un blog, et des kilomètres sur les routes, pour tenter de semer nos bagages. Ses chansons et mes articles à la con.

a boulevard where we first met
an afternoon
a sun that sets
it's all the same 'cause I think of you
in every place that I go to
you're such a kid
you'll always be
it keeps me alive
when you're apart from me 


On sait que ce petit morceau de nos coeurs respectif est mort. Qu'il est inutilisable. Mais qu'on ne peut pas l'amputer. Alors on le garde. On le regarde parfois. On le touche du bout du doigt pour voir si, par miracle, il ne redémarrerait pas.

Notre vice est notre vertu. Et nous nous vautrons dans cette nostalgie dégueulasse dans le fond mais si jolie dans la forme.

Je crois qu'on partage la même longueur d'onde. La même mélancolie. La même puissance autodestructrice. Cette fureur qui nous pousse à tout sortir aux yeux des autres et à les laisser se démerder avec ça.

Hier soir, il avait la lourde tâche de me soulager de mes star crossed memories et j'ai beaucoup souri, dans le noir.
Un sourire bloqué, étiré au possible. J'ai pris conscience qu'il m'avait manqué. Qu'il n'y en avait pas deux comme lui pour moi.

Qu'on était trop peu, encore, à partager son désarroi.

all of my trains
my life spent away
in the dark of my veins
oh nothing can stay


Notre dernier point commun, enfin, c'est cette fuite perpétuelle. Le fait qu'on n'attache personne et que personne ne s'attache. On s'entoure, mais jamais pour toujours. Les gens beaux sont là, à portée, mais pas à nous, et nous jamais à eux.
Jamais vraiment.

Il y aura toujours un train.
Toujours un autre.
Et sans doute un ailleurs.

Mais aussi toujours ces soirées. Paris. Et des escapades d'un soir.
Lui et moi.

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