dimanche 11 mai 2014

[Semaine de la fiction '14 #7] The Last chapter




        Monsieur,

Je me suis fait un ami, il y a deux ans de cela, quand j'ai tenté de m'échapper de ce château où vous tardez à vous rendre. Cet homme m'était redevable, voyez-vous, de ne pas avoir fait d'esclandre. De ne pas avoir décidé, comme j'aurais pu le faire, de l'entraîner dans ma chute.
C'est ainsi que j'ai finalement trouvé un moyen de porter ma parole jusqu'à vous.
J'ai d'abord fourni votre sceau à ce garde - celui que ma mère avait imprudemment gardé  - et, de longs mois après, quand il m'a confirmé connaitre un des soldats partant bientôt renforcer vos rangs, j'ai pu commencer à imaginer quoi vous écrire...
Le fait est que votre intrusion dans ma vie a été des plus violentes, je vous ai combattu de toutes mes forces, jusqu'à ce soir où j'ai tenté de quitter ma famille et ma position pour m'extirper d'une situation qui n'était plus vivable.
Les jours, les heures ne passaient plus à la même vitesse et j'ai perdu goût à la vie. J'ai même pensé à commettre l'impardonnable. Je suis désolée d'être aussi directe, aussi brute, mais j'ai l'impression de pouvoir tout vous dire. Cela fait plus d'une décennie que je fais face à votre portrait et que je lui parle quotidiennement... Je sais bien que de votre côté, cela n'est sans doute pas le cas, et que vous risquez fort d'être outré en lisant ces lignes. Mais il faut bien que vous sachiez ce que vous allez trouver en rentrant. Car Monsieur, j'y crois désormais. Vous allez revenir, sain et sauf, et nous allons apprendre à nous connaître vraiment. J'ai trouvé la foi et l'espoir. Assez, en tout cas, pour continuer de vivre cette existence en attendant des jours meilleurs... 
Voilà ce que je suis résolue à vous avouer et voilà pourquoi j'ai placé tant d'efforts dans l'acheminement de ce message jusqu'à vous :
Après douze années à vous mépriser, à vous fuir et à vous défier, je crois que j'ai fini par vous attendre.

Affectueusement,
Lady V.

Lorsque Lady V. apporta la touche finale à la quinzième version de sa missive, elle ne pouvait être plus fière. 
Elle courut dans les escaliers, bousculant au passage les servants qui se rendaient en nombre vers sa chambre - cela devait être ce moment de l'année où ils retournaient les matelas.
L'air printanier lui donnait raison. Tout lui chantait que sa décision était la bonne. Qu'elle avait rejoint le chemin qui lui était destiné après tant d'années d'égarement.
Le chemin qu'elle connaissait par coeur lui semblait avoir été rallongé de dizaines de kilomètres.

Lorsque, enfin, elle rejoignit le portait, elle fut rassurée d'y découvrir le visage familier de l'homme qui l'avait escortée jusqu'au château. Il n'avait pas pris de grade mais semblait beaucoup plus sûr de lui. Elle avait confiance. Il ferait ce qu'elle lui demandait. C'était écrit.
Elle glissa le pli entre les barres de fer et il s'en saisit avant de la saluer et de se retirer.

Lady V. revint très calmement sur ses pas, un large sourire sur ses lèvres, ses yeux parcourant le chemin de pierre sans vraiment le regarder.
Elle s'imaginait tant de choses réelles désormais. Tant de versions de son futur qui pourraient réellement arriver, puisqu'elle l'avait finalement accepté. 
Puisque désormais, elle accueillait avec joie cette union qui allait lui apporter la liberté et la découverte du monde. Puisque désormais, elle était prête.

Violet sortit de ses rêveries un instant pour s'excuser de son comportement auprès des serviteurs qu'elle croisait dans le sens inverse que plus tôt. Ils baissèrent la tête et poursuivirent leur chemin.

Lady V. leur jetait toujours un regard interrogateur tandis qu'elle poussait la porte de sa chambre.
Elle finit par écarter sa culpabilité et la garder pour plus tard : l'heure était aux réjouissances. Elle s'installa dans sa chaise, prête à sourire à son futur mari.

Mais quand elle releva son visage, ce ne sont pas les yeux noirs de son fiancé qui l'accueillirent :
Un épais voile sombre recouvrait le portrait.

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