mercredi 27 février 2008

La mort, c'est pas cool.


Baskets Violettes, Jean, Echarpe Albino Panther. Je suis pas loin d'être habillée pour aller concerter sur Ris-Pa.
Mais assise dans le Tank de mon père, entre ma soeur (non l'autre), et ma mère, c'est le paysage de la Normandie du Bas qui défile.
Bizarrement, on rigole bien. Même mon père, qui s'apprête à enterrer son frère.
On ne rigole jamais dans ma famille.
Au premier arrêt dans une station, je manque de près l'achat de Lunar Park de Breat Easton Ellis.
La musique dans mes écouteurs est nouvelle et pas si mal.
Je me sens rattrapée par mes lacunes sociales quand je prends sur moi pour demander d'une toute petite voix "c'est quoi une mise en bière ?". La réponse est assez claire pour que je dise "No Way".
Arrivés au Funérarium, après avoir dépassé les cimetières Américains, Allemands, et Anglais de la seconde guerre mondiale, j'ai comme envie d'aller explorer les tombes du Commonwealth.
Les cimetières. Mon Kiff. Mon appareil photo est dans mon sac. Mon livre s'appelle "Jusqu'à ce que mort s'en suive...", je le dissimule comme je peux quand on doit rentrer.
La porte est grande ouverte sur le salon funéraire. Tout le monde s'engouffre. J'ai dit "Non" et maintenant je dois trouver une moyen de ne pas paraître inhumaine et déplacée. Heureusement mon beau-frère non plus, n'est pas très "quand de la famille meure on fait un sit-in déprimant autour du corps dans une pièce très très confinée, c'est con, mais c'est la tradition.".
Par l'entrebâillement, je l'ai quand même vu, blanc. La mort c'est ridicule. On dirait un fard. 
"Heights, les fleurs."
Ouais. Heights in charge of Les fleurs. Toute la journée. Et c'est pas un petit rôle dans la Normandie du bas.
L'oncle était un M. de la plus grande exigence et je dirais même intransigeance, et ce n'est pas ses amis qui se pressent aux portes.
Seulement ses quatre enfants, dont mes trois cousins, des grands gars de la campagne tous plus ou moins civilisés que je n'avais jamais vu pleurer.
Je crois que c'est à ce moment là que mon esprit fait rupture.
Tout le monde se tait, le silence est un peu trop chargé en H²O, alors dans ma tête, involontairement s'enclenche un enregistrement de Love Will Tear Us Apart de Joy Division.
La chanson qui a servi de fil rouge ce week-end, entre le mix d'AnnaLisa (mme Carl B.) au Palais de Tokyo, l'entre deux concerts de samedi à la flèche d'or, et les reprises que j'ai écouté Dimanche.
Cette Eglise je l'ai pratiquée. En long en large. Baptême. Communions. Mariage. Mais là c'est inédit.
Je rentre en troisième position, si on compte le cercueil, je ne trouve pas que c'est ma place. Mais ça se passe comme ça, en Normandie du bas. J'ai des fleurs dans les bras. Des lys, des roses, des oeillets.  
C'est une Eglise sur laquelle les commandements sont gravés, et dont j'avais eu l'outrecuidance de demander la signification.
"Ca veut dire quoi forniquer ?" 
En repensant à ça je ne peux réprimer un sourire.
Quand le barbare de bedeau commencera à brailler les chants, aussi.
Je suis choquée par plusieurs détails... l'hébreu au centre du triangle représentant Dieu lui même placé dans un soleil. Le "tu écouteras Israel". La croix à l'envers sur la porte de la sacristie.
L'observation empêche de chouiner et permet de garder l'esprit froid.
Je redoute le moment de la bénédiction. Non seulement je ne saurais pas quoi faire du goupillon mais en plus je suis gauchère et cémal, et pour finir il faut simultanément jeter les pièces dans le panier de quête.
Je ne suis ni Catholique ni Capitaliste. Le cercueil entouré d'argent et de matériel sanctifiant. Ca m'en bouche un coin.
Pourtant, l'ambiance est plutôt propre au recueillement, et quand un rayon de soleil pénétrera la nef et s'étendra jusqu'à l'autel, j'aurais même une petite envolée de spiritualité.
Bye Bye.
Finalement, dans la Normandie du bas, la famille ne bénit pas le cercueil.
Heights Les Fleurs.
Oui oui messieurs les croquemort. Je respecte hein, mais n'empêche que vous avez la gueule de l'emploi.
Ian Curtis, s'il te plaît, deux secondes de pause, tu reprendras au cimetière veux-tu ?
D'autres traditions me surprennent, la manière dont on manipule le cercueil, la ceinture de sécurité dans le corbillard, les deux ancêtres des anciens combattant, le repliage du drapeau Français qui couvrait le bois. Les sacrement de l'armée sont nettement moins Glam' que ceux des enterrements américains auxquels j'ai pu assister à Boston.
Marcher derrière le corbillard ne m'a même pas fait relativiser ma passion pour les vieilles pierres mortuaires. Ian Curtis s'en donnait à coeur joie contre mes tympans. Le vent aussi. Mémé-la-bonne voulant à tout prix me couvrir alors que c'est elle, qui avait froid.
Dans le caveau, j'ai une petite peur que je sais irrationnelle, celle de voir ma Tante, qui n'aura été tranquille que 9 ans avant qu'on n'éventre sa tombe et qu'elle ne "retrouve" son mari.
Les cordes, le blanc du caveau, le croquemort qui détruit un bouquet de fleurs. Ma mère qui pousse mon père qui lui préférerai être à 30 mètres.
Don't Take The Goupillon.
Ce serait si facile de tomber dans une sépulture ouverte. Je chasse l'idée. Je m'avance. Je marque une pause. Je ne pense même pas au mort. J'aurais dû mal à penser quelque chose de positif, c'est mieux comme ça.
Le gay-prêtre à la voix de cheap cabaret re-gueule un coup. Il s'est changé vite fait et a fermé à double tour son église. Mon père accuse les 35 heures.
Mon père accuse toujours les 35 heures. 
On s'en va. On repasse devant la tombe de deux jeunes étudiants de mon âge, déportés. Superbe tombe. Respect.
Et devant celle, beaucoup plus remuante, affichant l'effigie d'une fillette de trois ans déclarant "je suis contente".
La Normandie du Bas terminera par nous inviter d'abord à nous bourrer la gueule sustenter chez un cousin, puis à nous cidrer la gueule alimenter dans une crêperie du coin, quelque part entre ces moments, Ian Curtis s'est éteint dans ma tête.
Dans un coin l'héritier mâle des M. (le seul et l'unique) me regarde en riant. J'aime déjà ce Killian sur les épaules de qui repose la fin de notre arbre généalogique. Même si c'est un bébé et qu'il sent un peu le pipi de bébé.
Je ne reviendrai plus en Normandie du Bas, je n'ai plus aucune raison de le faire.

When the routine bites hard
and ambitions are low
And the resentment rides high
but emotions won't grow
And we're changing our ways,
taking different roads
Then love, love will tear us apart
again

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