lundi 5 janvier 2015

[Diex Aïe ! - Part IV] Defender



[Don't you know that I've been / Runnin' since I was 16 / 
My feet are just so heavy / That I can't bear to stand]

Si la maternelle m'avait donné un bon aperçu d'à quel point le monde, en dehors de chez Mémé, pouvait être injuste, ce n'était rien à côté de ce que j'allais ramasser en CM1, une fois sortie de la couveuse maternelle.

Disons que durant mes trois premières années de primaire, j'étais le roi du pétrole. Une vraie princesse, au sens premier du terme. J'étais la fille de la maîtresse et donc j'avais le droit à des privilèges : personne n'osait m'emmerder. Etre mon ami(e) protégeait automatiquement des autres. Les parents de mes petits camarades les poussaient à se faire bien voir de moi donc j'avais nombre de cadeaux, un petit copain factice forcé par sa môman et tout le monde venait à mes anniversaires (même si personne ne jouait avec moi). 
Je n'en avais absolument pas conscience. Pour moi, la normalité c'était qu'on ait un a priori positif sur moi, parce que j'étais intelligente. Les adultes arrêtaient pas de le dire. Du coup je comprenais pas trop que ces vers grouillants se battent pas pour traîner avec moi. 
Il faut dire qu'ils me lassaient. Tous.

Sauf les gens passionnés. Ma voisine, chez Mémé, était une petite fille très simple, venant d'une famille très simple, mais c'était ma meilleure amie du monde entier. Non pas qu'elle avait grand chose à faire de moi, mais tout ce qu'elle le faisait, elle le faisait avec passion. 
Pareil, j'aimais cette autre élève qui pouvait passer des récrés entières à chanter, parce qu'elle était vraiment à fond là dedans et que ça l'animait d'une force vitale étrange et attirante.
Et puis, il y avait ceux qui acceptaient de jouer à mes jeux. Et eux ont été mes compagnons de récréations sur le long. 
Des jeux tirés tout droit de mon imaginaire, comme quand on joue aux cowboys et aux indiens, en se donnant des rôles. Mais avec une dimension mélodramatique déjà bien présente. Il y était déjà question de mort et d'amour inabouti. 
Peut-être était-ce parce que mon amoureux auto-décrété par sa mère venait de me plaquer devant l'autel à sa fête d'anniversaire ? Et qu'il me trompait éhontément avec une des deux jumelles ? 
J'en sais rien. J'ai jamais eu beaucoup de succès à ce niveau là, et jamais remonte à loin. 

En CM1 donc, plus de mère protectrice, qui enrobe tout d'euphémisme. Plus de protection divine. Une prof un peu toquée très adepte de la confrontation au réel, qui m'aimait pas des masses. 
Je n'ai jamais autant campé chez Mémé que cette année là. Simulant des crises de vomissements pour sécher l'école. 
A la place, je m'allongeais sur le banc, dans le jardin de ma grand-mère, et je regardais les nuages passer.
Je bossais ma théorie comme quoi les morts laissaient une trace aux vivants en ayant chacun un nuage, avec une forme rappelant leur vie. 
Leur totem. 

C'est aussi l'époque où mes cousins sont partis pour les USA, m'abandonnant à mon triste sort dans une famille peu compréhensive, surtout pas à l'écoute et carrément à cheval sur l'image qu'on donne de soi.
Alors que déjà, à l'époque, je n'en avais rien, mais alors rien, à foutre.
Mes deux bouffées d'oxygènes étaient propulsées à un océan de là.

C'est à cette époque que j'ai repris mon habitude de maternelle de zoner seule. Et si je changeais d'avis et que je voulais de la compagnie, je mangeais des trucs que Mémé me fourrait dans les poches. Ca attirait les autres. 

J'ai toujours maîtrisé le côté "animal" de mes congénères. Par contre les codes sociaux, eux, m'ont toujours échappé. Maintenant encore.

Donc je marchais, les mains dans les poches, les épaules prêtes à dodger les élèves malveillants, les ballons de foot, les cailloux qui volaient, et je m'enfonçais dans mon imaginaire. Mon premier projet de roman date du CE2. 
Je travaillais à ça.
A ça et à comment faire pour réintégrer les clans amicaux de ma classe tout en ne m'emmerdant pas. 
J'établissais des plans en 7/8 points, et je mettais les choses en oeuvre.
Bien souvent, je réussissais.

Parce qu'au milieu de tous ces ravis de la crèche, j'étais le mastermind
Autant vous dire que ce joli égo bien enflé n'a tenu qu'une demi journée une fois les semelles posées au collège.

Mais ce sera pour la prochaine fois.

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