mercredi 14 janvier 2015

Mad World



Il y a un nouvel homme dans ma vie.
Depuis un peu moins d'une semaine.

Ca tombe bien. Ces derniers jours ont été de ceux où il est capital d'avoir une paire de bras à portée.

Il est de taille moyenne. A des yeux couleur noisette, sûrement. Les cheveux très courts, trop court. Habillé de couleurs sombres. 

Il est là.

Je l'ai pas choisi. 

J'ai pas compris, au début. Je l'ai croisé une première fois. Je me suis dit "Oh, une nouvelle tête.". Puis une deuxième. Puis une troisième. Et il était toujours là.

Debout à côté de la machine à café, dans l'alignement des deux accès aux ascenseurs.

Car, oui, le nouvel homme qu'il y a dans ma vie est à mon boulot.

Je le regarde, à travers la vitre du bureau, et je me demande ce qu'il fait exactement. Et pourquoi.
Et mon cerveau essaye encore une fois, vainement, de comprendre comment on en est arrivés là.

Lui me regarde en coin, puis retourne faire sa ronde, après avoir tripoté son oreillette qui dépasse un peu trop pour rendre cet être civil. 

Tant qu'il s'ennuie, on est vivants.

J'ai deux nouveaux voisins, aussi.
Un garçon, une fille.
Ils ont un grand camion et ils restent debout, toute la journée.
Ce matin, ils avaient un grand café. Parce qu'il fait froid, malgré leur armure.

Mes deux nouveaux voisins ont une armure, oui. 
Ils se tiennent prêts. 

Je leur passe devant pour aller au travail, je serre dans ma poche le badge que je dois dorénavant avoir tout le temps sur moi. De mon autre main, je dégage mes cheveux pris dans l'autre badge, celui que j'ai fixé moi-même à ma boutonnière, et que je veux dorénavant avoir tout le temps sur moi.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, j'ai écrit un truc qui se voulait drôle, et puis je l'ai pas publié, me disant que je le relirai à tête reposée. 
Mais le matin, ce sont les sirènes qui m'ont tiré de mon sommeil.

Depuis quelques jours, je n'ai plus besoin de réveil.

Mardi dernier, j'ai pleuré à cause des cadavres de sapins qui jonchaient les rues, à cause d'un shar-pei abandonné dans une gare écossaise, avec sa petite valise. 
Alors mercredi...

Mardi, je pleurais aussi ses bras à lui. Un peu sans raison. Parce que le manque.
Depuis mercredi, j'ai plein de nouveaux bras, dans ma vie. Avec des brassards et des écussons. Des bras qui fouillent mon sac, à l'aller, au retour, à l'entrée et sans détours. 

Mardi je pleurais pour rien, je pleurais pour moi. 
Mardi, c'était le monde d'avant, le monde où on n'était pas encore habitués à l'horreur.
Est-ce qu'on s'habitue ? On fait avec.

L'horreur flotte, au détour des conversations, dans les mines détournées, dans les crayons posés, dans les journaux télés. 
On n'a plus de larmes mais on a des mitraillettes, dans les maisons d'édition. 

Alors voilà mon uchronie : c'est ma vie, elle est pareille que mardi.
Il y a juste un homme armé devant mon bureau. 
Il y a juste deux policiers, devant le journal en face de chez moi.


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