lundi 7 juin 2010

Wed, Wed, Wed... [Part I]

Surveiller la porte de la chambre pour qu’aucun des mâles ne voie la robe avant l’heure H.

Retrouver l’amie Suisse pas vue depuis 4 ans, au bras d’un charmant prince, la rouquine de mon année de terminale est devenue une rousse incendiaire.

Essayer de détendre l’indétendable : une mariée la veille de ses noces et sombrer, avant elle, dans un sommeil en forme de défaite.

Accueillir le photographe, essayer de ne pas être trop dans son champ (si, dans l’ensemble, je suis photogénique – càd plus jolie en photo qu’en vrai- je n’aime pas être prise en photo dans des moments solennels, pleins de stress et d’émotions incontrôlables en tout genre).

La regarder se faire maquiller et ressembler à une star de cinéma, version noir et blanc classe, d’ailleurs elle est muette, et moi crispée autour du sac qui contient son bardas de mariée : le rouge à lèvres, le peigne d’expert coiffeur, les pansements anti-ampoule.

Puis le fameux coiffeur qui lui met de la super glue dans les cheveux, pour les rubans, et lui a confectionné une coiffure d’artiste, vraiment. Une sculpture capillaire. Et qui grogne parce qu’on a un peu raplatit sa frange. Pendant quelques instants, je suis son assistante, il m’apprend à la recoiffer, où se trouvent toutes les épingles clefs.

Puis le retour à la maison pour le grand moment. Enfilage de la robe.

La témoin est de tous les instants, et c’est moi qui referme la guêpière, et c’est moi qui remonte la fermeture éclair. Avec une pause d’émotion. Et le flash du photographe toujours aux aguets.

Je lui répète qu’elle est très belle – il faut toujours répéter ces choses là. Je lui ordonne d’aller manger comme je lui ai ordonné de se coucher. Entre temps j’ai moi aussi enfilé une robe.

Du genre urban-princesse, violette et noire, avec froufous sur le bas et bretelles derrière la nuque. Les chaussures à ruban, aussi.

Tout le monde débarque, c’est un défilé de robes plus extraordinaires les unes que les autres, de coiffures et d’accessoires. Il fait chaud.

Un soleil brûlant qui frappe les Mercédès qui attendent, bien sagement, qu’on charge la mariée.

Une fois qu’elle est embarquée, je souffle. Verre d’eau. Je rappelle à l’ordre les frères jumeaux. Je chronomètre les départs.

Les Suisse n’ont pas de gps. La voiture balai doit être derrière. Et le mari ? Il est où le mari ?

Direction la mairie.

Dans la voiture je lâche des sourires en rafale à côté de ma chauffeuse du jour (une princesse ne conduit pas, mais peut être prise une fois de plus pour lesbienne pendant un mariage).



Je suis les Suisse du coin de l’œil. Me dit que j’aimerais avoir ce qu’ils ont.

Je ne peux pas en dire autant des mariés. J’ai de l’imagination, mais pas assez pour imaginer ce que 10 ans d’amour représentent, quand on a 23 ans et qu’une heure après on sera « Madame » quelque chose.



La famille du mari, sur la place. On se tasse sous le dernier arbre porteur d’ombre et de fraîcheur. Je calme la mariée, toujours enfermée à l’arrière de la voiture, où je la garde, au frais, avant de lâcher les lions.



Le mari arrive.



Je commence à trembloter. Ils sont beaux. Ils sont deux. J’ai presque envie de pleurer, mais j’ai dit que non.



Il faut clairement que je me bouge les fesses si je veux être assise à ma place.

La place d’honneur.

La place qu’elle m’a confiée.

Qu’elle a eu assez confiance pour m’attribuer.



Je n’ai pas su quoi répondre quand elle me l’a demandé. J’avais des sanglots dans la voix avant même de réaliser les tenants et aboutissements d’un tel rôle.



Mes deux sœurs se sont mariées, et j’ai été demoiselle d’honneur, mais jamais, jamais responsable – jamais, jamais ! – in-dis-pen-sable.



Dans un monde de kleenex, je fuis comme la peste les gens infidèles. Ceux qui enlèvent toute substance aux grands mots. Et je réalise que j’ai une putain de chance de les avoir, ces deux-là, pour me rappeler, jour après jour, et de plus en plus, qu’il y a de l’espoir. Qu’il reste de l’amour, au moins quelque part, au moins entre eux.



Je m’assois à sa gauche. J’ai un bouquet dans les mains, j’ai pas bien compris qui me l’avait imposé, je tiens la fleur de lys le plus éloigné de mon décolleté. Je respire un bon coup même s’il fait une chaleur de tous les diables dans la mairie.



Est-ce qu’on m’a donné le bouquet quand j’essayais de lire sur les lèvres de Jacky qui annonçait quelque chose de grand, vu les yeux de la mariée. Quelque chose d’assez important pour la distraire de ses propres vœux et que je n’ai pas su tout à fait saisir. J’ai regardé son prince, si tendre, si amoureux, qui avait fait 800 km en une journée pour débarquer au no man’s land de mon enfance et garder quoi qu’il arrive son sourire ultra bright. J’ai serré les lèvres en espérant que j’allais bientôt être de mariage chez eux aussi.



Et puis. La maire et l’adjoint ont code civilé et il y a eu deux « oui ».

Qu’importe ce qu’il se passerait à l’Eglise. Ca y était.



J’ai pincé l’intérieur de mes joues avec mes dents pour ne pas pleurer, avant de reprendre mes esprits et d’organiser la suite – la fuite.

Demoiselle d’honneur ? go ! Amis partez, parents partis, robe en place, sortons.



Puis ils apparaissent sur les marches, en hauteur. Frappés par un soleil implacable et plus lourd que jamais. On se croirait peut-être dans l’étranger.



Je m’enfuis très vite après la photo, encore oui, mais officielle cette fois-ci.



J’aime sentir ma peau brûler lentement – presque cuire – sur le siège d’une voiture restée hors de l’ombre.

Sur la route les klaxons me replongent dans les mariages passés où mon intérêt était limité à la conversation des tables d’enfant. Le dernier mariage d’adulte auquel j’ai dû assister de bout en bout était une semaine après ma plus grave tentative de suicide. Je n’avais pas tenu en société. Je n’avais pas tenu après l’entrée. Rapatriée. Le menton contre les genoux dans le salon de l’ancienne maison. Un chat qui me regarde la tête penchée sur le côté. What’s up ? Give me food.



La route est droite, les bords sont verts. Le toit de la Merco des mariés est ouvert, et Monsieur sort, digne d’un président, la main qui salue tous les ouvriers du week-end, torses nus et dégoulinant.



La mariée se retourne – on la suit de près. Elle me fait signe, à un stop, que tout s’est passé trop vite. Tout se passe trop vite. Etre seul réussit à arrêter le temps, du moins en apparence. Eux ont vécu leur vie à 100 à l’heure, dans le bonheur comme dans l’adversité… mais je m’avance d’une étape…

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