vendredi 4 avril 2014

99 Problems


Je marche avec mes talons de 8 en tâchant d'éviter les nids-de-poule, les voitures, les vélib, les gens de WWF, les garçons qui veulent me poker"HeyMadmouaselle", je jette un coup d'oeil à mon écran avant d'appuyer sur l'icône d'appel rapide intitulé "Maman".

Bip... bip... bip...

"Oui ?"
"Oui, c'est Johns... euh, c'est moi. Je te dérange pas ?" 

Fuuuuuuuuuuck. Je viens quand même pas de me présenter par mon surnom à celle qui a choisi mon véritable prénom so-many-years-ago?

J'échange deux-trois banalités avant de raccrocher, les yeux toujours ronds. Je suis devant chez moi. 
Les noms ont changé sur la boîte aux lettres. 
Je monte jusqu'à mon étage.
Une boule de poil folle furieuse s'échappe de l'appartement quand j'entre. Ca aussi, c'est nouveau. 
Je m'assois sur mon lit et enlève des chaussures neuves avant d'empoigner ma tablette dernier cri.

Je checke si personne n'a tenté de m'appeler pour m'extirper d'une soirée télé annoncée. 
Non. De ce côté là, rien de neuf.

Je passe par la salle de bain. "Miiiia ? Miaaaa ! Miamiamia ! MIIIIIAAAAAAAA." c'est la musique qui accompagne chacun de mes pas. Celle d'un petit chat que j'ai laissé trop tousseul pour aller gagner des sous à mon vieux/nouveau job. 

Dans le miroir, je me reconnais à peine. Je n'ai ni coupé mes cheveux, ni beaucoup maigri. Je suis juste une étrangère aux cheveux bouclés, aux lèvres peintes et au sourire réflexe. 

J'ai mis 26 ans à pouvoir sourire sur commande. Depuis, j'en abuse. 

Je pense à la Johnson de 13 ans, à qui on jetait littéralement des cailloux.
Je pense à la Johnson de 16 ans, avec ses baggy et ses grosses baskets.
Je pense à la Johnson de 20 ans, qui courbait l'échine au moindre geste brusque. 

Johnson-from-now a ses ratés mais dans l'ensemble tout est plus maîtrisé, même ses pensées noires et ses crises d'angoisse. 

Un bruit me fait sursauter et j'écoute le silence le temps que mon coeur se remette en place. Oui, lui aussi est rempli de choses nouvelles, mais j'en éviterai l'inventaire. 

Je fais une embardée pour ne pas marcher sur le chaton qui fuse à 100 km/h, une douleur se réveille. Un souvenir de ma dernière nuit de folie. Une nouvelle chose, ça aussi. Il y a une poignée de mois, j'aurais plaqué mes mains sur mes oreilles, mes yeux et ma bouche en hurlant "gnagnagna j'entends rien" si une amie m'avait raconté avoir vécu une telle expérience de son côté.

Je checke les réseaux sociaux - ça fait deux jours que je n'ai pas allumé mon ordi perso, plus d'un mois que je n'ai rien écrit pour moi -  et je me dis que ça aussi c'est nouveau : elle a perdu son sens de l'humour, lui a pris la grosse tête, elle n'est pas là pour moi, il m'a virée de Facebook, elle est entrain de s'enfoncer dans la situation qu'elle voulait éviter, il cherche mon attention, elle a oublié mon anniversaire, il a sorti un nouveau livre.

Et moi ? Que suis-je devenue ? Qu'ai-je fait ?
Qu'est-ce qui a changé. 
Est-ce que je suis mieux ? Est-ce que je suis... bien ?

Je rabats l'ordinateur portable et je me roule en boule, j'attends la prochaine interaction sociale en relayant ces questions dans un coin.

L'évitement : ça aussi, c'est nouveau.

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