samedi 19 avril 2014

The harvest left no food for you to eat



Il est blond, il a les yeux clairs, deux joues rouges. C'est un chérubin. 
Il est beaucoup trop jeune pour moi, je suis profondément chagrine, remuée, meurtrie : je ne le calcule pas. Pendant toute la soirée, il fait tapisserie. Je ne l'entends pas. A peine il agit. A peine je le remarque. 

Mon coeur et mes illusions finissent d'être épluchées, sous ses yeux, sans que je l'intercepte.
Celui que j'aime - que j'aimais ? - celui que je-ne-sais-plus-trop est entrain d'en aimer une autre. Ici, là. Devant moi.
Je suis ailleurs. Je suis entrain de rapiécer ce qui peut l'être encore. 
Mes sentiments. Mon malheur. Tout qui s'échappe. Et moi, spectatrice d'un vaudeville dégueulasse, à mi-chemin entre une téléréalité de bas étage et un documentaire animalier. 

Quand la douleur ne peut plus être supportée, je m'isole. Il est tard. Je suis presque stone d'alcool, de nerfs et de fatigue émotionnelle.

Il est là. Il me tourne autour - pas comme un rapace. Comme un dresseur. Comme si j'étais un animal sauvage et qu'il avançait doucement sa main.

Il s'approche, finalement. Il me parle. Il est intelligent. Il aborde un sujet qui me fait rayonner. Que je maîtrise. Il me caresse dans le sens du poil. Habilement.

Puis il s'approche encore un peu plus et me dit :

"Je voulais te dire à quel point j'étais désolé. Je m'excuse, pour moi et pour les autres. Non. Ne me dis pas que c'est rien. J'ai tout vu - d'autant que j'ai rien bu et... Vraiment. Pardon."

Je le regarde de travers, j'ai envie de lui dire que c'est pas lui... que... Qu'a-t-il compris exactement ce petit minot que j'ai même pas calculé de mon côté ?

"Là je vais te faire un hug. Mais pas parce que je veux te choper. Un hug parce que je dois le faire. Parce que tu le mérites. Parce que tu en as besoin." 

Il me regarde droit dans les yeux. 

Je tends les bras. Mécaniquement. Hébétée. 

Le petit ange est là, contre moi. Il est sincère dans sa démarche. Totalement sobre. Je suis sciée. Je ne comprends toujours pas tout.

Il se détache et s'en va, un sourire contrit sur ses lèvres rouges.

Il a rempli son rôle. 

Et là je comprends.

Je comprends ses regards en coin depuis le début de la soirée, je comprends qu'il a actionné son cerveau magnifiquement sous-estimé par mon complexe de supériorité.

Je comprends qu'il a tout compris. Qu'il m'a vue, décryptée. Que j'étais son observée. Qu'en voyant mes réactions, il a compris à quel point nous étions liés, lui et moi.

Car, tandis que je voyais s'envoler en éclat toutes les jolies idées préfabriquées que je m'étais faite sur l'amour, et la personne qui l'incarnait pour moi, ce soir-là, lui, de son côté, subissait la même chose.

C'est la fille qu'il aimait que mon obsession du moment serrait dans ses bras. 
C'est son coeur à lui aussi qui tombait en ruine, pierre par pierre, à chaque messe basse, à chaque caresse trop peu discrète. 
Et c'est son extrême générosité qui, malgré tout cela, a su identifier ma détresse, et venir la couvrir d'une cape de gentillesse gratuite. 

Je me suis détestée d'avoir été si égoïste, si égocentrique. De ne pas avoir été à cette hauteur. A la hauteur d'un môme. D'un type que j'avais jugé. Moi. Celle qui est au-dessus de tout jugement.

Merde. Quelle claque. L'abnégation du type. Et moi qui ne lui ai rien dit. Rien rendu. J'ai tout pris, ce qu'il m'offrait. Je me suis vautrée dedans et il est reparti, sans demander son reste.

We made our way across the land 
We made our way across the town 
We're all about to explode 
So oh oh oh oh
Time for a change

J'avais finalement raison quelque part au milieu de mon premier avis : je venais vraiment de rencontrer un ange.


2 commentaires:

  1. Wow. Pui-ssant. Ca existe les mecs comme ça en vrai? putain.

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  2. Je tenais à l'écrire pour en laisser une trace. Au moins ça.

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