vendredi 11 février 2011

True like ice, True like fire




Quand quelqu'un, surtout quelqu'un de proche, me dit qu'il n'aime pas le film Titanic, je le prends personnellement.

Très petite, j'ai développé un trait de caractère qui fait que tout ce qui touche de près ou de loin à ce navire  est comme lié à moi.
Pour tenter de comprendre ce phénomène paranormal je vous propose de plonger dans ma petite enfance.

J'ai été élevée par mes grands-parents. Et ce qui me faisait finir mon repas dans les temps était la promesse de passer une demi heure à écouter Pépé me lire des livres "de grand". Ces souvenirs se placent en 1990/1991, j'avais 4 ans et une curiosité à toute épreuve. Ce qui fascinait Pépé c'était les bateaux, et moi, quand on m'emmenait voir un bateau en vrai, j'avais toujours une attirance certaine pour l'eau et la même question aux lèvres "ça ferait quoi si je saute ?". 

Le Titanic, c'était nos deux fascinations conjointes.
Il me lisait des livres d'images, dont celui dirigé par Ballard contenant les photos de la découverte de l'épave, en 1985.
S'il s'attardait sur le lancement, les photos en noir&blanc, 1912 et le petit garçon et sa toupie sur le quai du bateau (collection du Révérend Browne), je le pressais d'aller voir les photos de la fin.

Dont celle-là :

[Tête de poupée en porcelaine, ayant sûrement appartenu à Lorraine Allison, seule enfant de sexe féminin de 1ère classe à avoir trouvé la mort, photographiée en 85, elle a depuis disparu : est-ce dû aux courants, à l'ensablement, ou à une récupération et une revente au marché noir, we'll never know]


Parce que quelque chose clochait.
Selon Pépé, et devant mes 3 ans et demi tout ronds, tous les passagers étaient montés dans les chaloupes et s'en étaient sortis (mais avaient eu très peur, et froid).

Quand j'ai eu 4 ans, certains s'étaient noyés, mais seulement les méchants. 

Finalement, à 5 ans, quand j'ai su lire "1500 morts", j'ai bien compris. Et des milliers de "Pourquoi" ont déferlé.

J'ai commencé à parcourir les bouquins seule, pendant 4 ans, jusqu'à ce que la nouvelle vienne jusqu'à moi, en 1997. Ils allaient en faire un FILM. 

Le film n'étant pas n'importe quel film, il est devenu  très populaire, et moi avec. 
Je passais mes récrés de CM2 à traduire les paroles de My Heart will go on et les fins de journée à enchaîner les exposés (j'avais le pouvoir de calmer une classe mieux que le directeur). En rentrant, je passais mes soirées à parcourir les coursives grâce à une flopée de cd-rom documentaires et le mirifique jeu Titanic, une aventure hors du temps.
La fureur est retombée, mais pas mon intérêt tonitruant, et 5 ans après, en 2003, mes parents (qui avaient repris le flambeau de l'éducation entre temps), m'ont emmené à la Cité des Sciences. Les Trésors du Titanic, une expo où on entrait avec une petite carte d'embarquement et le nom d'une personne ayant vécu la tragédie, pas à pas on suivait son destin. Toute érudite que j'étais, je savais très bien que Maman mourrait, Papa se faisait enlever par son père et serait secouru sous son faux nom avant d'être rendu à sa mère, et quant à moi, aucune trace, j'étais en troisième classe. Damn.

J'étais secouée. En transe. Je vivais un moment unique. Rêvé. Attendu. Langui. 
Et puis, dans la boutique de souvenir, persuadée que rien ne pourrait commémorer le moment, je suis tombée sur une pile de morceaux de charbons.

Alors j'ai tremblé, j'ai gargouillé, j'ai regardé mes parents, ils ont pas compris. 
J'avais pas l'argent, mais j'ai pris le coffret, tiré sur la veste de mon père, du côté chéquier. Et j'ai eu mon précieux.


Depuis, dans ma parano exceptionnelle et juste affectée à la partie "Titanic&I" de mon intériorité, je ne vis pas avec mon précieux, il est toujours en sécurité dans un endroit connu seulement par moi.
A Boston, la même année, je dégote une reproduction du Boston Daily Globe du mardi 16 avril 1912 annonçant le naufrage.

A un noël, je reçois un coffret de reproduction des billets, des menus, de la programmation de l'orchestre, des cartes postales d'époque. Mon fétichisme se poursuit.

Lors de mes années lycée, je découvre avec délice le documentaire (formidable chute, but I will not spoil) de James Cameron Les fantômes du Titanic retraçant ses nombreuses plongées sur l'épave.

En juin 2009 mourait la dernière survivante, et ma vie prenait le tournant dans lequel je suis encore coincée. 
2012 marquera, outre la fin du monde, le centenaire de l'inauguration et de la catastrophe de la nuit du 14 avril.

Quand je serai une vieille dame, si j'y parviens, il ne restera plus rien de l'épave, à cause d'un micro organisme inconnu qui dévore l'acier. 

Et même si je deviens millionnaire, je ne m'offrirais jamais le voyage sur l'épave, je suis bien trop claustrophobe pour ça, (et, au fond, toujours persuadée que ma mort viendra de l'eau).


Quelques liens : 

Site cheap mais merveilleusement renseigné sur les retouches photo de l'époque : http://titanic.pagesperso-orange.fr/page136.htm

Visite de l'épave en 3D : http://www.expeditiontitanic.com/

Un des sites les mieux renseigné (en anglais) : http://www.titanicuniverse.com/

Et pour les chanceux qui ont un pass "jours ouvrables" pour mon appartement, l'accès à mon impressionnante bibliothèque (et dvdthèque).

2 commentaires:

  1. Excellent ! :) Je trouve que le film est une daube sans nom (ok, maintenant tu me détestes), mais je suis fasciné par ta relation à cet évènement ainsi que ta façon de l'analyser et de l'exprimer.
    Merci pour ces 10 mn de bonheur

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  2. Avec une signature je saurais au moins qui je dois détester.

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