vendredi 18 mai 2012

Wearhouse


Voilà, je suis une autrice. Enfin, je suis comme tous les apprentis sorciers de la littérature new yorkaise qui n’ont pas de quoi s’acheter un loft à Brooklyn : je suis assise au dernier étage du Barnes&Noble de Union Square, un sac Whole foods market avec du vegan dedans à mes pieds, et un sac plein de bonnes affaires (une robe bordeau, des basket violettes et noires à carreaux & un t-shirt violet) car ouais, j’ai repensé aux conseils des maries-connasses de mon entourage. Mais si, vous savez, ces filles qui sont derrière vous constamment dans les bus, chez le coiffeur, dans la file d’attente du cinéma... Qui balancent des phrases toutes faites sur la vie, l'amour, le destin qui font "après une rupture moi jeumcoupe toujours les cheveux, nouveau look pour une nouvelle vie" "han ouais trop, moi je refais ma garde robe hihi". 
Le fait est que je ne vais PAS me couper les cheveux. Alors j’ai fait du shopping.

Je suis une autrice donc. Je suis comme tous ces New Yorkais faussement concentrés sur leur écran – dehors il fait un soleil radieux et des gens font du vélo d’appartement dessous, sur la place, tous en cercle autour d’une sono assourdissante. En vrai, les gens du café se dévisagent. Et c’est peu courant aux states. Ils regardent, envieux, quand les autres – comme moi -, tapent frénétiquement sur leurs mini laptops. Certains, plus modestes, ne font que lire. D’autres sont là en famille, et s’excusent presque de troubler l’atmosphère – et ça aussi, croyez moi, c’est peu courant dans cette contrée d’enfant roi.

Ce matin, je me rappelais des marches du MET, où je ne m’étais finalement pas installée hier, parce que, partout autour de moi, je ne voyais pas de jolis de garçons. Et puis je m’étais fait la réflexion que c’était le cas dans tout Manhattan et à fortiori dans le Bronx - Brooklyn restant à part question bogossitude. L’appareil armé, je voulais shooter en rafale pour le Blog de l’hormone, mais rien ne venait. Rien ne vient parce que la petite voix, déjà là quand nous n’avions pas encore décidé de nous mettre ensemble, ne veut pas se taire. La petite voix geignarde qui, quand elle voit un vendeur d’A&F en civil dans le métro, fait « nananan, j’en veux qu’un et c’pas lui ». Je la fais taire comme je peux cette petite voix, mais cette nuit, dans le silence le plus retentissant depuis mon arrivée à Harlem, je me suis quand même endormie à moitié noyée dans mes sanglots. Lost in Manhattan.

Ce matin donc, je pensais à ça, un peu distraitement, quand une rangée de drapeaux a fini par m’accueillir à l’O.N.U. J’étais toujours un peu distraite quand le vendeur de billets m’a demandé si je préférais un vrai guide ou un audioguide, j’ai préféré la première solution, je ne sais pas pourquoi, je suis plutôt du genre à éviter le contact des hommes au maximum. J’étais toujours un peu distraite quand une asiat’ a appelé le numéro de mon groupe.

Je n’étais plus du tout distraite quand il m’a saluée. Pas grand. En costume. Avec son badge. Ses cheveux bruns. Un sourire caractéristique que j’aurais reconnu d’entre mille.

Des yeux marron pétillants et pleins d’une ironie très européenne. J’étais en territoire international, j’aurais pu tomber sur n’importe qui et ce fut le guide italien.

Il y a 8 ans, j’avais 16 ans, une robe transparente, surtout par temps pluvieux, et j’étais tombée raide dingue de Giovanni, qui m’avait tenu compagnie quand j’avais boycotté la 100e visite d’église de notre croisière méditerranéenne. J’en avais tiré une nouvelle. Terminée. Qui est quelque part. Ah, je viens de la retrouver et elle fait 7 pages quand même. Je n’ose la relire. Elle s’intitule Syndrom, bien évidemment.

Enfin voilà, ce guide ce matin (t’as remarqué je dis pas son nom ? Nan parce que si je le dis je vais me faire vanner pour les siècles des siècles)(du coup t’auras deviné quand même)(voilàvoilà) m’a redonné foi en l’hormone. Je peux encore regarder un garçon et palpiter. Je crois même que s’il m’avait invitée à boire un verre sur un rooftop, j’aurais dit oui. Je crois même que s’il m’avait proposé de le suivre dans son appart’ miteux du Bronx, j’aurais pas dit non. Je crois que ça veut dire que ça va mieux.

J’ai bien sûr pris des photos de lui, elles sont – bien sûr – toutes absolument ratées.


1 commentaire:

  1. T'as de la chance, ça fini bien.
    J'étais déjà en train de rédiger un commentaire assassin et culpabilisant si tu persistais à négliger ton travail de blog.

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